Du "Point" à Elon Musk, qui veut la peau de Wikipédia ?

Pauline Bock - - Numérique & datas - Scandales à retardement - 21 commentaires

Avec six articles en huit jours, le "Point" a déclaré la guerre à Wikipédia, accusée de "campagnes de désinformation et de dénigrement", car le journal n'apprécie pas la page qui lui est dédiée. Il n'est pas le seul : dans la presse de droite, en France mais aussi aux Etats-Unis, les attaques à l'encontre de l'encyclopédie en ligne se multiplient depuis des mois. Son plus grand critique, qui a juré la perte du site : Elon Musk, désormais membre du gouvernement Trump. Un "extravagant Mr Musk" que le "Point" porte apparemment dans son coeur.

Le Point est un journal "traditionnellement classé à droite" dont "la ligne éditoriale fait l'objet de critiques virulentes et suscite de vives controverses". En tout cas, selon sa page Wikipédia. Le journal en déduit que l'encyclopédie collaborative considère que le Point, accusé régulièrement ces dernières années de climatosceptisme, d'islamophobie et de complotisme, n'est pas une source fiable. Ce qui énerve grandement le journal, qui a récemment publié une série d'articles critiques de l'encyclopédie en ligne et un appel titré "Halte aux campagnes de désinformation et de dénigrement" sur Wikipédia.

Le "Point", en guerre contre Wikipédia, "machine à calomnier"

Cela fait plusieurs années que le Point ne porte pas Wikipédia dans son cœur. Dès novembre 2023, le journaliste Erwan Seznec enquêtait avec Factuel sur "les batailles idéologiques entre contributeurs" et sur "Wikipédia, une encyclopédie sous influence", concluant que "les activistes de la cause transgenre et de l'ultraféminisme ont pris une place considérable dans Wikipédia, instances dirigeantes comprises"Un nouvel article publié le 13 décembre 2024, dans lequel Seznec "plongeait dans la fabrique de la manipulation" de Wikipédia, a relancé les hostilités. 

Selon le Point, les bénévoles de l'encyclopédie en ligne sont des "militants" qui "tentent d'y imposer leurs contre-vérités en multipliant les cibles". "À mesure que la communauté de bénévoles s'élargit, les pages criblées de fausses informations et de rumeurs malveillantes se multiplient… Sans que Wikipédia France, informé, y trouve à redire", écrit Seznec. "SurWikipédia comme dans la rue, les militants actuels – écologistes radicaux, islamistes, « antifas »… – s'organisent avec une efficacité redoutable." 

Jusqu'alors, le Point menait son analyse critique de l'encyclopédie, sans que celle-ci ne réponde. Mais le 17 février, des contributeur·ices bénévoles de Wikipédia ont publié une lettre ouverte condamnant les méthodes journalistiques d'Erwan Seznec : "Samedi , après avoir contribué à l'article de Wikipédia consacré au journal Le Point, FredD, contributeur bénévole de Wikipédia depuis 18 ans, auteur de plus de 30 000 modifications, a eu la très désagréable surprise de recevoir un courriel envoyé depuis l'adresse professionnelle d'Erwan Seznec, journaliste au Point, qui comportait notamment les propos suivants : « Nous allons faire un article sur vous, sur notre site, en donnant votre identité, votre fonction, en sollicitant une réaction officielle de [l'employeur supposé de FredD]. »" FredD avait modifié la page Wikipédia du Point pour y mentionner son tournant éditorial populiste et sa dérive proche de la droite identitaire, en se basant sur des sources universitaires. Les bénévoles regrettent que les propos tenus par Seznec "relèvent explicitement de la menace et sont, à ce titre, tout à fait inadmissibles", dénonçant "toute tentative, d'où qu'elle vienne, d'intimider les contributeurs bénévoles de Wikipédia, y compris en menaçant de contacter leur employeur, et de diffuser des informations personnelles à leur sujet".

En réponse, le lendemain, le Point publie un nouvel article qualifiant Wikipédia de "machine à calomnier" et y clame que "le Point fait l'objet d'une campagne de dénigrement menée par des militants anonymes sur Wikipédia"

Au-delà des critiques générales faites à l'encyclopédie en ligne par le journal - "entre-soi, absence totale de contradictoire, sélection partiale des données, inversion accusatoire, effet de meute, élimination arbitraire des informations discordantes" - c'est surtout la présentation du Point, sur Wikipédia, qui est reprochée à Wikipédia. Une "opération de désinformation" dont le journal serait "victime depuis plusieurs mois" : "Sur Wikipédia, les contributeurs répètent en boucle que Le Point ne « serait pas une source fiable », que le journal serait « islamophobe », donnerait la parole à des voix « de la droite dure et de la mouvance complotiste », que Le Point verserait dans le « populisme », serait « une caisse de résonance du déni écologique » ou donnerait la parole à des figures proches de « l'extrême droite néofasciste »…" Le journal se défend par ailleurs d'avoir voulu "intimider" le bénévole FredD : "Notre crime ? Avoir envoyé un mail à un contributeur."

