Olivier Babeau, mètre-étalon du libéral télévisuel
Maurice Midena - - Médias traditionnels - 43 commentairesProfesseur des universités spécialisé en sciences de gestion, Olivier Babeau est plébiscité dans les médias depuis quelques années. Et surtout ces dernières semaines pour donner son avis sur la réforme des retraites. Très bon client pour les plateaux télé et les chroniques pour la presse écrite, il incarne à la perfection "l'économiste libéral" dont la voix fait souvent écho avec les positions des grandes entreprises et du gouvernement. Lui revendique son indépendance, remise en cause par ses liens avec l'industrie via son think tank, l'Institut Sapiens, et ses activités de conseil. Portrait.
Il y a des gens, c'est comme ça, ils aiment les contre-pieds. Prenez Olivier Babeau, par exemple. Le 8 février dernier, le directeur du think tank libéral Institut Sapiens a cosigné dans le Figaro une tribune avec le fondateur de Doctissimo, Laurent Alexandre : "Pourquoi Chat GPT est plus important que la réforme des retraites." Le professeur en sciences de gestion y défend la thèse selon laquelle les enjeux soulevés par ce logiciel d'intelligence artificielle – qui peut écrire des ersatz de dissertation et de lettres de motivation –, soulève des enjeux plus importants que la réforme des retraites : "La réforme des retraites vise à éviter de trop grands déséquilibres du système dans vingt ans. Mais ChatGPT soulève des questions dont les effets pourraient se faire sentir dans quelques années seulement. C'est la vraie urgence."
Contre-pied, donc. Si Olivier Babeau est invité à foison ces derniers mois et semaines sur les plateaux, ou enchaîne les chroniques dans les Échos ou au Figaro, c'est pourtant bien parce qu'on lui demande son avis sur un des projets de réforme majeurs du second quinquennat Macron, plutôt que sur ChatGPT. Dans le Figaro, le 18 janvier, Babeau tape sur le système par répartition et loue la capitalisation. Quelques mois plus tôt sur le plateau de C à voussur France 5, il expliquait que la réforme était "nécessaire", et que "travailler plus" était "la solution la moins douloureuse". Même idée le 8 janvier sur BFMTV, ou le 15 septembre 2022 sur Arte chez 28 minutes, le 2 janvier sur RTL ; ou encore le 8 janvier sur France 5 dans C politique – où il défendait le fait que l'allongement de la durée de cotisation était encore ce qu'il y avait de mieux à faire. Le tout avec un raisonnement parfaitement maîtrisé, cousu de fil blanc, dont on vous a fait une petite compilation dans l'extrait suivant.
Le libéral "sympa" et incontournable des médias
Babeau n'a bien entendu pas son mot à dire que sur les retraites. Depuis quelques années, il multiplie les prises de position, en général sur des sujets économiques. C'est simple, Babeau est devenu un acteur médiatique incontournable dès que ça parle dépenses publiques, points de PIB et investissement : chroniqueur aux Échos (tous les mois), au Figaro (sans périodicité fixe), à Franc-Tireur (toutes les semaines), chez Jean-Baptiste Boursier sur BFMTV (tous les dimanches). Il a également été chroniqueur à l'Opinion pendant un an en 2019, et dans 24 h Pujadas sur LCI toute l'année dernière. Un sacré paquet de canaux pour déployer une logorrhée libérale somme toute assez convenue, malgré quelques atours provocants : il fait l'éloge des dividendes, celui de la bourgeoisie, pointe le manque de "réalisme" des propositions alternatives à l'actuel projet de réforme des retraites, ou tape sur les syndicats en les qualifiant d'"irresponsables".
