Le Pen, quelques rappels élémentaires
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 374 commentaires
Ce n'est pas d'hier que Marine Le Pen exclut de ses conférences de presse les médias qui lui déplaisent, dont Quotidien
et Mediapart
. Mais, second tour aidant, cette exclusion, sur laquelle elle a été notamment questionnée par notre Loris Guémart (article à venir dans la journée) lors d'une conférence de presse à Vernon (Eure), a donné matière au duel du jour entre les deux finalistes, Macron s'empressant de dénoncer "le début d'une dérive autoritaire"
.
Séquence très parlante, où Marine Le Pen se croit en droit de décider qui est journaliste et qui ne l'est pas
— Tristan Berteloot (@Tristan_Brtloot) April 12, 2022
Pour rappel, @quotidien n'est pas accrédité à ses meetings depuis des années, @Mediapart l'a été pendant longtemps, et @libe est parfois laissé à la porte pic.twitter.com/pQ0PnJplOh
Ce n'est en apparence pas grand chose, l'exclusion d'une émission d'info-divertissement de groupe Bouygues des conférences de presse de Marine Le Pen. Sûrement pas de quoi faire descendre les foules dans la rue. Le Pen n'est pas la seule, ni la première, à choisir ses journalistes (et les deux finalistes se sont retrouvés sur le rejet de la trop pugnace Anne-Sophie Lapix pour arbitrer leur futur débat). Mais il se trouve que c'est le petit caillou sur lequel on bute sur le chemin. Et quand on creuse autour du petit caillou, c'est un rocher souterrain que l'on découvre, le bloc liberticide du programme de la sympathique "dame aux chats" révélée par Karine Le Marchand, ce programme qui, selon la formule du Monde, "écorche droits fondamentaux et libertés individuelles, sans lesquels la démocratie n’est que le pouvoir du plus grand nombre et non le respect de tous"
.
Le Monde
a listé tous ces aspects, le 31 mars, dans une longue enquête d'Ivanne Trippenbach et Franck Johannès, qui mériterait d'être publiée en brochure – et ne le sera pas, hélas, vu les délais. Le quinquennat sera inauguré par un référendum (à la constitutionnalité controversée) portant sur un projet de loi "citoyenneté identité immigration"
prévoyant une "priorité nationale"
pour l’emploi, le logement ou les aides sociales, et réservant notamment les allocations familiales aux seuls Français. Les demandes d’asile ne seront examinées que si elles ont été faites en-dehors du territoire français, mesure dont Le Pen espère une réduction de 75 % des arrivées liées à la vie familiale et au droit d’asile. Exit
l’égalité de tous en droit issue de la Déclaration de 1789, l’existence de "
droits inaliénables et sacrés"
des êtres humains "
sans distinction de race, de religion ni de croyance"
du préambule de 1946, ou encore l’égalité devant la loi de la Constitution de 1958.
A propos de l'islam, si la "dame aux chats"
a donné une grande leçon d'humanité à son ex-collaborateur Messiha passé chez Zemmour, son projet n'en prévoit pas moins de bannir le port du voile (et non de la kippa) dans la rue, les services publics et tous les « lieux ouverts au public». À l'extérieur, si Marine Le Pen ne propose plus de mettre en œuvre un Frexit pur et simple, les dérogations de toutes sortes aux règlements communautaires et à la justice européenne déclencheront immanquablement un processus à la hongroise, ne pouvant déboucher, à terme, que sur la sortie. Enfin, rappelons pour mémoire qu'elle propose la privatisation de l'audiovisuel public. Vous m'objecterez que l'on sait tout cela. Je n'en suis pas certain. Vous m'objecterez aussi que les programmes sont faits pour ne pas être appliqués, comme je le remarquais moi-même. Peut-être, peut-être. En tous cas, il est bon de le rappeler.