Et les transports ? Et les soignants ?

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 127 commentaires

Ce sera donc 21 heures. Vous l'avez lu ici, hier matin, avant tout le monde, dans cette chronique. Ne me remerciez pas : c'est trois fois rien. Dans une autre vie, j'ai dû être spin doctor de l'Elysée. Est-ce parce que j'étais psychologiquement préparé à "l'électrochoc" ? L'idée d'un couvre-feu de quatre ou six semaines dans les métropoles ne me choque pas. C'est évidemment frustrant, mais toute mesure est et sera frustrante. J'entends dans mes réseaux sociaux monter un grand cri : plutôt que le couvre-feu, "Yakaouvrirdélidréa". Un lit de réa, ce n'est pas une chaise longue en bord de plage. Il ne me semble pas absurde de veiller d'abord à ne pas le remplir.

Inéluctablement bornée par l'heure de début du match Croatie-France sur TF1 (il y a des priorités !) l'interview de Macron m'a surtout semblée remarquable par ce qui n'y a pas été dit. Et par les questions non posées par les deux potiches dépêchées à l'Élysée. Ce silence assourdissant sur la possible contamination dans les transports, par exemple. Que fait-on pour désengorger les métros et les TER ? Or qui dit désengorgement des transports, dit télétravail. Même en admettant l'hypothèse que Macron soit, selon la formule de Christian Salmon ce matin sur France Culture, le "phonographe du patronat", sa tiédeur envers le télétravail (il admet du bout des lèvres "deux ou trois jours par semaine") est incompréhensible. Expérimenté et adopté pendant le confinement, le télétravail est évidemment la solution, dans les métropoles, pour soulager les transports. (À propos du patronat et des investisseurs, lire ici l'analyse de l'argumentaire de Bruno Le Maire pour vendre la France aux investisseurs étrangers. Est-ce qu'une politique d'avant-garde sur le télétravail ne serait pas un argument idéal pour les investisseurs ? Mais je ne suis pas Bruno Le Maire).

Pas un mot non plus hier soir sur les soignants, qui vont manifester aujourd'hui à Paris. Au delà de l'épuisement physique et moral des soignants titulaires, on redoute que nombre de soignants intérimaires, venus prêter main forte pendant la première vague, seront absents de la seconde. Plusieurs raisons dont celle-ci : ils n'ont pas touché la prime Covid de la première vague. Pourquoi ne l'ont-ils pas touchée ? Apparemment, l'enquête la plus fouillée a été menée par le média gratuit 20 Minutes. Après investigation, ma consœur Anissa Boumediene a découvert que ces intérimaires sont considérés, par l'administration de la Santé, comme des "mercenaires". Et pourquoi donc ? Parce que certains médecins préféreraient exercer en intérimaires, au tarif, selon Agnès Buzyn en 2018, de "2000 à 3000 euros la journée", plutôt que de s'installer. Je ne suis pas bureaucrate de la santé, mais il me semble qu'on devrait pouvoir distinguer une aide-soignante qui vient prêter main forte d'un médecin mercenaire. Il me semble que cette question, parmi bien d'autres, aurait mérité d'être posée au chef de l'Etat. Mais je ne suis pas présentateur de 20 Heures.

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