Guerre à Gaza : racisme et couverture biaisée dans les médias ?
La rédaction - - Silences & censures - Déontologie - 5 commentaires Voir la vidéo
Cette émission est diffusée en direct un mardi sur deux à partir de 17 h 30 sur notre chaîne Twitch.
- 3:18 Interview : racisme en rédaction et couverture de la guerre, l'Ajar monte au créneau
La récente Association des journalistes antiracistes et racisé·es (Ajar), dont nous avions reçu une représentante dans Proxy à sa création en avril 2023, a donné de la voix depuis le 7 octobre. D'abord par un communiqué : "Notre association, regroupant près de 200 journalistes, est au fait de situations préoccupantes vécues par des confrères et consœurs depuis plus de trois semaines. Nos membres font état de conditions de travail fortement dégradées". Avant de poursuivre : "Dans leurs rédactions, on considère que l'attachement, réel ou supposé, de journalistes au respect des droits du peuple palestinien, les biaise, et les empêche de faire leur travail correctement, d'autant plus si ces journalistes sont arabes ou musulman·es. Certain·es nous rapportent des remarques racistes, d'autres des blagues, ou des accusations à peine déguisées évoquant une sympathie supposée avec le Hamas."
L'association annonçait alors aussi un "décryptage à venir" concernant la couverture du conflit "déséquilibrée dans de nombreux médias français, notamment par sa tendance à l'invisibilisation et à la déshumanisation des Palestinien·nes". Ce qu'elle a fait ce 10 novembre, en vidéo ainsi qu'avec un communiqué. Dans lequel l'Ajar observe que "les massacres du Hamas du 7 octobre ont donné lieu, à juste titre, à des portraits humanisants des victimes israéliennes et étrangères, ainsi que des familles qui continuent d'attendre la libération de leurs proches". Et regrette qu'à l'inverse, "les Palestinien·nes, de leur côté, ne bénéficient pas d'un tel traitement médiatique et sont souvent réduit·es à des additions désincarnées" des estimations du nombre de mort·es. L'association déplore aussi qu'il soit trop souvent exigé "des condamnations par leurs invité·es palestinien·nes ou pro-palestinien·nes [...] au sujet des massacres de civils par le Hamas". Un tout auquel s'ajoutent "une absence de distance par rapport à la communication de l'armée israélienne", et un manque de contextualisation historique. Pour en parler, nous recevons une porte-parole de l'Ajar, la journaliste Iris Ouedraogo.
- 49:18 Des reporters gazaouis étaient-ils au courant de l'attaque ?
Tout commence le 8 novembre, par un article du site anglophone HonestReporting, dédié à"combattre les préjugés idéologiques dans le journalisme et dans les médias qui concernent Israël" – un peu comme le fait InfoEquitable en France. "Des images des atrocités du Hamas par AP et Reuters soulèvent des questions éthiques", écrit le site en dénonçant, photos à l'appui, la présence de quatre correspondants gazaouis d'Associated Press (AP), de CNN, de Reuters et du New York Times au tout début de l'attaque du 7 octobre. Est ensuite rapidement diffusée la photo de l'un d'eux, Hasan Eslaiah, embrassé par un leader du Hamas et maître d'œuvre du 7 octobre. Le site demande s'ils étaient au courant de l'attaque avant qu'elle ait lieu. Il est relayé par l'État israélien dans un post beaucoup plus affirmatif de son porte-parolat. En faisant donc des complices plutôt que des observateurs.
Rapidement, le New York Times, AP et Reuters diffusent des communiqués dans lesquels ils démentent fermement que leurs journalistes aient été au courant des attaques au préalable. AP, puis CNN dans une déclaration à Politico, affirment néanmoins aussi qu'ils ont rompu tous les liens professionnels qu'ils avaient avec Hasan Eslaiah. En France, les Décodeurs du Monde et la rubrique CheckNews de Libération (entre autres) constatent tous deux qu'aucune des photos diffusées par HonestReporting ne prouve que les journalistes concernés étaient au courant de l'attaque en amont, les clichés ayant tous été pris nettement après le premier franchissement du mur de séparation entre Gaza et Israël par le Hamas. Auprès de Libération, Hasan Eslaiah dément fermement toute proximité avec le Hamas, et signale que la photo d'embrassade remonte à 2018.
