Dans "Vert de rage", l'impact prime sur le scoop
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Cette émission est diffusée en direct un mardi sur deux à partir de 17 h 30 sur notre chaîne Twitch.
- 3:30 Interview : pourquoi "Vert de rage" offre ses scoops avant de diffuser
Dans l'émission diffusée sur France 5 Vert de rage, Martin Boudot et la société de production Premières lignes prolongent le travail d'enquête mené depuis une décennie avec Cash Investigation. Avec quelques changements notables. D'abord, l'émission est exclusivement consacrée à des enjeux environnementaux et de santé publique. Ensuite, elle s'attache à montrer de nouvelles données afin de mettre le problème examiné en exergue. Enfin, a été fait le choix inédit d'offrir les scoops aux autres journalistes avant même de diffuser chaque épisode, à travers une réunion publique ou une conférence de presse. Par exemple, pour prendre le cas le plus récent au sujet de la santé des pompiers, non-sujet politique autant que médiatique jusque-là : ils ont équipé des pompiers de capteurs de pollution, et en ont rendu publics les résultats le 18 octobre, entraînant une couverturemédiatique… qu'ils raconteront ensuite dans l'épisode diffusé dans quelques mois.
Autre exemple, avec une émission déjà diffusée, elle : la pollution aux particules fines dans le métro parisien, suspectée d'avoir un impact sur la santé de celles et ceux qui l'empruntent, et encore plus sur celle des salarié·es de la RATP. L'émission a eu un impact médiatique et politique important (on pourrait lui reprocher de taire les travaux journalistique antérieurs, parfois conséquents, dans sa quête d'impact). De la même manière que celle menée en coordination avec une enquête d'Envoyé Spécial sur les "polluants éternels" que sont les PFAS – on recevait dans le précédent Proxyla journaliste de France 3 Émilie Grosso, qui avait approfondi ce travail sur la société Arkema dont l'usine de PFAS se situe près de Lyon. Cette année, Martin Boudot figure parmi les présélectionnés en catégorie "audiovisuel" pour le prix Albert Londres qui récompense un travail journalistique d'exception. On en parle avec lui dans cette interview.
- 49:00 Enfants en cage à Gaza ? Le fact-checking oublie les médias…
"Merci pour ce moment d'éducation aux médias sur les dysfonctionnements des plateformes à une heure de grande écoute !", s'enthousiasme ce 18 octobre Laurent Bigot, directeur de l'École publique de journalisme de Tours (EPJT). Ce "moment", c'est une séance de fact-checking proposée le 12 octobre au journal de 20 h de TF1, montrant que non, les images d'enfants en cage n'ont aucun rapport avec des otages du Hamas à Gaza, ne serait-ce que parce qu'elles ont été mises en ligne avant les premières attaques. Ce qu'avaient déjà montré, à quelques heures d'écart, d'abord la rubrique CheckNews de Libération, puis Arrêt sur images, rappelant dans les deux cas que les réseaux sociaux n'étaient pas seuls en cause. Puisque des descriptions à l'affirmatif de ces images avaient aussi été propagées par plusieurs médias audiovisuels français, par l'intermédiaire d'invité·es non contredit·es par les journalistes en plateau. Ce que ne rappelle pas TF1, donc, pas plus que 20 Minutes ou France 24, dont les services de fact-checking se sont ensuite penchés sur la question.
- 58:10 Interview : les correspondant·es à l'étranger, soutiers de l'info
"Nous exigeons d’avoir accès, comme nos autres collègues journalistes, à une couverture santé, à une retraite, à des allocations chômage. Nous avons le droit de ne pas avoir peur de tomber malades lorsque nous travaillons. Notre travail rigoureux au plus proche du terrain vous permet de savoir ce qu’il se passe à l’autre bout du monde. Donnez-nous les moyens de continuer à exercer notre métier." Ce "cri d'alarme" est lancé par plusieurs centaines de journalistes correspondant·es à l'étranger, qui sont les yeux et les oreilles des médias français, privés comme publics, pour informer le public de ce qu'il se passe hors de nos frontières. Sauf qu'ils le font souvent en étant payés en facture plutôt qu'au statut de salarié théoriquement obligatoire pour les journalistes, souvent sans cotisations sociales, et donc sans sécurité sociale ni retraite. Des propos répétés par ces journalistes et leurs syndicats lors d'un récent séminaire organisé au Sénat par la sénatrice EELV Mélanie Vogel. Quelles conséquences humaines, autant que pour la qualité de l'information ? On en parle avec Marine Jeannin, correspondante en Côte d'Ivoire.
