De rien !

Daniel Schneidermann - - Silences & censures - Le matinaute - 208 commentaires

Vous l'avez peut-être vu si vous fréquentez les réseaux sociaux, mais personne n'y étant obligé, voici un résumé des faits : Pascal Praud a été traversé hier d'une sorte de mouvement de panique, à l'évocation d'un nom, le mien. La chroniqueuse Elisabeth Lévy souhaitait brocarder un tweet dans lequel je rappelais la nécessaire distinction entre mortiers d'artifice et mortiers militaires. Mais elle n'en a pas eu le temps. 

"Ne citez pas ces gens que personne ne connait. Vous le CITEZ. Vous vous rendez pas compte, c'est rien. Ce n'est personne." Lévy, prise en flagrant délit d'intérêt pour un non-être : "Il a une chronique dans Libération !" "Mais Libération ne représente personne !" Etc etc. Ce qui me situe quelque part entre Voldemort, Arthur le fantôme, et l'Eternel. 

Ce réflexe de Praud n'est pas seulement une confirmation du sectarisme de ce vendeur de haine, mais trahit un savoureux archaïsme de pensée. Praud pense vraiment comme à l'époque où une poignée d'oligarques disposaient du pouvoir absolu de décider quelles paroles pouvaient, ou non, accéder à l'espace public. Quelqu'un devrait le prévenir qu'on a changé d'époque avec Internet, et les réseaux sociaux. Praud et ses semblables ne sont plus seuls à détenir la clé. Dans la journée d'hier, plus de 3000 abonnés supplémentaires à mon compte Twitter, et 60 nouveaux abonnés au site (très bon résultat pour un lundi, journée plutôt creuse en général, après les abonnements du week-end) sont venus le rappeler. Bienvenue à tous ces nouveaux hanteurs de rien et de personne. Et pour commencer, vous pouvez découvrir les raisons de notre rageuse négation par Pascal Praud, qu'il s'agisse de notre enquête sur l'opacité sur les rémunérations de ses chroniqueurs, ou de cette analyse sur la porte ouverte aux charlatans du virus, au risque de mettre ses spectateurs en danger. Liste complète en déroulant ce fil de Loris Guémart (ce qui me fait penser que nous n'avons pas encore constitué un dossier Praud, lacune à laquelle nous allons promptement remédier).

Et encore,  nous ne tenons pas le compte systématique des appels à la haine islamophobes, qui constituent le fond de sauce de cette émission de la chaîne Bolloré CNews : c'est tous les jours (et encore hier, à propos du retour de l'otage Maryam Pétronin). Il faudrait qu'on transforme notre site en observatoire de Pascal Praud. Pitié ! Même si, pour notre part, nous prenons très au sérieux le poison qu'infuse quotidiennement la bande à Praud, vigilance, oui, mais obsession, non.

Bref, la réjouissante panique que provoque, chez le personnage, le simple prononcé de mon nom, vaut largement toutes les médailles. Et rappelle - confirmation bienvenue - que Arrêt sur images les hante. Notre seule présence, ici, par la seule volonté de nos abonnés qui ne sont rien ni personne,  13 ans après que l'émission a été expédiée dans les limbes par le système audiovisuel français, cette seule présence leur rappelle les limites de leur pouvoir. Pensons-y toujours, à ces trouble-fête d'Arrêt sur images, mais n'en parlons jamais ! Et je n'évoque pas seulement les mercenaires de Bolloré, mais hélas, aussi, les autres médias - le boycott radical d'Arrêt sur images par la revue de presse d'Askolovitch sur le service public est à ranger, en version soft, dans le même désir de négation. Mais l'heure n'est pas aux reproches. Depuis hier, un rien m'égaie.

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