Sur X (ex-Twitter), CheckNews a a aussi vivement critiqué un article du Point relayant les accusations faites par HonestReporting. "Vous écrivez (sans le moindre conditionnel) : «Comment a-t-il été prévenu de cette attaque que le Hamas planifiait depuis des mois ? Pourquoi a-t-il franchi le mur de séparation avec les membres de l'organisation terroriste et est-il entré durablement en Israël ?», observe la rubrique. Or il suffit de regarder (nous l'avons fait) les photos d'Hassan Eslaiah le 7 octobre pour vérifier qu'il n'a nullement franchi le mur de séparation lors de l'incursion du Hamas, mais bien après." Le 10 novembre dans une dépêche d'Associated Press, le directeur d'HonestReporting a reconnu qu'il n'avait présenté aucune preuve tangible montrant que les journalistes concernés étaient au courant de l'attaque en amont, affirmant seulement avoir voulu "poser des questions". La Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui représente les syndicats de journaliste, a "condamné les menaces de morts basées sur des allégations improuvées envers des photojournalistes".
- 1:05:02 "La Dépêche" copie-colle une citation d'une enquête sans indiquer sa source
"Vous reprenez au mot près une partie d'une interview du président des architectes d'Occitanie, dans mon papier pour le magazine Artdeville, c'est un hasard ?", demande au quotidien régional la Dépêche du Midi le journaliste Frédéric Dessort le 2 novembre sur X (ex-Twitter). De quoi est-il question ? La justice a annulé, pour cause de consommation excessive d'espaces naturels, agricoles et forestiers, le plan local d'urbanisme (PLU) métropolitain de Toulouse. Obligée de revenir au précédent PLU, la municipalité a introduit une "charte de revue de projets" pour demander des changements en amont du dépôt des permis de construire. Une charte que l'ordre des architectes local a refusé de signer, estimant qu'elle représente un abus de droit, seul le PLU étant censé déterminer les règles à suivre ou non, dévoilent justement un article du site Mediacités début octobre, et celui de Frédéric Dessort publié au même moment dans le magazine Artdeville, consacré à la culture, à l'architecture et à l'environnement.
"Nous ne contestons pas la politique visant à la recherche de qualité d'usage des bâtiments ou plus généralement la politique d'urbanisme de Toulouse. Le problème, c'est que nombre des demandes faites dans le cadre du processus de Revue de projet ne sont pas inscrites dans un document d'urbanisme opposable sur un plan juridique", regrette le président du Conseil régional de l'ordre des architectes d'Occitanie (CROA d'Occitanie) dans Artdeville. "Nombre des demandes faites dans le cadre du processus de revue de projet ne sont pas inscrites dans un document d'urbanisme opposable sur un plan juridique", regrette-t-il dans la Dépêche. Sauf qu'il n'a jamais parlé à la Dépêche, qui a copié-collé l'extrait de citation dans son propre article publié le 1er novembre.
"On peut toujours imaginer que la Dépêche ait eu le type et qu'il ait dit exactement la même chose, donc je l'ai appelé, il m'a dit «non non je n'ai eu aucun appel», témoigne Frédéric Dessort auprès d'ASI. Je ne vais pas en mourir, mais c'est une méthode inqualifiable. Et pas nécessaire : il suffisait de prendre la citation et d'ajouter «selon Artdeville»." Du côté de la Dépêche, le journaliste Philippe Emery, auteur de l'article incriminé, reconnaît auprès d'ASI avoir pris la citation telle quelle, et qu'il aurait dû citer Artdeville. Il explique avoir tenté de joindre l'ordre des architectes lors de la réalisation de son article, sans succès. "C'est assez courant de faire ça, on travaille dans un quotidien, quand les gens ne nous répondent pas, s'ils se sont exprimés par ailleurs, on peut reprendre ce qu'ils ont dit dans un autre support." Après cette émission, l'auteur de l'article de la Dépêche a ajouté, dans la version web de l'article, une mention attribuant la citation de Christian Combes à Frédéric Dessort et à Artdeville.