Quand Arrêt sur images lui a demandé de le rencontrer, Olivier Babeau savait qu'on n'allait pas "lui tresser des lauriers". Mais l'homme de 46 ans a accepté car il aime le débat, caractéristique première du bon libéral de plateau : "Il est très sympa, et il pense vraiment qu'il participe à la vie de la démocratie en débattant autant, nous rapporte Pablo Pillaud-Vivien, rédacteur en chef de la revue Regards, qui l'a croisé plusieurs fois sur les plateaux. C'est un trait commun de tous les libéraux." Libéral, voilà un qualificatif que Babeau accepte volontiers en précisant qu'il l'est à la fois sur les questions économiques et sociétales. Ses références : Hayek bien sûr, grand théoricien du libéralisme économique, mais aussi Raymond Aron ou Michel Foucault. "Le libéralisme pour moi c'est la continuité de la pensée des Lumières, nous résume-t-il, faisant de l'individu la première strate de la société et la plus importante, et entretenant une méfiance terrible vis-à-vis de toutes les entités totalisantes. Je suis un traumatisé de tous les trucs qui peuvent nous forcer, de tous les goulags."
Un bon client chimiquement pur
Quand nous le rencontrons en vrai, Babeau nous fait le même effet qu'à travers l'écran : celui d'avoir été mis au point en laboratoire par un chimiste cherchant à mettre au point le chroniqueur libéral chimiquement pur. Cheveux bruns impeccables, barbe de deux jours et demi, chemise blanche à premier bouton ouvert, veste noire, phrasé limpide, raisonnement structuré sans trop grande complexité et personnalité extrêmement avenante. Bref, cet homme est taillé pour dire du mal des dépenses publiques sur BFMTV. D'ailleurs, si Babeau est plébiscité par les médias, c'est d'abord parce qu'il a très bien compris comment fonctionne un plateau : "C'est quelqu'un avec une réflexion intelligible et intelligente et une capacité à les formuler directement", analyse Pascal Perri, chroniqueur économique chez 24 h Pujadas. Pablo Pillaud-Vivien l'a croisé pour la première fois sur le plateau de Public Sénat et en a été "traumatisé" : "Il a une mécanique de raisonnement très rapide […] On ne sait pas par quel bout le prendre." Babeau a le sens de la formule, qu'il aime allier à la citation des grands hommes, comme tout intellectuel de plateau digne de ce nom. Sur la réforme des retraites, il nous glisse, paraphrasant Churchill : "C'est la pire des réformes à l'exception de toutes les autres."
L'autre qualité de Babeau, c'est qu'à force d'être partout, on voit d'où il parle. Quand le téléspectateur allume son poste, il sait que l'homme est là pour défendre le libéralisme. Une qualité que lui reconnaît auprès d'ASI Raphaël Enthoven, un des fondateurs de la revue Franc-Tireur : "C'est un homme qui a une vision du monde, quand on l'invite on sait qui on invite et à qui on a affaire. J'impute à son mérite le fait qu'il soit clairement identifié." Hervé Gardette, corédacteur en chef du magazine 28 minutes sur Arte, estime qu'il incarne assez bien l'intervenant libéral : "Un peu comme Nicolas Bouzou ou Jean-Marc Daniel. Dans un style opposé, il y a aussi Thomas Porcher (économiste hétérodoxe, membre des économistes atterrés, ndlr) qui vient souvent chez nous", indique-t-il à ASI. De son côté, Babeau confirme que son identification joue en sa faveur : "Les productions, quand elles font leurs plateaux, elles savent ce qu'on va dire. On est prévisible. Et elles aiment bien la prévisibilité. […] Avec en plateau, Porcher d'un côté, et Bouzou ou moi de l'autre."
Sociologie d'un réseau de toutologues
Une des règles immuables de la télévision, c'est que les plateaux –comme les chroniques – appellent les plateaux, d'autant plus quand "tu as la chance d'être disponible à Paris", fait remarquer Babeau : "Là, il y a une grande injustice, parce que quand tu es à plus d'une demi-heure des plateaux, tu n'existes plus." Il se souvient que quand il vivait à Bordeaux – où il enseigne entre autres la stratégie d'entreprise à l'université –, le téléphone sonnait beaucoup moins. Sur ces plateaux de télé et de radio, Babeau s'est taillé un réseau : il y a notamment rencontré Laurent Alexandre… avec qui il a fondé l'Institut Sapiens. C'est aussi grâce aux médias qu'il a croisé Pascal Perri, dont il a été… directeur de thèse (soutenue en 2017). C'était la seconde thèse de Perri, mais la première en sciences de gestion, lui qui avait déjà un doctorat en géographie. Babeau nous explique également avoir rencontré Nicolas Bouzou par le truchement des studios : "On est très copains. On ne part pas en vacances ensemble, mais on pourrait." Nicolas Bouzou n'a pu nous le confirmer, n'ayant pas répondu à nos sollicitations.