- 1:28:27 AFP, BBC et CBC unies pour ne pas qualifier le Hamas de "terroriste"
Dans un article du 27 octobre, le Figaro Magazine s'indigne du fait que l'AFP ait "«proscrit» le terme «terroriste» pour qualifier le Hamas", titre l'hebdomadaire. Entraînant une longue réponse de l'agence de presse, qui ne nomme pas le Figaro Magazine tout en y répondant manifestement : "Conformément à sa mission de rapporter les faits sans porter de jugement, l’AFP ne qualifie pas des mouvements, groupes ou individus de terroristes sans attribuer directement l’utilisation de ce mot ou sans utiliser des guillemets." Aussitôt, des tweets de l'agence sont exhumés, dans lesquels l'AFP qualifie bien des groupes de "terroristes" sans employer de guillemets. De son côté, Libération estime malvenu de mettre en cause l'AFP, de loin le média français qui rémunère le plus de correspondants en Israël et à Gaza.
Dans son communiqué, l'AFP faisait référence à la politique de la BBC, sur des charbons ardents au Royaume-Uni (et critiquée en France par Marianne) pour la même raison : la chaîne publique anglaise a défendu à plusieurs reprises sa politique. Ce qu'a aussi dû faire l'audiovisuel public canadien, en l'occurrence la CBC, pour les mêmes raisons.
- 1:53:45 Étude sur les leucémies et la densité de vignes : "Sud Ouest" pas convaincu ?
En octobre, une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) montre que dans une partie des régions françaises, certaines leucémies infantiles croissent à proportion de la densité de vignes autour du domicile des enfants. Les médias nationaux relaient très largement (par exemple le Monde, Reporterre, BFMTV, Libération, l'Express, le Figaro) les résultats de cette étude, pour laquelle l'Inserm avait proposé un communiqué et une conférence de presse. Les médias locaux aussi s'en emparent, en particulier dans les régions viticoles. Y compris Sud Ouest, dont le premier titre de l'article, "Pas de lien prouvé entre la survenue de leucémie chez les enfants et la proximité de vignobles", déclenche l'ironie du député LFI Loïc Prud'homme qui réclame l'interdiction des pesticides les plus dangereux et des zones tampon de 200 m autour des habitations.
L'article de Sud Ouestest ensuite retitré"Risque de leucémies chez les enfants et proximité des vignobles : que dit l’étude de l’Inserm ?". Mais cet article, bien que rappelant que la Nouvelle-Aquitaine est une région pour laquelle les chercheurs n'ont pas trouvé de lien entre densité des vignes et leucémie, n'était pas si favorable aux viticulteurs que le laissait entendre le tweet du député. À l'inverse de l'article d'accompagnement mettant en avant les progrès de la viticulture bordelaise à l'égard des pesticides. La réception polémique de ce travail de recherche a été évoquée dans un troisième temps par les scientifiques dans une intéressante interview de l'Express.
- 2:17:05 "Alertesinfos" dénonce une interview de "Clique" censurée par Bolloré
Ce 30 octobre, Moussa, le fondateur du compte de reprises d'informations Alertesinfos, a publié (chose inédite) un communiqué sur Twitter : "Clique, qui appartient au groupe Canal+, a décidé de supprimer l'interview que je leur avais accordée début septembre, dans laquelle je présentais mes outils et méthodes de travail. Cette décision intervient étrangement après la publication d'informations sur AlertesInfos faisant état d'une baisse d'audience de l'émission de Cyril Hanouna Touche pas à mon poste qui appartient également au groupe, en raison d'un boycott. Cette suppression a été réalisée à l'insu de la journaliste qui était venue m'interviewer et avait pris le temps de venir à ma rencontre, ainsi que du cadreur qui avait spécialement pris sa journée pour réaliser ce mini-reportage." Et en effet, la vidéo a été effacée de l'ensemble des plateformes sur lesquelles elle avait été diffusée.
- 2:22:50 Pourquoi les médias parlent peu (et mal) du logiciel libre
Je vous raconte pourquoi j'ai répondu oui à l'invitation de l'Association française des utilisateurs de PHP (Afup) pour donner une conférence "alien" sur les médias. Et pourquoi, donc, la plupart des médias grand public, qu'ils soient généralistes ou plus spécialisés, ont tant de mal à faire une place au logiciel libre équivalente à celle accordée aux systèmes propriétaires et privés. Le tout grâce à des entretiens avec l'ex-rédacteur en chef de NextInpact David Legrand, le fondateur de Numerama Guillaume Champeau, notre chroniqueur Thibault Prévost, l'universitaire Olivier Ertzscheid (tenancier du blog Affordance) ainsi que le chef de l'actualité chez Frandroid Cassim Ketfi.