- 1:29:05 Pourquoi Brice Couturier a quitté "Franc-Tireur" en 2022
La nouvelle était passée sous les radars d'Arrêt sur images. Peu après le portrait de "macroniste radicalisé" que nous avions tiré de l'éditorialiste Brice Couturier, celui-ci a quitté l'hebdomadaire Franc-Tireur. L'information a ressurgi en marge de l'affaire des étoiles de David taguées dans Paris, pour laquelle une influence russe est soupçonnée. "Pour avoir évoqué ce genre de chose, j'ai été viré de Franc-Tireur...", a posté l'intéressé sur X (ex-Twitter) le 7 novembre. "Tu n'as pas été viré, tu es parti, lui a sèchement répondu un autre journaliste et éditorialiste de Franc-Tireur, Benjamin Sire. La situation est assez compliquée pour ne pas en rajouter."
De quoi s'agit-il ? En mai 2022, l'accueil de la finale de la Ligue des champions de football à Paris, en remplacement expresse de Saint-Pétersbourg pour cause de guerre en Ukraine, tourne au fiasco faute d'organisation adéquate. "Impression massive de faux billets, grève sur la ligne B, mobilisation de délinquants sur les réseaux sociaux... Stade de France : la piste du sabotage par la Russie est à prendre en considération", écrivait alors Brice Couturier. "Vous avez dit complotisme ?", moquait aussitôt Acrimed, Franc-Tireur se voulant un média résolument anticomplotiste. Suite au tweet de Couturier, Rudy Reichstadt, autre éditorialiste de l'hebdo et fondateur de Conspiracy Watch, avait pointé dans son édito chez Franc-Tireurle "malaise" engendré par cette prise de position publique. "Même si elle n'est qu'insinuée, l'accusation, en l'absence de preuves, présente des caractéristiques difficilement dissociables d'une banale théorie du complot." Engendrant, donc, le départ de Brice Couturier.
- 1:39:03 Sophie Pommier, "Orient XXI" et accusations d'antisémitisme
Elle a fait le buzz pendant 48 h, et les médias s'en sont allés ailleurs. Le 7 novembre, le député des Français de l'étranger (dont ceux d'Israël) Meyer Habib diffuse une vidéo dans laquelle on voit une femme retirer des affiches dénonçant les enlèvements d'otages par le Hamas. Prise à parti en anglais par le groupe qui filme, et lui crie d'arrêter, Sophie Pommier, nommée par le député dans son post – "conseillère en formation sur le Proche-Orient au ministère des Affaires étrangères", précise Habib –, est vue criant "Israël assassin" et demandant combien de morts cause Israël à Gaza. Ce qui a entraîné des communiqués de Sciences po (où elle a enseigné) condamnant "fermement les propos et actes tenus dans cette vidéo", ainsi que du Quai d'Orsay dénonçant "une attitude, un comportement et des propos totalement indignes qui disqualifient entièrement cette personne pour entretenir la moindre relation de travail avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères".
"Elle est membre du conseil de rédaction et du comité éditorial du journal en ligne Orient XXI", indiquent aussi le Figaro et Libération
(mais pas l'AFP). Libérationdont la rubrique CheckNews s'est demandé ce"que disait la chercheuse Sophie Pommier, filmée en train d'arracher des portraits d'otages israéliens, lors de ses passages sur la radio publique." En l'occurrence, elle intervenait "uniquement à titre de spécialiste de l'Égypte". Sujet sur lequel elle s'exprime principalement aussi dans ses articles pour Orient XXI, si ce n'est son dernier texte, qui analyse un récent discours du chef du Hamas. Du côté d'Orient XXI, il est indiqué à ASI que Sophie Pommier conserve toute la confiance du titre, même si elle a souhaité démissionner de ses fonctions au sein du conseil de rédaction et du comité éditorial. Il est également regretté l'agression dont elle a été victime par la Ligue de défense juive, qui est venue jusque dans son immeuble pour en taguer les parties communes (elle aurait porté plainte). Ce qui n'a fait l'objet d'aucun écho médiatique.
- 1:59:42 "24 h Pujadas" encore épinglée pour ses approximations et erreurs
Ce n'est pas (du tout) la première fois que ça arrive : une fois de plus, un expert a décidé de critiquer publiquement les erreurs et approximations de l'émission de David Pujadas sur LCI, ici concernant une séquence sur les potentiels crimes de guerre israéliens ensuite rediffusée sur X (ex-Twitter). Cette fois-ci, les reproches sont venus de Johann Soufi, ancien chef du bureau des affaires juridiques de l'UNWRA (l'agence onusienne chargée de l'aide humanitaire aux Palestiniens). "La CPI n'est pas compétente car la Palestine n'est pas un État", indique l'émission ? "Faux. La Palestine est un État partie au Statut de Rome depuis 2015 [et] État observateur de l'Onu depuis 2012", répond Soufi. Autre erreur : "L'utilisation alléguée d'infrastructures civiles par le Hamas autoriserait Israël à bombarder la population civile qui s'y trouve, résume l'expert. Faux ! Le fait que des combattants utilisent une infrastructure civile / protégée (par ex. un hôpital) n'en prive pas automatiquement la protection." Il en pointe quelques autres.
