Révélations de "Mediapart", Christine Kelly tombe des nues

Loris Guémart - - Intox & infaux - Silences & censures - Déontologie - Financement des medias - 18 commentaires

Et Dimitri Pavlenko se félicite que Maïwenn ait agressé Edwy Plenel

Face aux révélations de "Mediapart", qui montre documents et témoignages internes à l'appui que la chaîne agite consciemment la haine au détriment des faits (et des alertes de ses propres journalistes), comment CNews a-t-elle réagi ? Par le silence… sauf dans "Face à l'info".

Du refus de répondre à la chaîne de la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet aux critiques de l'ex-ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye, quand CNews est visée, la chaîne tend à répondre de la façon la plus extensive possible, et avec elle tous les médias Bolloré à l'unisson. À partir du 1er avril, Mediapart publie les premiers articles d'un dossier qui s'annonce fourni à propos de la chaîne. Dès son premier article, le site indépendant dévoile comment son dirigeant Serge Nedjar a reproché à un journaliste, selon ce dernier, d'avoir en 2019 "évoqué en direct les coupures de courant opérées par des grévistes CGT en lutte contre la réforme des retraites". Ou rappelle comment, deux ans avant, il avait "interdit à ses journalistes" d'évoquer l'affaire de l'emploi fictif de Pénélope Fillon "pendant plusieurs heures". Ou encore d'avoir "longtemps" invisibilisé "les accusations d'agressions sexuelles visant Patrick Poivre d'Arvor", qui avait une émission littéraire sur la chaîne de 2017 à 2021.

Ce n'est pas tout, puisque Mediapart cite aussi des journalistes de la chaîne en exercice, qui ont tous demandé l'anonymat. "Les journalistes responsables d'animer les différentes tranches de l'antenne se voient imposer des invités et des thèmes, souvent les mêmes, et disposent d'éléments pour lancer les débats : des petits reportages, témoignages et beaucoup de micro-trottoirs. Le travail de la rédaction est ainsi instrumentalisé et permet de crédibiliser les débats", dit l'un. "On décrit une France à feu et à sang et on désigne des responsables : l'immigration, les musulmans, les jeunes de banlieue", analyse l'autre. "On nous laisse libres et ensuite, les chefs n'utilisent que ce qui les intéresse", ajoute un troisième. Des journalistes qui, parfois, mentent quant à leur appartenance à CNews, une ex-journaliste ayant ainsi prétendu tourner pour Canal+ afin que les personnes acceptent d'être interviewées. 

Le 3 avril, Mediapart montre, messages internes à l'appui, comment la chaîne, ainsi que ses stars et chroniqueurs·euses en plateau ignorent de manière répétée le travail d'information et de vérification de ses propres journalistes. Le site explore aussi en vidéo l'affaire de Crépol, montrant que "les animateurs ont parfaitement conscience des fausses informations qu'ils disent ou laissent dire à l'antenne". Loin, très loin des garanties déontologiques martelées face à la commission d'enquête parlementaire quelques jours plus tôtMais cette fois-ci, contrairement à l'habitude, ni Pascal Praud, ni Jean-Marc Morandini, ni Laurence Ferrari (ni Cyril Hanouna sur C8) ne font tonner le canon médiatique. Selon notre recension, du 1er au 5 avril 2024, une seule séquence est consacrée à défendre le travail de la chaîne. En répondant aux faits et témoignages publiés par Mediapart ? Que nenni. 

Mardi 2 avril, 19 h, Face à l'info. Un bandeau "CNews : Mediapart attaque", et l'introduction de Christine Kelly donnent le ton : "Alors que Cnews a été la première chaîne info ex-aequo en mars, alors qu'une commission d'enquête en cours voudrait remettre en question la fréquence de la chaîne info, force est de constater que les critiques pleuvent. J'avoue, et les journalistes de CNews également, avoir du mal, personnellement, dans le portrait que l'on a fait à l'extérieur, à reconnaître la chaîne dans laquelle je travaille. Le dernier article en date présenterait cette chaîne comme une fabrique de la haine. Personnellement, je ne me reconnais pas vraiment dans cette description." 

Il y a tout CNews, et tout Christine Kelly dans ces deux phrases, puis dans la séquence qui suit. À aucun moment, les téléspectateurs et téléspectatrices de la chaîne ne sauront même une bribe des faits dévoilés par Mediapart. Et l'animatrice, dont la fonction principale à la naissance de l'émission fut d'éviter (sans succès) que les saillies les plus racistes d'Éric Zemmour n'engendrent procès et amendes, tient encore une fois son rôle de fausse modératrice : "La question qu'on s'est posé ce soir […] c'est est-ce qu'à un moment où un autre, vous vous sentez, nous nous sentons fabriqueurs de haine ?" 

La suite est cousue de fil blanc. Marc Menant, journaliste-historien approximatif, s'amuse qu'on puisse décrire la chaîne comme vivant "sous la férule d'un dictateur qui imposerait les sujets, qui ne tolérerait pas qu'il y ait le moindre propos contradictoire" (les journalistes et humoristes des médias Bolloré virés ou censurés sur ordre d'en haut apprécieront). Suit une argumentation destinée à montrer qu'il ne serait pas sain, pour les médias épris d'une "fausse compassion", de combattre les oppressions. Sauf celles de "l'islamisme" et de "l'immigration", qui sont, elles, "intolérables". Au tour de la journaliste Charlotte d'Ornellas, désormais grande plume du néo-JDD, qui prône "le pluralisme", se félicite que l'extrême droite soit représentée par la chaîne, et déplore qu'on essaie de "décrédibiliser moralement" cette "sensibilité"

Et la haine arrive. D'abord par l'inénarrable Mathieu Bock-Côté, qui voit en Mediapart des "commissaires politiques sans envergure, à la culture limitée". Toujours sans répondre à un seul des faits et témoignages avancés par le premier article publié par le site. Puis vient Dimitri Pavlenko, qui prend appui sur une polémique 100 % Bolloré construite à partir de déclarations de l'humoriste Mahaut Drama s'interrogeant sur la nécessité d'une lutte plus radicale si Marine Le Pen accédait au pouvoir en 2027, lors d'une conférence organisée par Mediapart. Conclusion de Pavlenko, de moins en moins policé au fil des ans : "En l'occurrence, Mediapart sait aussi susciter la haine, je veux dire la gifle que prend Edwy Plenel de la part de Maïwenn, celle-là, entre guillemets, il l'a pas volée hein, il l'a pas volée cette haine." Et la question posée par Christine Kelly dix minutes avant de trouver sa réponse.


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