Notre club de la presse indépendante, épisode 1

La rédaction - - Nouveaux medias - Alternatives - Financement des medias - 77 commentaires


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ASI inaugure avec cette émission son "Club indé", réunissant les titres de la presse indépendante. Pour ce premier numéro, Stéphanie Fontaine de Reflets.info, Jean-Christophe Boulanger de Contexte et Hervé Kempf de Reporterre. Au programme : le lancement d'Epsiloon par les anciens de Sciences et Vie, les reprises du travail de la presse indépendante dans les grands médias, quelle place pour un traitement "alternatif" de l'actualité...

Cette semaine, ASI inaugure son club de la presse : le "Club indé" est une nouvelle émission qui va revenir de façon régulière sur le travail des médias indépendants. Pour ce premier numéro, Emmanuelle Walter, notre rédactrice en chef, a convié Stéphanie Fontaine de Reflets.info, Jean-Christophe Boulanger, PDG de Contexte et Hervé Kempf rédacteur en chef de Reporterre afin de "commenter tous ensemble l’actualité avec nos expertises, nos perspectives", explique Walter, et proposer "un pas de côté" par rapport au traitement habituel de l'information. 

Ligne édito et modèle économique 

Nos invités sont d'abord revenus sur ce qui fait l'ADN de leurs médias, et sur un contenu qui l'illustre de façon explicite. Qu'est-ce que Reflets, ce média "d'information hacking" ?, demande Walter . Fontaine explique que c'est un média qui a été fondé il y a dix ans pour "travailler sur des documents en accès libre sur Internet, sans que les auteurs des documents ne le sachent." Aujourd’hui, c’est un site qui se veut généraliste avec une priorité pour l’investigation, précise-t-elle. Suite aux révélations de M6 sur les dîners clandestins de Chalençon, Refletsa révélé les traces laissées sur Internet par les deux autres acolytes du spécialiste de Napoléon, le chef Christophe Leroy et le spécialiste en relations publiques Michel Soyer. 

Pour Hervé Kempf, Reporterre est le média qui met l'écologie au centre des préoccupations médiatiques : "L’écologie est la question politique essentielle des premières décennies du XXIe siècle", dit-il. Il revient sur les révélations faites par son média sur l'hypothèse selon laquelle le Covid pourrait provenir de l'interaction entre l'homme et des visons dans les nombreux élevages industriels en Chine. 

De son côté, Boulanger présente Contexte, "un média qui n'est vraiment pas pour les élites (tel que nous le nommions dans un récent article, ndlr), mais pour les professionnels des politiques publiques, avec un journal et un logiciel de suivi automatisé de l’actualité parlementaire française." Il s'attarde également sur un agrégateur de sondages de la prochaine présidentielle que son équipe a mis au point. Le but : dégager des tendances globales dans la course à la présidence de la République, loin des sondages quotidiens qui présentent selon lui "une course de petits chevaux" pour faire du "buzz".  Les invités sont également revenus sur le modèle économique de chacun de ces médias. "Comment on reste indépendant par rapport aux pouvoirs, quand c’est eux qui vous donnent le plus de sous ?", demande Walter à Boulanger, alors que les plus gros abonnés de Contexte sont les services du Premier ministre et le Parlement européen. Réponse de Boulanger : "Notre obsession c’est le pouvoir, mais notre raison d’être est de rendre transparentes ces pratiques politiques. […] Notre manière de gérer le conflit d'intérêt potentiel, c’est d’être le plus transparent possible sur nos comptes."

Pascal Praud, Epsiloon et Quotidien 

L'émission revient ensuite sur plusieurs temps forts de l'actualité média, comme sur le reportage sur les fêtes de Jeanne d'Arc refusé par France 3 Centre-Val-de-Loire car la voix off était celle de la journaliste et chroniqueuse à Valeurs actuelles, Charlotte d'Ornellas. Une décision qui avait ému Pascal Praud, qui avait plusieurs fois répété à l'antenne le nom du directeur de cette antenne locale de la télévision publique, Jean-Jacques Basier. Ce dernier a été menacé de mort.