Babeau s'est notamment fait connaître par ses essais : la parution en 2018 d'Éloge de l'hypocrisie lui avait valu un portrait flatteur dans le Figaro ; celle en 2016, de La nouvelle ferme des animaux s'était accompagné des louanges de Challenges ("un essai remarqué qui moque les travers d'une France engluée dans sa bureaucratie et plombée par sa dette").Désormais, c'est son interlocutrice aux Échos, la rédactrice en chef des pages Idées Christine Kerdellant, qui chronique son nouveau livreLa tyrannie du divertissement, paru en février aux éditions Buchet-Chastel. "Tout le monde se connaît dans le monde politico-médiatique, admet Babeau. Ça questionne les conditions de production du débat." On ne saurait mieux dire. Et c'est encore sur les plateaux de télé qu'Enthoven a recroisé Babeau : les deux hommes s'étaient connus étudiants à la conférence Olivaint, un club centenaire de jésuites où l'on forme les jeunes gens à la vie politique et à l'art oratoire. "Ils prétendaient nous former à la politique, mais ils nous formaient surtout aux coups bas, se souvient Enthoven. Olivier faisait tache parce qu'il était probe."
Babeau s'est cependant essayé un temps à la politique : sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il devient plume au cabinet du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement Roger Karoutchi – avec qui il avait déjà cosigné un livre sur Jean Zay. Il a aussi été (une semaine à peine !) la plume du premier ministre François Fillon, après avoir été directeur de campagne de David Martinon, candidat à la mairie de Neuilly-sur-Seine en 2008 et aujourd'hui ambassadeur de France en Afghanistan. Mais ce début de carrière politique est sapé par les bisbilles entre Martinon et Sarkozy. "Mon expérience de politique locale a été assez traumatisante, la politique en général c'est très médiocre." Alors, Olivier Babeau ne remettra plus les pieds en politique, lui qui met en avant une certaine conception de la vie publique, pas vraiment adaptée aux jeux d'échec politiciens. "Moi je ne m'intéresse pas aux gens du tout en politique. Il n'y a que les idées qui m'intéressent, et je pense vraiment que ce sont les idées qui mènent le monde."
Une voix alignée avec celle des lobbies
Cet amour des idées l'a conduit à fonder, en 2017, son propre think tank, l'Institut Sapiens. Il venait de quitter un autre groupe de réflexion, l'Institut Concorde, "un think tank de vieux RPR", dixit Babeau, dont il a été le vice-président. Sapiens, c'est un outil lui permettant de "mener la bataille des idées", explique-t-il. "L'idée de départ de Sapiens, c'est de parler de technologies, parce que c'est la tech qui change le monde. C'est ma profession de foi dès le départ, je ne suis pas spécialement technophile, mais je reconnais que c'est la technologie qui fait avancer les choses." Il le cofonde avec Laurent Alexandre ("Je l'ai fait venir parce que à l'époque, il avait déjà un nom, et moi pas, c'était pratique pour la visibilité. […] c'est une personnalité attachante et il est prodigieusement intelligent"), ainsi que Dominique Calmels, ancien directeur financier du groupe de conseil Accenture.
La structure compte deux salariés – dont l'ancien directeur des études de l'Institut Concorde – et un petit groupe d'auteurs bénévoles. Il nous assure ne pas toucher un centime d'argent public, négligeant quelques-uns des clients de son Institut tels que le Conseil départemental de l'Isère ou le syndicat mixte de déchets ménagers d'Île-de-France, le Syctom. Sapiens est néanmoins très largement financé par des donateurs privés, par des entreprises partenaires comme Bayer, Engie ou Total, et par des lobbies patronaux tels que la Fédération Syntec qui regroupe les entreprises du numérique.