Ledit FredD ayant témoigné sur France Culture, c'est ensuite Étienne Gernelle, directeur de la publication du Point, qui s'est fendu d'un éditorial pour critiquer France Culture, sa "déliquescence" et son "naufrage journalistique". 

L'affaire culmine le lendemain, 20 février, lorsque le Pointpublie un "appel" signé par des soutiens du Point parmi l'éditocratie parisienne, de Caroline Fourest à Philippe Val et de Kamel Daoud à Raphaël Enthoven. "Halte aux campagnes de désinformation et de dénigrement menées sur Wikipédia", clame l'appel, qui demande "une encyclopédie vraiment participative, responsable, transparente, neutre et équitable".

La presse de droite contre Wikipédia

Le "débat" dans la presse de droite autour de la neutralité de Wikipédia - et les accusations de biais - ne datent pas de cette dernière offensive du Point, même si celle-ci est inédite par sa longueur et son intensité. En 2023, ASI vous racontait comment l'éditorialiste du Figaro Eugénie Bastié était partie en campagne contre le site qu'elle surnommait "Wokipédia", car elle refusait d'être qualifiée de "réactionnaire" sur la page qui lui est consacrée. Elle est d'ailleurs citée dans les enquêtes du Point comme un exemple de page "très à charge".

L'Express, dont le directeur de la rédaction Eric Chol a signé l'appel anti-Wikipédia du Point, avait déjà publié un dossier sur "Wikipédia, une encyclopédie sous influence" en 2021, à l'occasion des 20 ans du site. Le journal consacrait un article sur les "guerres d'influence" sur le site ainsi qu'un autre à propos des "débats idéologiques qui fracturent les wikipédiens : genre, écriture inclusive, terrorisme..."

Dès 2020, Marianne écrivait sur Wikipédia, qualifié de "violent champ de bataille idéologique". En novembre 2024, rebelote : l'hebdomadaire titrait cette fois sur "Wikipédia gangréné par le militantisme" (car le site soutient des associations ayant pour but d'améliorer des pages sur des femmes et des personnes afrodescendantes). 

En janvier 2025, c'est au tour du Figaro de publier une longue enquête sur Wikipédia, après avoir déjà étudié Wikimédia France en novembre 2023. L'encyclopédie en ligne est presque devenue un marronnier de la presse de droite. Une "wikipédienne très proche des administrateurs actuels de Wikimédia France" s'y désole : "La majorité des contributeurs sont de gauche." Mais ce qui agace particulièrement le journal, c'est l'impression d'être classé parmi les titres de presse jugés non-crédibles : "Ceux dont les lignes éditoriales les classent à droite font l'objet d'un traitement systématiquement plus méfiant". C'est "cette distorsion dans la prise en compte des sources journalistiques" qui fait dire au Figaro que l'encyclopédie en ligne a des "politiques woke""Entre militantisme et censure, Wikipédia est devenu une arme activiste", tonne le titre de la vidéo qui l'accompagne. Le Point et le Figaro sont toutefois largement utilisés comme sources sur Wikipédia.

C'est encore Marianne qui révèle, ce 20 février, que le Point a adressé une mise en demeure à la Wikimedia Fondation. C'est Marianne, toujours, qui publie ce 25 février une tribune qui prend la défense du Point, affirmant que "la délégitimation des sources sur Wikipédia est une pratique internationale aux conséquences infinies" : "En France, les pages Wikipédia de Franc Tireur, Marianne, Le Point font également l'objet de malveillances", écrit-elle. "Aux États-Unis, cela fait des années que les médias conservateurs se plaignent des mauvais traitements de leur fiche Wikipédia." 

En décembre 2024, l'enquête du Point sur la "fabrique d'une manipulation" avait été reprise par la presse d'extrême droite, comme l'avait alors noté Jules, un administrateur de Wikipédia en français : "Valeurs actuelles, Frontières (ex Livre noir), CNews, Breizh Info, Fdesouche, Europe 1". Si "l'appel" du Point a été moins relayé cette fois-ci, le JDD l'a toutefois republié. Jules souligne également que deux sites épinglés lors de l'affaire Avisa Partners et plus récemment dans notre enquête sur les sites qui polluent le web, Economie Matinet Politique Matin, ont immédiatement repris les attaques du Point.

