Ce soir, c'est électrochoc

Ce soir ce sera donc couvre-feu. Je peux vous l'annoncer en exclusivité mondiale, j'ai de bonnes infos : j'ai regardé hier soir les chaînes d'info. Toutes ont bénéficié de sources exclusives concordantes. Et selon les sources exclusives de BFMLCICNews, Emmanuel Macron annoncera ce soir un couvre-feu à Paris, et dans certaines grandes villes. Peut-être dès 20 Heures. A moins que ce soit 21 ou 22 Heures.

S'imaginent-ils qu'on ne les voit pas ? Qu'on ne les voit pas lancer leurs ballons d'essai, tester les réactions, faire assurer la pré-vente de la mesure par les bavards des chaînes, qui s'y prêtent de bonne grâce, si heureux du nouveau nonosse. Bonne idée, le couvre-feu, entend-on partout. Ca évitera de reconfiner. Tout faire pour ne pas re-con-fi-ner. 

Mais il y a plusieurs problèmes, anticipe BFM. La mesure sera-t-elle acceptée socialement ? BFM y travaille justement. Les fuites ont cet effet, et sans doute cet objectif. Et surtout, demande la journaliste, angoissée, quel sera l'impact économique sur les restaurants et les salles de spectacle ? Qu'à cela ne tienne : il sera annoncé ce soir que le couvre-feu sera finalement fixé à 22 heures. Menus sans dessert, et spectacles limités au premier acte : le soulagement sera général.

Je ne suis pas en train de critiquer la mesure elle-même. Je ne sais pas si, dans le désastre national des tests à retardement, et de l'engorgement hospitalier qui se profile, c'est, ou non, la moins mauvaise que pouvait prendre le gouvernement. Mais les perroquets des chaines d'info, eux, savent que la mesure est bonne. Pas un seul, pour rappeler que selon Santé Publique France 21% des clusters déclarés depuis le déconfinement de mai dernier se trouvent dans le milieu scolaire et universitaire, et 25% sur le lieu de travail, clusters qui ne seront pas affectés par le couvre-feu. (Il est vrai que ces chiffres, que les réseaux sociaux objectent à la perspective du couvre-feu, ne concernent que les clusters, et pas l'ensemble des contaminations).

Mais l'important, c'est "l'électrochoc" : c'est le mot de la soirée, qui court de plateau en plateau, depuis que l'AFP a ainsi titré sa dépêche. Emmanuel Macron veut créer "un électrochoc". Il s'agit donc du premier électrochoc de l'histoire de l'électrochoc, administré avec avertissement préalable, et amortisseurs psychologiques. Tout le monde est prêt ? Ce soir, c'est électrochoc.