Babeau peut assurer que Sapiens et lui-même s'expriment en toute indépendance, ses prises de position sont souvent à l'avantage de certains de ses financiers. En février 2021, lors de la Convention citoyenne pour le climat, il est ainsi épinglé par l'Observatoire des multinationales comme un des porte-voix des lobbies industriels. "La Convention citoyenne s'annonçait comme une remarquable usine à taxes, interdictions et autres projets soviétoïdes repeints en vert",
scandait-il sur Twitter et s'insurgeant contre les "Khmers verts" sur le plateau d'Yves Calvi : "On a la réactivation de vieux projets collectivistes, anticapitalistes, anticonsuméristes sous couvert de protection du climat." Ou encore dans une de ses chroniques dans le Figaro. À l'époque, il réfutait auprès d'ASI, déjà, être à la solde de groupes de pression industriels : "Dès qu'on est opposé à la dictature verte, on est forcément vu comme un suppôt du capitalisme".
La journaliste Paloma Moritz, qui traite de l'écologie à Blast, a déjà croisé Babeau en plateau. Elle n'en garde pas un excellent souvenir. "Il avait dénigré dans les médias le travail de la convention, avec beaucoup de mépris pour cette nouvelle forme démocratique. C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que c'était un ennemi de l'écologie, qui ne veut pas y intégrer les dimensions démocratiques. Lui, est plutôt un tenant du solutionnisme technologique, qui tend à décrédibiliser tout ce qui ira dans le sens d'une écologie inclusive et progressiste." La journaliste est également intriguée par son mélange des genres : lors du Salon de l'agriculture en 2022, il avait animé des entretiens avec des personnalités politiques sur des enjeux agricoles, organisés par Semae, un lobby de semenciers. Babeau coanimait ces entretiens avec une autre journaliste habituée au flou journalistique, Emmanuelle Ducros de l'Opinion – qui a par ailleurs consacré au dernier livre de Babeau une chronique élogieuse sur Europe 1 et dans son journal.
En juin 2021, Babeau est de nouveau épinglé, cette fois par Libération. Le journal révèle qu'il a touché, via sa société de conseil personnel Human first, 26 000 euros du géant de la pharmacie et de l'agroalimentaire Bayer, 30 000 euros du groupe pharmaceutique Teva, et 10 000 euros d'Europabio, le plus important lobby de l'industrie biotechnologique – dont sont membres des sociétés comme Bayer, BASF, Novartis ou Pfizer. Libération mettait également en exergue certaines des chroniques de Babeau dont le message favorisait ces clients de prestige (comme ici sur les OGM, ou là sur le glyphosate). Ces révélations ne diminuent pas l'appétence des médias pour leur chroniqueur libéral préféré.
L'économiste préféré des médias… n'est pas économiste
Outre son style taillé sur mesure pour la discussion télévisuelle, cette inaltérable légitimité médiatique bénéficie d'un autre atout : sa fonction d'économiste, à en juger par la manière dont il est présenté dans de nombreux médias où il intervient. Ce fut le cas le 18 janvier dernier dans C ce soir sur France 5, à propos de la mondialisation et des inégalités dans le monde. En plateau, deux économistes donc, Olivier Babeau et Gabriel Zucman. Pour le premier, les inégalités ont largement diminué depuis un siècle, et la mondialisation a permis à de très nombreuses personnes de sortir de l'extrême pauvreté. Le second assure que l'explosion des très grandes fortunes est plutôt une preuve d'accroissement des inégalités.