Depuis son "appel" du 18 février - le sixième article sur Wikipédia en huit jours - le Point a multiplié les entretiens avec ses signataires, qui regorgent d'accusations plus acerbes les unes que les autres. "Wikipédia est vulnérable au militantisme exacerbé" (21 février) ; "Sous couvert de neutralité, la manipulation s'infiltre" (22 février) ; "Wikipédia n'est pas une encyclopédie, c'est un tribunal populaire"(25 février)... 

L'administrateur de Wikipédia, Jules, dénonce "une ingérence et des pressions absolument inédites contre Wikipédia en français par le Point"Auprès d'Arrêt sur images, il abonde : ces attaques sont inédites par "leur intensité, leur récurrence et leur mauvaise foi". "Elles s'inscrivent dans une vague d'attaques de l'extrême droite basées sur une posture anti-intellectuelle, contre la science, qui cherche à redéfinir le réel", analyse-t-il. "Le Point, sans être d'extrême droite, utilise les mêmes méthodes." Il cite notamment la demande de Philippe Val d'interdire des pages sur des personnes vivantes créées sans leur consentement : "C'est un appel clair contre la liberté de la presse et la liberté d'expression." Rare média à avoir pris position en faveur de Wikipédia, un édito du Mouv' estime lui aussi qu'en voulant faire taire un contributeur de Wikipédia, "le Point applique les méthodes de l'extrême droite". 

"Wikipédia est en passe de devenir un champ de bataille politique et les attaques commencent à arriver aussi en France", alerte également Samuel Le Goff, l'ancien président de Wikimédia France, dans une tribune dans le Nouvel Obs.

"ASI" en source, preuve de "militantisme exacerbé" ?

Arrêt sur images est régulièrement cité en source des pages Wikipédia des éditorialistes et toutologues sur lesquel·les nous enquêtons. Jusqu'à être pris à partie dans la guerre que mènent les médias de droite à l'encyclopédie en ligne. "Si Valeurs actuelles est considéré comme «d'extrême droite» et CNEWS «peu fiable», le média en ligne Arrêt sur images, malgré ses prises de position éditoriales très proches des idées du sillage intellectuel de La France insoumise, est un simple «site web français d'analyse et de critique des médias», dont la fiabilité est au-dessus de tout soupçon", regrettait le Figaro en janvier. 

Le Pointécrivait en décembre : "Notre magazine n'est évidemment pas la seule cible des activistes de l'encyclopédie en ligne, qui peuvent s'appuyer, dans leurs multiples croisades, sur un faisceau de sources dont la fiabilité, selon eux, n'est pas discutable : Télérama, Mediapart, Arrêt sur images, Reporterre, Libération…" Et encore, le 18 février"Ainsi, pour nos contributeurs anonymes et prétendus apolitiques, Le Point ne serait « pas une source fiable » dans le monde des médias, à l'inverse de Mediapart, Arrêt sur images, Acrimed, Le Monde Diplomatique, Reporterre, ou Politis… sources abondamment citées pour « crédibiliser » la fiche Wikipédia du Point. Le fait que tous ces médias soient classés à (l'extrême) gauche ne semble pas leur poser le moindre problème de déontologie aux censeurs moralistes." 

Le fait que l'article oublie incidemment de préciser pour quels faits Wikipedia cite ASI à propos du Point (un article bidonné en 2010, une interprétation contestable de statistiques en 2019, les chroniques que tenait Gabriel Matzneff dans le Point en 2019, un épinglage pour manque de déontologie par le CDJM en 2023) ne semble pas poser de problème au Point.

Un contributeur de l'encyclopédie en ligne, qui a souhaité rester anonyme, explique que ce n'est pas tant que le Point n'est pas considéré comme une source fiable sur le site, mais plus simplement que le journal collectionne les condamnations pour diffamation et manquements à la déontologie. Un problème que n'a pas, par exemple, L'Express, dit-il : "Eux ne bidonnent pas, ils n'ont pas été condamnés, ils font du bon travail. Le problème du Point, ce n'est pas qu'ils sont de droite, c'est que ce sont des voyous !" Jules, administrateur de Wikipédia en français, souligne que "sur Wikipédia, ce qui importe, c'est la qualité des sources, pas leur couleur politique." Il s'agace d'accusations de "bénévoles militants" : "Ce n'est pas parce qu'on a des opinions politiques qu'on contribue sur des sujets politiques. On est là pour partager le savoir." FredD, visé par le Point, a certes apporté des détails à la page du Point, dit-il, mais "contribue surtout à des pages sur des mollusques et autres créatures marines".

des signataires mécontent·es de leur propre page Wikipédia ?