"Quel est notre rôle face à l’ambiance fascisante ", qui pollue les médias mainstream ?, demande Walter. "Je crois qu’il faut rester toujours factuel, pour éviter la surenchère, éviter au maximum de donner trop son avis, les faits sont souvent très accablants et il n’y a pas besoin d'en rajouter", selon Fontaine. Kempf est d'un autre avis : "Moi je serais plus radical : CNews est clairement d'extrême droite […] il faut totalement assumer le fait qu’on est totalement en désaccord moral, idéologie et déontologique avec ce genre de presse", et refuser d'y aller. En voyant la séquence avec Praud, Boulanger se dit à la fois "triste et joyeux" : "J’ai été triste et joyeux, triste de voir ça et joyeux d'avoir créé un environnement où vous n'écouterez jamais ces sujets de buzz, car ça n’aura pas d’impact sur la réalité des pratiques du pouvoir."

Notre rédactrice en chef présente également une autre actu "plus sympathique" : celle de la naissance d'Epsiloon, média scientifique créé par des anciens de Science & vie, qui a recueilli près de 20 000 pré-abonnements sur Ulule. Boulanger s'en réjouit : "Derrière l’ambiance de crise depuis plusieurs décennie autour du secteur de la presse, il y a une effervescence entrepreneuriale." De nombreux médias sont nés ces dernières années "et beaucoup existent encore" assure -t-il, d'autant qu'ils présentent "une mortalité inférieure à celui des autres entreprises tous secteurs confondus."

Pourquoi ce démarrage d'Epsiloon fonctionne si bien ? "Il y a un socle énorme de gens qui suivent, y a un attachement très fort à Science & Vie à mon avis c'est les anciens abonnées à Science & vie qui suivent Epsiloon", pense Fontaine. "La promesse édito est claire : c'est un nouveau Science & Vie indépendant […] C'est une belle histoire à laquelle on a envie de participer."

On évoque ensuite le procès en diffamation qui a opposé Thierry Breton, ancien ministre des Finances à Fontaine, à notre invitée Stéphanie Fontaine, dans le cadre d'une série d'enquêtes sur l'attribution des marchés du traitement automatisé des infractions routières.

Puis on s'intéresse à une récente émission de Quotidien sur TMC. Lors de l'émission du 4 mai, un journaliste de l'équipe de Yann Barthès cite un chiffre donnant le nombre de mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat reprises dans le projet de loi Climat porté par la majorité. Sauf que ce chiffre provient d'un calcul réalisé par Reporterre et il est le fruit d'un travail de deux mois de deux journalistes du média indépendant. Et Quotidien ne cite pas sa source. Plus tôt dans l'année, Quotidien avait diffusé un extrait d'un débat vidéo entre Montebourg et Piolle, diffusé sur le site de Reporterre, qualifié ce média indé de "web-télé écolo".  Un problème récurrent. Kempf pointe du doigt "le manque de respect et de courtoisie à l’égard des confrères", de la part des médias mainstream. Surtout en défaveur "des petits médias". "Le minimum c'est de citer le nom du journal", insiste Kempf. Boulanger, lui, est un peu fataliste : "Entre petits, on se cite, et on cite les gros. Les gros, quand c’est un petit, y a pas besoin de le citer."

L'émission se termine sur les intentions de ces médias quant à leur suivi de la campagne présidentielle à venir : "On sert à ça, raconter la fabrication de ces normes politiques que sont les lois. Raconter qui influence qui, en amenant plus de transparence sur ces domaines-là. Ça favorise l'action démocratique", dit Boulanger. Rappeler les enjeux écologiques, interroger les positionnements de la gauche sur ces enjeux, telle est la raison d'être de Reporterre :"On cherche comment apporter. notre pierre à l’édifice, très modestement", conclut Kempf.


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