"Je suis tombé dessus par hasard sur Twitter, comme ça parlait de crimes de guerre, de droit international, et que c'est vraiment mon domaine à la fois d'expertise et ma passion, j'ai souhaité écouter de quoi on parlait. Et je me suis rendu compte qu'en moins de 2 minutes, en fait, quasiment tout était faux", commente Johann Soufi auprès d'ASI. S'il tient à ne pas "jeter l'opprobre" sur LCI dans son ensemble (il a été reçu plusieurs fois sur ses plateaux dans de bonnes conditions, précise-t-il), il a souhaité "pousser les médias à être plus rigoureux […] dans leur analyse du droit international", ayant "l'impression que c'est souvent très superficiel". Il constate aussi "une similarité étonnante entre le langage qu'utilise Israël pour justifier certaines de ses actions et ce qui est repris dans les médias". David Pujadas, ce 13 novembre, a répondu aux critiques, celles de Soufi comme d'autres : "Dans ce conflit, on a tendance à vous attribuer des choses que vous n'avez pas dites, ou des arrières-pensées selon que l'on soit dans un camp ou dans l'autre." Sans formuler d'excuses, ne reconnaissant au mieux que quelques imprécisions.
- 2:23:31 La pub a eu la peau du média féministe états-unien "Jezebel"
Créé en 2007, le média féministe étatsunien Jezebel n'est plus, le groupe G/O Media venant d'en licencier les sept journalistes de la rédaction (et 23 salarié·es au total). Pionnier, Jezebel a, pendant 16 ans, focalisé son journalisme sur les questions politiques, sociales et de santé les plus sensibles concernant les femmes, en particulier l'avortement. Des sujets trop sensibles pour les annonceurs publicitaires, du moins vu de la régie du groupe G/O Media, détenu par un fonds d'investissement qui a racheté le groupe Gawker (Kotaku, Jalopnik, The Onion, Quartz, entre autres) au géant Univision en 2019.
Revenons à Jezebel. Le PDG de G/O Media, dans un mémo interne obtenu par la chaîne CBS News, se contente d'expliquer que "le business model et le public que nous informons à travers nos médias ne sont pas alignés avec ceux de Jezebel". Mais selon la rédactrice en chef par intérim du site féministe, citée dans une longue enquête du site 404 Media (créé par des ancien·nes de Motherboard), l'une des raisons majeures de cette fermeture est bien plus précise : la publicité. Ou plutôt le refus des annonceurs de placer leurs publicités sur un site qui couvre les sujets politiques les plus sensibles concernant les femmes – ou les sujets sociaux dans le jeu vidéo concernant un autre média du groupe, Kotaku.
Un symbole de l'extension de la brand safety (pour "protection de la marque") bien au-delà de ses origines. L'idée de départ visait à éviter que la publicité dite "programmatique" (les encarts publiés automatiquement sur les sites internet) puisse l'être à côté de contenus illégaux. Elle a été étendue notamment par l'action d'un collectif comme Sleeping giants, incitant les annonceurs à ne pas diffuser leurs publicités dans des médias d'extrême droite. Désormais, avec l'assistance de grands modèles de langage, les annonceurs veulent éviter jusqu'aux mauvaises nouvelles, ou informations dégageant des sentiments négatifs – ce que YouTube avait anticipé il y a déjà plusieurs années en démonétisant de plus en plus de vidéos. Conséquences : la brand safety récompense uniquement les contenus médiatiques les plus inoffensifs… et le piège s'est refermé, analyse l'essayiste techno-critique Cory Doctorow.