Dans son entretien du 21 février, paru dans le Point et titré "Wikipédia est vulnérable au militantisme exacerbé", l'essayiste Pierre-Henri Tavoillot, qui fait partie des signataires de "l'appel", identifie le "point de départ de son différend avec Wikipédia" à "une sollicitation d'Arrêt sur images en 2023". Nous l'avions en effet contacté pour lui donner la parole dans le portrait de toutologue que nous lui consacrions après qu'il ait déclaré publiquement "observer une extrême-gauchisation des médias"

Tavoillot raconte avoir décliné, pressentant la "nature malveillante" d'une telle demande "dans sa formulation" : "Mes appréhensions se sont révélées justifiées. À la suite de la parution de ce portrait, j'ai été qualifié de « dangereux extrémiste de droite »." 

Arrêt sur images écrivait "extrême-droitisé" - non "dangereux extrémiste de droite" - et se questionnait sur ses prises de parole sur l'immigration, proche de celles de Mathieu Bock-Côté, clairement d'extrême droite, lui. L'article d'ASI est cité comme source dans la page Wikipédia de l'essayiste, qui le décrit comme "un philosophe médiatique dont les discours sont proches de ceux de l'extrême droite".

En y regardant de plus près, c'est un point commun majeur des signataires de l'appel du Point : on y trouve de nombreuses personnalités sur lesquelles ASI a écrit... et qui ne sont pas content·es que notre travail serve de source à Wikipédia. Ont signé l'appel du Point : Rachel Khan (dont nous avons révélé ses plagiats à Radio Classique), Caroline Fourest (sa page totalise pasmoinsdesixarticlesd'ASI en sources), Eugénie Bastié (qui ne veut pas être affichée "réactionnaire"), Natacha Polony (troisarticlesd'ASIen sources de sa page) ou encore Raphaël Enthoven (dont la page mentionne que son journal Franc-tireur a été accusé de plagiats, révélation d'ASI). 

"Si les gens ne sont pas contents de leur biographie, ce n'est pas la faute du biographe"

On y retrouve aussi des noms moins connus, mais tout aussi omniprésents dans les médias : le fameux Pierre-Henri Tavoillot, mais aussi Étienne Klein (dont ASI révélait les plagiats en 2024, détaillés sur sa page), Nicolas Bouzou (ASI le qualifiait de "voix des lobbies" et rappelait ses propos sur la crise de 2008, en sources), Olivier Babeau (deuxarticles d'ASI cités également), Nathalie Heinich (sociologue et accusée d'homophobie comme on vous le racontait en 2017), Abnousse Shalmani (sa page cite ASI pour ses erreurs sur l'UNRWA et pour ses propos stigmatisants sur les élèves musulmanes), Jean Quatremer (pas moins de troisarticlesdifférents d'ASI parmi les sources), François Gémenne (dont ASI soulignait les propos questionnant la légitimité démocratique de l'accord de Paris), Alexis Brézet (du Figaro, qui a soutenu l'union LR-RN aux dernières législatives, comme révélé par ASI, en sources). 

Ces articles sont-ils des "campagnes de désinformation et de dénigrement" menées par ASI via Wikipédia ? Ou peignent-ils, en creux, la raison pour laquelle toutes ces personnalités influentes préfèreraient gérer elles-mêmes leurs pages Wikipédia : pour pouvoir omettre ces faits gênants révélés par la presse indépendante ? "On ne fait que relayer des informations sourcées et vérifiées", rit auprès d'ASI un contributeur qui préfère rester anonyme. "Si les gens ne sont pas contents de leur biographie, ce n'est pas la faute du biographe."

Derrière les attaques contre Wikipédia, l'ombre d'Elon Musk

Avant le Point, c'est le milliardaire Elon Musk, désormais tête pensante du gouvernement Trump, qui s'est attaqué à Wikipédia. Dès octobre 2024, il proposait de racheter le site pour un milliard de dollars afin de le renommer "Dickipédia" - une critique à peine voilée. En janvier, après des modifications sur sa page qui mentionne désormais son "geste comparé à un salut nazi ou fasciste", Musk appelait au boycott de l'encyclopédie en ligne, qu'il qualifiait sur X de "propagande" et l'accusait de "rouler pour la gauche"En février, il renouvelle son offre de racheter le site - qui n'est pas à vendre, précise à ASI un contributeur.

