Trudeau : du neuf au Canada ?
Daniel Schneidermann - - Silences & censures - Le matinaute - 45 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Physiquement, il ne ressemble ni à
Bernie Sanders, ni à Jeremy Corbyn. Fils d'un ancien Premier ministre canadien, il s'est précipité dès son élection dans le métro de Montreal pour faire avec ses électeurs des selfies (pardon, des "égoportraits") de remerciements. Autant dire que la curiosité ne pousse pas spontanément à cliquer sur le nom de Justin Trudeau, nouveau Premier ministre canadien, dont les correspondants de la presse française, pris au dépourvu, se contentent d'expliquer vaguement que ce beau gosse va mener une politique en faveur des classes moyennes. On pourrait facilement le ranger parmi les souriants de synthèse kennedyens, retouchés Blair ou Clinton, formatés pour les formules creuses, et promis au camouflage des reniements par le storytelling.
Et puis, on tombe sur son passage dans la version canadienne de Tout le monde en parle, quelques jours avant le scrutin, alors que ses sondages, à la surprise générale, commencent à décoller. Regardez l'extrait : il mérite largement les 18 minutes que vous y consacrerez.
Trudeau souhaite légaliser la vente de Marijuana, en dépit des sondages. Car prendre ses décisions en fonction des sondages, "ce n'est pas du leadership. Il y a plein de gens qui passent leur vie à ne jamais rencontrer de criminels, sauf quand ils achètent de la Marijuana. Pour moi il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là-dedans." Néanmoins, la vente aux mineurs, ou la consommation au volant, resteraient sévèrement punies. Il estime qu'une femme peut se présenter en niqab, le visage entièrement voilé, à une cérémonie de remise de la citoyenneté canadienne. "Le niqab est-il un symbole de l'oppression des femmes ?" lui demande le présentateur. "Il peut l'être. On peut avoir un débat intéressant. Mais pas quand il y a des enjeux plus importants". Trudeau est opposé au retrait de la citoyenneté canadienne aux terroristes, même s'il rappelle, assez logiquement, que "la place d'un terroriste, c'est en prison".
En économie, il va donc alléger (un peu) les impôts des classes moyennes, et créer (peut-être) une nouvelle tranche alourdie pour les hauts revenus. En politique étrangère, son premier geste a été de prévenir Obama qu'il allait (sans toutefois donner de date) retirer les bombardiers canadiens de la coalition contre l'Etat islamique. Sur le traité de libre-échange transpacifique, il ne s'est pas encore prononcé. Il attend d'en connaitre les détails. "On va pas automatiquement endosser un deal qu'on n'a pas lu. Ni automatiquement dire non à un deal qu'on n'a pas lu".
Enfin, sur les 1200 disparitions inexpliquées de femmes amérindiennes, à propos desquelles le gouvernement Harper refusait toute enquête (on vous en parlait ici), diligentera-t-il pour sa part une enquête publique ? "Absolument et tout de suite". Bref, on aurait eu tort de ne pas s'intéresser à l'élection de Justin Trudeau au Canada, pays dans lequel la politique semble être de retour -constatation toujours surprenante, et légèrement déprimante, aux yeux d'un observateur français.