Un "Printemps des médias indés" et des nouvelles d'ASI
Loris Guémart - - La vie du site - 41 commentairesComment se déroule la transition d'Arrêt sur images, désormais propriété de ses salariés ? Il était plus que temps de vous en raconter les coulisses.
Mais avant toute chose, il faut vous parler d'une opération exceptionnelle d'abonnements couplés, le "Printemps des médias indés", à l'initiative du magazine indépendant dédié au jeu vidéo Canard PC : les plus ancien·nes d'entre vous connaissent forcément, sa rédaction ayant participé de 2012 à 2016 à notre émission C'est pas qu'un jeu. Alors, quand Canard PC est venu nous proposer de coupler notre abonnement avec le leur, en proposant 20 % de réduction, ou même de 40 % en le couplant avec le leur et avec ceux des Jours et de Brief Science, nous ne pouvions que dire oui, nous qui avons lancé La Presse Libre avec NextInpact. Si vous êtes déjà abonné·e à ASI et souhaitez participer, cela vous ajoutera un an d'abonnement sur votre compte d'asinaute (pensez à utiliser la même adresse de courriel) : ça se passe par ici.
Nouveaux statuts, nouvelle gouvernance
"À l'automne, c'est la propriété du site qui changera de main, la société passant d'un actionnaire unique à une collectivité d'actionnaires, composée de tous ses salariés à temps complet", vous indiquait Daniel l'an dernier. Et puis, plus rien, à l'exception de quelques tweets, de trois articles de presse (dont l'un en Belgique), et d'un petit mot d'Emmanuelle Walter, notre rédactrice en chef, destiné aux généreux donateurs de notre collecte annuelle. En octobre, nous sommes effectivement devenus coactionnaires d'ASI aux côtés de Daniel, qui continue d'animer ses deux émissions mensuelles, l'émission Post-pop
, d'écrire son Matinaute tous les jours de semaine, et d'assurer la présidence la première année afin de pouvoir transmettre en douceur ses connaissances aux administrateurs (élus) de la rédaction.
Rassurez-vous, nous n'en tirons aucun bénéfice ni dividende, et les parts sont transmises gracieusement en cas de départ ou de nouvelle embauche. Les objectifs ayant motivé la confection de nos nouveaux statuts sont la pérennité, l'indépendance et l'horizontalité des prises de décision. La forme choisie n'est pas celle d'une coopérative, pour une raison : sa trop grande rigidité pour nous qui souhaitions des statuts sur mesure – si Alternatives économiques, par exemple, est une coopérative, ce n'est pas le cas de la plupart des autres médias possédés par leurs salariés, avons-nous pu constater en examinant les possibilités qui s'offraient à nous. La transition d'ASI vers une gestion collective n'est pas un long fleuve tranquille : de nombreux débats, parfois agités, émaillent nos assemblées générales et nos conférences de rédaction.
Questionnaire et conseils en marketing
Les plus attentifs d'entre vous ont remarqué que nous avions cherché à embaucher l'an dernier : d'abord quelqu'un chargé·e du marketing, afin de mieux faire connaître le travail de la rédaction, puis un·e développeur·e web afin de remplacer Sébastien Bourgine qui déménageait à plusieurs centaines de kilomètres de Paris. Mais il nous a fallu constater que les postulant·es ne se satisferaient pas des niveaux de salaires proposés par ASI, et plus précisément de la grille de salaires en cours de création dans le cadre de la transition, avec une rémunération en fonction de l'ancienneté, appliquée à toutes et tous, journalistes ou non. Sébastien, en télétravail complet, a accepté de rester notre webmaster, et sera donc toujours l'interlocuteur des abonné·es rencontrant des problèmes avec le site ou leur abonnement.
Quant au marketing, nous avons finalement sollicité le studio Médianes, qui conseille de nombreux médias indépendants. C'est avec eux que nous avons confectionné le questionnaire pour lequel nous vous avons sollicité·es il y a quelques semaines : vous avez été des milliers à répondre, merci beaucoup ! Cela doit nous permettre de mieux vous comprendre, vous satisfaire, mais aussi de parvenir à convaincre les ex-abonné·es de revenir, et de nouveaux de s'abonner. Nous avons en effet de nombreux projets d'émissions, de chroniques, d'enquêtes… qui nécessitent suffisamment de moyens pour les mener à bien. Ces moyens, ce sont toujours vos abonnements, vos dons, et seulement eux : nous n'avons et nous n'aurons ni publicité, ni contenus sponsorisés, ni subventions directes. Daniel part progressivement, l'esprit d'indépendance reste.