Deux économistes ? Zucman est docteur en sciences économiques (sa thèse a été dirigée par Thomas Piketty), professeur associé à Berkeley, chercheur mondialement reconnu pour ses travaux sur la fiscalité et le monde de la finance. Le pedigree de Babeau, de son côté, en est loin. Ou plutôt, il est ailleurs. Il enseigne certes à Bordeaux en tant que professeur des universités, mais en sciences de gestion (c'est-à-dire en management). Pas en macro-économie. Sa thèse de doctorat porte d'ailleurs sur les cabinets de conseil, et est logiquement classée elle aussi dans les sciences de gestion. D'un côté, Babeau trouve "dur" de dire qu'il n'est pas économiste. Après tout, il est agrégé d'économie pour le secondaire (et en sciences de gestion pour l'université) : "Donc vous excluez des économistes lesenseignants du secondaire ? Qui seraient agrégés d'économie comme moi ?" Oui, rétorque-t-on. "C'est pas très gentil." D'un autre côté, ça ne le dérange pas vraiment de ne pas être reconnu comme tel. "Je me dis que ça n'a aucune importance. Ce sont des questions d'étiquettes, qui sont absurdes. La seule chose qui compte c'est que vous soyez capables de parler d'un sujet de manière rationnelle en présentant des arguments."
"Si on ne va pas sur les plateaux faire de la pédagogie et débattre, qui va y aller ?"
Loin d'être un chercheur ultra-spécialisé, Babeau s'inscrit dans l'air du temps médiatique et cette demande de passer aisément d'un sujet à l'autre. "Il répond à un besoin : celui d'être multidisciplinaire, souligne Laurent Alexandre. Il travaille beaucoup, il connaît beaucoup de sujets, ce n'est pas un spécialiste en silo, il a une formation, une culture transversale, capable de faire le lien entre la technologie, la géopolitique, l'économie." Une réussite pour celui qui dit s'être éloigné de la recherche académique afin de ne pas s'enfermer dans un domaine. "Le problème des enseignants-chercheurs, c'est qu'ils viennent en plateau, mais acceptent de ne parler que de leur thèse, observe-t-il. Parce que l'université vous a élevé dans l'idée que vous ne pouvez rien dire avant d'avoir fait trois ans d'études et 500 pages sur un sujet."
Lui croit en outre participer à une forme de "division sociale" du travail universitaire. Pendant que ses collègues sont obligés "de ne faire que ça" pour que leurs travaux soient publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture, Babeau revendique le rôle de passeur : "Si on ne va pas sur les plateaux faire de la pédagogie et débattre, qui va y aller ?" Débattre, même dans des configurations artificielles où lui joue au libéral pendant que Zucman ou Porcher campent l'hétérodoxie keynésienne ? "Mais est-ce que c'est pas ça le débat ?, nous demande-t-il. On essaye de se convaincre, d'échanger des arguments. Tant bien que mal, on arrive à se parler. Le plus inquiétant c'est le jour où on n'arrivera plus à se parler. Et le spectateur c'est comme ça qu'il peut se faire une idée. Je ne vois pas comment on pourrait ne pas faire ça."
Babeau sait très bien d'où il parle : c'est un bourgeois, on le lui fait souvent remarquer sur Twitter. Né et élevé à Neuilly-sur-Seine entre un père économiste (André Babeau, décédé en 2021), une mère au foyer et cinq frères et sœurs, il fait sa scolarité dans le privé catholique, au lycée Sainte-Croix de Neuilly, puis part en prépa économique à Saint-Louis-de-Gonzague, fabrique à élites du 16e arrondissement de Paris. Puis il entre à l'école de commerce ESCP, où il s'est "fait chier, quelque chose de prodigieux", tue l'ennui en passant un DEA de philosophie, finit à Normale Sup'. Il vit dans le 8e arrondissement ("C'est très central, je peux aller à tous mes rendez-vous à pied") et nous a donné rendez-vous dans un café près de Matignon (24 euros de note de frais pour deux cafés crèmes et deux allongés). Ce qui ne l'empêche pas, à l'entendre, de vouloir œuvrer pour le bien commun plutôt que celui de sa classe. Il trouve "injuste" qu'on lui fasse remarquer qu'il défend souvent le point de vue du gouvernement et des puissants. "Quand je défends les riches ou les entreprises, on va me mettre dans le camp du grand capital. Mais au fond on veut tous la même chose : la plus grande prospérité partagée avec le plus grand nombre, le respect des droits humains, l'absence de discrimination, l'égalité entre les sexes." Le fait qu'il soit positionné, sur tous les plateaux, contre les militants de ces causes ne semble cependant pas le troubler.