- 2:52:28 Le faux assureur Zebrance partout dans la presse (avec des pubs cachées)
Zebrance est un "pseudo-assureur qui veut vous faire les poches", dévoile 60 millions de consommateurs le 30 octobre dernier. En bref, une société qui propose des assurances habitation, auto et moto à des prix défiant toute concurrence… tout simplement parce qu'elle n'est pas dans le registre français des assurances, et ne vous couvre donc d'aucune manière en cas d'accident. Une arnaque gravissime, notamment permise par la profusion de publireportages diffusés ces dernières semaines dans de grands médias, ainsi que via quelques comptes sur TikTok ou YouTube. Le site public dédié au journalisme sur les produits de consommation a d'ailleurs choisi d'introduire son enquête par ces éléments, tant la situation paraissait aberrante à son autrice, la rédactrice en chef adjointe Élodie Toustou. "On avait une dizaine d'articles qui encensaient une escroquerie, c'est extrêmement grave, commente-t-elle auprès d'ASI. Les médias sont très bien référencés dans Google, il était facile de se dire que Zebrance avait l'air sérieuse. C'est scandaleux de voir qu'il n'y a pas de contrôle dans ces régies (publicitaires des médias concernés, ndlr)."
Quelques jours plus tard et suite à cette enquête, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l'organe de supervision du secteur des assurances, diffuse une mise en garde publique à propos de Zebrance. Les médias concernés par la publication de ces publicités cachées sont nationaux, tels que la Tribune, Challenges, le Point – qui ont tous trois supprimé discrètement leurs publireportages –, CNews ou 20 Minutes. Mais ils sont aussi locaux, à l'instar des quotidiens régionaux du groupe Ebra l'Alsace, le Progrès et le Dauphiné Libéré (qui ont supprimé aussi leurs publicités), mais aussi la Voix du Nord et la Provence. La mise en garde de l'ACPR a entraîné la publication de (vrais) articles dans bien des médias, par exemple au Figaro, chez BFMTV... et même une dépêche AFP.
"Pour le moment, difficile de savoir combien de personnes se sont faites avoir, mais le nombre de victimes pourraient être décuplé par la stratégie de Zebrance, qui s'est offert des contenus sponsorisés dans plusieurs médias", écrit l'agence de presse en citant 60 millions de consommateurs. Pour la première fois à notre connaissance, elle nomme ces contenus des "publicités déguisées". Les mentions publicitaires (légalement obligatoires) de ces contenus ne comportent en effet jamais le terme de publicité, et sont le plus souvent apposées en petits caractères, alors même que leur apparence globale est difficile à distinguer d'un article de ces rédactions. "Il faut avoir un œil averti pour comprendre que ce sont des contenus sponsorisés, estime Élodie Toustou. Je pense que parmi ceux qui ouvrent l'article, beaucoup ne comprennent pas qu'ils s'agit de contenus sponsorisés. Et puis, beaucoup de gens s'arrêtent au titre et ne vont pas plus loin, sur Google et sur les réseaux sociaux."
L'AFP, qui nomme la Tribune et le Point, a joint la Tribune. Dont le service communication a répondu : "Évidemment, dans les vérifications que nous faisons, nous nous assurons qu'il n'y a pas de contenu haineux et que c'est conforme à la loi". Tout en ajoutant : "Nous partons du principe que notre partenaire a fait son travail". Quel est ce partenaire, qui n'a pas répondu à l'AFP ? La plateforme d'achat de publireportages Ereferer, examinée dans un précédent épisode de Proxy – ce qui permet à ASI d'affirmer que la totalité de cette campagne de publicité a coûté entre 10 000 et 20 000 euros à Zebrance, soit moins de la moitié d'un spot de pub télé à une heure de grande écoute. Comment les médias ayant publié de telles publicités cachées ont-ils réagi en voyant arriver la dépêche AFP ? Ni le Point, ni Challenges, ni CNews, ni la Tribune, ni la Provence n'ont jugé utile de la republier, comme ils le peuvent en tant que clients de l'AFP. Chez 20 Minutes, la dépêche a été publiée en entier, la partie sur les publireportages comprise, mais sans suppression de la publicité sur le site du média. La Voix du Nord et les titres du groupe Ebra l'ont aussi publiée, en expurgeant toutefois toute la partie concernant les publireportages. Et la publicité native continue d'amoindrir, publicité cachée après publicité cachée, la crédibilité du travail des rédactions des médias concernés.
- 3:33:02 FAQ - Courrier des asinautes
On annonce la déclinaison de Proxy en contenus spécifiques pour chaque sujet sur le site d'ASI. Et on répond à toutes les questions posées pendant l'émission.