Notre conseil consultatif
Et pour nous assurer, vous assurer du maintien des principes ayant dirigé l'émission de Daniel sur France 5, puis ASI sur le web depuis 2008, nous avons créé un conseil consultatif. Pourquoi ? Pour arbitrer en cas de désaccord importants ; pour échanger sur notre ligne éditoriale ; pour réfléchir ensemble à nos stratégies, aux enjeux du moment. Qui sont-ils ? Roulement de tambour : Julia Cagé, économiste des médias qui nous a conseillés pour la transmission d'ASI ; Dan Israel, ancien d'ASI, journaliste chargé des questions sociales à Mediapart ; Hervé Kempf, fondateur du quotidien de l'écologie Reporterre ; Sébastien Rochat, un autre ancien d'ASI, aujourd'hui membre du Clémi, le Centre pour l'éducation aux médias et à l'information ; Agnès Rousseaux, directrice de l'hebdomadaire Politis et co-coordonnatrice du site d'informations Basta ! . Ils ont accepté cette charge avec enthousiasme.
Nouvelles émissions et chroniques
L'an dernier, nous vous indiquions que Nassira El Moaddem et Emmanuelle Walter animeraient désormais l'émission en alternance avec Daniel. Désormais, l'émission est animée par Daniel, toujours deux vendredis par mois, ainsi que par Nassira un vendredi par mois, et par Paul Aveline ou Maurice Midena un vendredi par mois aussi. Emmanuelle a en effet lancé son Club indé, un mercredi par mois, avec autour du plateau des journalistes de médias indépendants, ainsi que la pastille vidéo On refait les questions
. Le Club indé
est en libre accès afin de permettre au plus grand nombre de découvrir le travail de ces médias, et mis en ligne sur notre chaîne YouTube (n'hésitez pas à vous abonner !). Nous avons au passage décidé de changer le jour de parution de Post-pop, toujours mensuelle mais désormais diffusée le mercredi.
Côté chroniques, André Gunthert a renoncé à la sienne, parce qu'il n'avait pas toujours le temps et parce que nous souhaitions pouvoir vous proposer un peu plus de régularité. L'historienne Mathilde Larrère, Sherlock et Watsonne ainsi que Jean-Lou Fourquet continuent, tandis que nous avons accueilli deux nouveaux chroniqueurs l'an dernier : notre ancien journaliste Thibault Prévost d'abord, avec son Clic gauche sur les mondes numériques deux dimanches par mois. La journaliste Élodie Safaris ensuite, avec son exploration mensuelle des paniques morales, nouveau carburant des polémiques des zinternets (et des médias). Vous avez peut-être également remarqué un autre changement, toujours concernant l'écrit : nous publions beaucoup moins d'articles qu'avant.
Moins d'articles, plus d'enquêtes
Pourquoi ? Afin de vous proposer des enquêtes les plus fouillées possible : ces derniers mois, Pauline Bock s'est plongée dans les méthodes journalistiques de Zone interdite, Paul Aveline s'est demandé si le protégé de Caroline Fourest avait vraiment "infiltré" Soral, Maurice Midena a révélé comment une star de RFI avait affaibli une enquête internationale de sa propre radio, Emmanuelle Walter a raconté les méthodes des journalistes culturels énamourés de Houellebecq et la stratégie de promotion autour de son dernier livre. Nos analyses aussi se sont étoffées grâce à ce ralentissement du temps journalistique au sein de la rédaction : Maurice a exposé en détail la manière dont les médias traitaient différemment les exilés ukrainiens des Afghans ou des Syriens, Paul s'est penché sur les choix médiatiques à propos des prisonniers de guerre russes, et Pauline a rappelé que Vincent Bolloré n'avait pas été le seul magnat des médias à s'arranger avec la vérité devant la commission d'enquête parlementaire sur la concentration des médias.
Ces sujets, vous ne les lirez nulle part ailleurs, et seule votre fidélité nous permet de les traiter. Merci ! Comme toujours, n'hésitez pas à nous donner vos avis, toujours précieux, en commentaires de ce billet comme sous les articles et émissions, ils sont toujours lus avec attention, et régulièrement discutés en interne. Créée l'an dernier, la rubrique du médiateur a d'ailleurs été pérennisée (n'hésitez pas à m'écrire à mediateur@arretsurimages.net). Dernière petite nouvelle me concernant : après un essai de plusieurs mois, j'ai été élu en février rédacteur en chef-adjoint (une nouvelle élection par l'assemblée générale aura lieu chaque année), afin d'assister Emmanuelle, désormais à la barre de la production éditoriale d'ASI en tant que rédactrice en chef et directrice de publication. À dans quelques semaines pour la traditionnelle présentation de nos comptes.