Du gars sympa, facho-compatible

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 167 commentaires

"C'est vrai qu'il est sympa" : ainsi commence le portrait de Jordan Bardella, tête de liste RN aux régionales d'Île-de-France, par Franck Johannès, dans Le Monde.  Sympa, cool, souriant, bosseur, etc. Les réserves du portrait n'apparaissent qu'au 23e paragraphe (sur 32), pour les lecteurs qui auront atteint ce stade. Bardella, est-il rappelé, a été attaché parlementaire du député Jean-François Jalkh, qui soulignait "le sérieux et la rigueur d'un type comme Faurisson". Au Conseil régional d'Île-de-France, "il siège poliment auprès d'Axel Loustau", lequel, à l'âge de Bardella, était allé à Madrid saluer l'ancien Waffen SS Léon Degrelle. Tout ceci est rappelé dans le portrait du Monde. A partir du 23e paragraphe. En signalant au passage que Bardella "s'agace prodigieusement" quand on évoque ces faits. L'article aurait pu commencer par le récit de cet "agacement prodigieux" quand le journaliste a posé les questions qui fâchent.  Ç'aurait été un autre choix. Moins sympa.

À en croire Le Parisien, c'est un "Zemmour boy", Dimitri Pavlenko, qui a été choisi pour succéder à Mathieu Belliard à la matinale d'Europe 1. C'est un pas supplémentaire vers la bollorisation d'Europe 1.  À la lecture du journal, je découvre d'ailleurs les raisons de l'éviction du matinalier Belliard : à la fin d'une interview par Sonia Mabrouk, en novembre dernier, il avait interpellé Gérald Darmanin sur les restrictions à l'instruction à domicile - en précisant bien qu'il était directement concerné par la question. L'épisode m'avait échappé (la vidéo est ici).

De Dimitri Pavlenko, qui siégeait sur le plateau de Zemmour, je pourrais dire tout aussi bien : "C'est vrai qu'il est sympa". À ce que j'avais constaté lors de mon immersion en Zemmourie, ses interventions dans l'émission sont mesurées, documentées, agréables. S'il ne contredit jamais les fulgurances racistes du boss, se contenant de solliciter régulièrement des précisions ou des compléments, il s'en tient à l'écart. Ce n'est pas lui qui interpellera un ministre sur un sujet non prévu. Il va falloir faire avec cette nouvelle figure : le gars sympa, facho-compatible. Quand la présidente Le Pen ou le président Zemmour ouvriront des camps, ou donneront l'autorisation de tirer, Pavlenko et Bardella ne surenchériront pas. Non, la haine ne passera pas par eux. Ils se contenteront de regarder ailleurs. Et de rester sympas.


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