"Depuis quelques mois, l'encyclopédie et sa communauté font l'objet d'attaques virulentes, dont les plus visibles viennent d'Elon Musk. Après avoir encensé Wikipédia, il s'est brutalement retourné, passant à une haine farouche, appelant à lui couper les financements, et la qualifiant de repère de « wokes »", résumait Samuel Le Goff dans le Nouvel ObsEt derrière Musk se profile l'ombre de l'extrême droite étatsunienne, notamment de l'Heritage Foundation, une fondation d'extrême droite dont le projet d'"identifier et cibler" les bénévoles de Wikipédia qui "abuseraient de leur pouvoir" a été récemment révélé par le site The ForwardLa Wikimedia Foundation aux États-Unis a annoncé se préparer à de possibles attaques envers ses contributeur·ices, des mesures qu'elle appliquait jusqu'ici dans des "pays autoritaires".

La Columbia Journalism Review soulignait en janvier que "de nombreux entrepreneurs ont exprimé des frustrations similaires" à celles de Musk, et que l'un d'eux, le PDG de l'entreprise d'IA Perplexity, a promis de soutenir "quiconque pourrait construire une alternative non-biaisée" à Wikipédia.

Pourquoi Musk déteste-t-il tant Wikipédia ? "Wikipédia est progressivement devenu le dernier espace significatif où reste vivante la promesse initiale d'un internet libre et ouvert, celle des pionniers californiens du web", résume Samuel Le Goff dans sa tribune du Nouvel Obs. "Un bastion qui refuse, contrairement aux grands patrons de la Tech américaine, de faire allégeance au pouvoir et de se renier. Autant dire que cette attitude ne peut que provoquer des réactions violentes de l'ultradroite." Le contributeur qui souhaite rester anonyme abonde auprès d'ASI : "Musk a une volonté de contrôle sur l'information et sur les discours, dans la lignée des totalitarismes. Wikipédia échappe à ce contrôle, et on ne peut pas l'acheter comme on achète un journal." 

"L'extravagant Mr Musk" en Une du "Point"

Depuis l'élection de Donald Trump le 5 novembre dernier, le Point a consacré pas moins de trois Unes à Trump et Elon Musk - dont une où le PDG de Tesla pose seul, présenté comme "l'extravagant Mr Musk". Le numéro de l'élection de Trump, titré "Révolution", estime que "le stupide acharnement judiciaire dont a été victime [Trump]" lui a bénéficié et que le nouveau président n'est pas "une anomalie de l'Histoire mais le président de notre époque", qui "pourrait bien façonner le nouvel ordre mondial avec son allié" Musk. 

Plus loin, dans l'article de dix pages (!) qui lui est consacré, on apprend que Musk pourrait "révolutionner la bureaucratie à coups d'IA". Le 2 janvier, le Point consacre sa Une uniquement à Musk, le qualifiant de "personnalité hors du commun qui détonne avec ses idées extra-terrestres, un caractère imprévisible et un sens millénaire de l'exécution". "Qui arrêtera la fusée Musk ?" se demande le Point. "Elon Musk ne sera sans doute jamais le président des Etats-Unis, mais n'est-il déjà pas un peu celui du monde qui vient ?" Le journal continue trois semaines plus tard, le 23 janvier, avec encore Musk et Trump à la Une : "C'est du brutal", tonne le Point, soulignant "la revanche anti-woke de l'Amérique trumpiste". Le journal conclut que "les États européens" sont "désarmés dans un monde qui n'est plus celui de la diplomatie féministe - si elle l'a jamais été - mais bien celui des hommes forts".

Auprès d'ASI, le contributeur anonyme de Wikipédia observe "un glissement récent sur le traitement de Musk et Trump" dans le Point, "de moins en moins pour en dire du mal", et parle de "fascination". L'administrateur Jules note aussi "un rapprochement dans les méthodes" du Point et d'Elon Musk. "Les attaques du Point sont brutales, comme celles de Musk", liste-t-il. "Le propos du Point, selon lequel les bénévoles sont des militants de gauche, se rapproche de celui de Musk, qui accuse Wikipédia d'être «un repaire de wokes». Et si le Point n'est pas dans le même registre que les critiques injurieuses de Musk, il s'en rapproche avec un contenu enflammé, excessif, hargneux. Et il y a les menaces, inacceptables, envers des bénévoles." Cela fait beaucoup de points communs, et c'est "inquiétant pour le débat public", soupire-t-il. Pour son collègue contributeur, "le Point se fait le bras armé d'une entreprise qui le dépasse".

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