Laissez venir à la pub les petits enfants
Alain Korkos - - Publicité - 0 commentaires
On dira ce qu'on voudra, mais ce n'est pas tous les jours facile de faire de la réclame avec des enfants. Prenez le cas de Free. Une armada des publicitaires avait concocté une série d'affiches, parmi lesquelles figurait une gamine tout à fait mimi vantant un tarif téléphonique défiant toute concurrence :
Aussitôt, une association de gens qui n'ont rien d'autre à faire que d'ausculter les panneaux 4x3 et d'écrire des lettres chargées de fiel en rédigea une, de lettre (@si en a récemment parlé par là), qu'elle adressa conjointement au président de l'ARPP (l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et à la directrice générale de la DGCCRF (la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Extrait :
"Sur ces affiches, image jointe, on voit une fillette, âgée d’entre 5 à 10 ans, tenir un panneau sur lequel figure l’inscription « merci Free » suivi d’une offre à un prix avantageux pour un forfait de deux heures de téléphonie et des SMS illimités." Et ça, ce n'est pas possible, non, claironne l'association Robin des Toits.
À cause, entre autres, de l'article L. 5231-3 qui dit que : "Toute publicité, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans est interdite."
Rapport aux ondes, soi-disant dangereuses pour leurs petites cervelles.
Et voilà comment on empêche les publicitaires de publiciter. On les harcèle, on les persécute avec tout un arsenal législatif élaboré dans le seul but de les embêter. Exemple : "La publicité ne doit en aucun cas exploiter l'inexpérience ou la crédulité des enfants et des adolescents.
Les enfants et les adolescents ne peuvent être les prescripteurs du produit ou du service faisant l'objet de la publicité. Ils ne peuvent être acteurs principaux que s'il existe un rapport direct entre eux et le produit ou le service concerné." (Article 6 du décret n°87-239 du 6 avril 1987.)
Sans parler des sacro-saintes recommandations de l'Arpp récisant que : "La publicité ne doit pas faire porter par des enfants un jugement sur un produit ou service à l’égard duquel ils sont incontestablement dans l’incapacité d’avoir une opinion conséquente."
Ah non vraiment ce n'est pas facile. Ou alors, il faut faire comme Bouygues qui utilise des adolescents (ayant quatorze ans révolus, donc).
Oui mais bon, on dira ce qu'on voudra, des ados boutonneux souriant bêtement seront toujours moins vendeurs qu'une adorable petite fille en robe rose tenant dans ses mains un panneau disant merci…
… qu'on avait achetée pour des clopinettes à une banque d'images :
Surtout que le coup du panneau, c'était vraiment original, on ne l'avait pas ressuscité dans la pub depuis au moins…2011 (@si en avait parlé par ici, par là, et puis on avait fait l'impasse sur l'année 2012 qui fut elle aussi infestée de panneaux et autres ardoises) :
Enfin…Free a compris et a, dit-il, fait ôter les affiches coupables : "La publicité dénoncée par l’association Robin des toits, dans laquelle Free Mobile mettait en scène une fillette ayant manifestement moins de 14 ans pour promouvoir son forfait mobile à 2 €, a été retirée par l’opérateur.
Free a affirmé à France Info que la diffusion de sa publicité, potentiellement illégale, avait été stoppée depuis déjà une semaine. Il peut cependant rester des affiches à certains endroits, dans l’immédiat."
Si vous en voyez, soyez donc assez aimables de prévenir Free.
Ah ! nos aïeux fabricants de réclames n'avaient pas tous ces problèmes, la vie était bien plus simple ! Allez, jetons un oeil dans le rétroviseur afin de voir comment on pouvait utiliser les petites têtes brunes et blondes dans la réclame. En commençant par un enfant qui tient un panneau, bien sûr, et qui nous vend de la nourriture :
De la nourriture, encore :
Des cosmétiques :
Cosmétiques Love's Baby
Parce que l'innocence est plus sexy
que vous ne le pensez
Des boissons :
Des médecines entraînant une légère accoutumance :
Cocaïne élimine le mal de dents
Des cigarettes :
Texte de l'affiche de gauche :
Avant de me gronder, maman…
tu devrais peut-être fumer une Marlboro
Des armes à feu :
Écrit sur la chemise de la petite fille :
Papa a dit que ça ne nous blessera pas
De 7 à 77 ans, Daisy vous offrira un Noël inoubliable
Des voyages :
Des lames de rasoir :
Commencez tôt - Rasez-vous
Du savon :
Pourquoi ta maman ne te lave-t-elle pas avec le savon Fairy ?
Nous allons utiliser Chlorinol
et nous deviendrons comme le nègre blanc
De la peinture blanche :
Regardez comme elle couvre bien le noir !
Et même des téléphones !
C'était le bon temps.
L'occasion de lire ma chronique intitulée La réforme des enfants saignés à blanc où il est question d'une réclame mettant en scène une petite fille et de la viande garantie 100% pur boeuf.