En bref : les journalistes sont, comme tout le monde, formés sur des logiciels propriétaires, les grandes sociétés de la tech ont réussi à invisibiliser le logiciel libre alors que leurs systèmes sont bâtis dessus, les médias fonctionnant à l'audience privilégient les logiciels propriétaires parce qu'ils sont les plus répandus (donc les plus susceptibles d'attirer de l'audience sur leurs sites web). Et un fossé s'est creusé entre journaliste et défenseurs du logiciel libre. Le tout formant un cercle vicieux aboutissant à encore moins de couverture journalistique. Publiée par l'Afup après cette émission, la conférence est à voir ici.
- 3:06:45 La MMA fait sa pub chaque année grâce aux médias
Une étude de la MMA commanditée à OpinionWay a fait le tour des médias en octobre : les cyclistes et les piétons multiplient les comportements à risque (qui incluent le fait de regarder son téléphone en traversant) aux intersections des grandes villes. "Ces observations démontrent concrètement que les comportements à risque des usagers sont en cause dans la hausse des accidents corporels et mortels des usagers vulnérables en ville. En effet, selon le principe de la pyramide des risques de Bird (ci-contre), plus le nombre de comportements à risque est important, plus la probabilité d’avoir un accident grave est élevée. C’est donc à tous les usagers de la route de respecter le code de la route au quotidien pour agir sur le risque et ainsi diminuer les accidents en ville", en conclut la MMA dans son communiqué de presse. Bien des médiasen reprennent la teneur, sans questionner ni contextualiser cette étude. Jusqu'à ce titre de France 3 Occitanie"Bien plus dangereux que les voitures, les hommes faisant du vélo à Toulouse rois des comportements à risques", vivement critiqué par le vidéaste-cycliste de la chaîne Altis Play.
Cette étude, l'assureur, après nous l'avoir promise, ne nous en a pas envoyé la version complète indisponible sur internet. Et n'a pas répondu à notre question visant à savoir si elle avait été financée dans le cadre de la convention signée avec l'État depuis 1995 dans laquelle"les assureurs s'engagent à affecter au moins 0,5 % du montant des cotisations de responsabilité civile automobile (hors taxe) qu'ils perçoivent à des actions de prévention des risques routiers". Pas plus qu'à une autre question identique à propos de sa campagne de publicités qui, elles, se concentrent sur les usagers d'engins motorisés plutôt que sur les piétons et cyclistes, en contradiction directe avec son "étude", donc. Il faut dire que la MMA fait le coup chaque année, trouvant en général de complaisants relais médiatiques. En 2022, 20 Minutes titrait ainsi "Voitures, vélos, scooters, trottinettes, piétons… Tout le monde enfreint le Code de la route". En 2021, l'accent était mis exclusivement sur les piétons, notamment via le Parisien et RMC – qui invitait, un comble, l'avocat préféré des délinquants routiers pour critiquer les comportements des piétons). Mais aussi sur RTL, BFMTV ou Midi Libre. En 2020, c'était un atelier accidentologie qui permettait à la MMA, une fois de plus, de focaliser l'attention grâce aux médias sur la responsabilité des piétons, cyclistes et usagers de trottinettes. Et ça dure depuis au moins 2014.
Pourtant, selon les données d'accidentologie de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (Onisr), la réalité est très différente. "Les usagers de modes doux sont le moins souvent présumés responsables dans les accidents mortels dans lesquels ils sont impliqués : 24 % des piétons et 55 % des cyclistes dont pour un tiers d’entre eux seul. En revanche les usagers en deux-roues motorisés, en véhicule de tourisme et en véhicule utilitaire, restent très souvent présumés responsables dans les accidents mortels, écrit l'institution publique. Dans les accidents corporels, la responsabilité présumée du piéton est présente dans 19 % des accidents. La part de responsabilité des piétons dans les accidents mortels représente globalement 24 %."Autres données : "99,8 % des piétons tués en France l'ont été par un conducteur de véhicule motorisé."Autres données, encore : "98 % des accidents sur un passage piéton sont causés par un véhicule motorisé." De quoi faire dire au vidéaste d'Altis Play, joint par ASI, que les journalistes devraient, en traitant les études de la MMA, "faire une recontextualisation importante entre le danger perçu et l'accidentologie" plutôt que de relayer sans le faire les reproches de comportement envers piétons et cyclistes. Et pourquoi pas porter la critique sur les infrastructures des intersections, souvent déficientes et régulièrement en cause dans les accidents selon l'Onisr, en particulier en ville.
- 3:40:40 FAQ - Courrier des lecteurs
Mais pourquoi la matinale de Paul n'est plus diffusée ? Tout simplement parce que ses voisins font des travaux aussi matinaux que bruyants. Et il en est le premier désolé. Reprise dès que les travaux se terminent !