Rentrée télé : "On a atteint des sommets en terme d'analyse de rien"

La rédaction - - Médias traditionnels - 86 commentaires

Les Garriberts, Julien Salingue et Samuel Gontier débattent


Un violent conflit à France Télévisions à propos d'une enquête sur l'affaire Bygmalion. Une nouvelle chaîne publique d'information en continu. Et une grille made in Bolloré sur Canal+ : la rentrée des vieilles télés est pour le moins bousculée. Toute cette effervescence a-t-elle des raisons politiques, ou économiques ? Quel peut en être l'efficacité ? Pour répondre à ces questions : Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, alias les Garriberts, fondateurs du site Les Jours et anciens chroniqueurs télé pour Libération, Julien Salingue, animateur du site Acrimed et Samuel Gontier, chroniqueur télé pour Télérama.

Le résumé de l'émission, par Robin Andraca :

[Acte 1] En cette rentrée 2016, la "vieille" télé a-t-elle encore quelque chose à dire ? Sur France Télévisions, où ça a chauffé entre Elise Lucet et le directeur de l'information de France 2, Michel Field, il semblerait que oui. Comme le révélait @si cette semaine, l'équipe d'Envoyé Spécial s'est battue pour qu'un reportage sur Bygmalion, mettant en cause la responsabilité de Sarkozy, ne soit pas déprogrammé. Une bataille par médias interposés remportée par Lucet puisque, comme le révélait David Pujadas hier dans le JT de France 2, la fameuse enquête sera bien diffusée le 29 septembre, soit en plein coeur des primaires de la droite et du centre. Une victoire pour l'investigation sur le service public ? Pour Isabelle Roberts, France 2 pourrait aller encore plus loin en invitant le 15 septembre sur le plateau de sa nouvelle émission politique - où Sarkozy est attendu - Franck Attal, ex-cadre de Bygmalion, qui souhaite justement "s'expliquer" sur un plateau de télévision avec l'ancien président. La proposition est lancée.

Place ensuite aux extraits télévisés de cette rentrée, sélectionnés par nos invités avant de venir sur le plateau. C'est la nouvelle émission de France 2, Actuality, diffusée tous les jours de la semaine à 17h45 et qui promet "d'éclairer" ses téléspectateurs sur l'actualité, qui a retenu l'attention de Salingue. Une rubrique en particulier a suscité l'intérêt de notre invité : le VO / VF de Bruno Donnet, où le chroniqueur médias de France Inter "traduit" tous les jours une petite phrase de politique. "On a atteint des sommets en terme d'analyse de rien", commente le collaborateur d'Acrimed. "Ce qui est fascinant, c'est comment en essayant de prendre du recul, ils rentrent dans le jeu de la com' des politiques", ajoute Roberts.

[Acte 2] La séquence qui a retenu l'attention de Gontier ? Elle est aussi issue du nouveau magazine de France 2, Actuality. L'émission s'est en effet intéressée à la place des... chiens en politique. Le chien "intelligent" de Valls, le chien de Sarkozy qui a causé des dégâts à l'Elysée ou encore le chien de Chirac qui a fait une dépression après avoir quitté l'Elysée : Thomas Thouroude et ses "éclaireurs" ont fait le tour du sujet. Problématique selon Gontier après une séquence de dix minutes sur... la place des femmes en politique, et pourquoi elles sont écartées du pouvoir.

Service public toujours : la chaîne franceinfo, qui regroupe Radio France et France Télévisions, a été lancée le 1er septembre. Le service public qui se lance dans l'info en continu, une bonne idée ? "C'est une bonne idée qui vient un peu tard" pour Gontier. "Moi, je la trouve intéressante sur la forme, pour l'instant", réagit Garrigos. "Ça nous rappelle un vieux réalisateur de télévision qui s'appelle Raoul Sangla et qui voulait filmer le studio comme un lieu de travail. C'est un peu ce que fait France Télévisions".

[Acte 3] La forme, encore : on s'arrête sur les reportages sans son, et sous-titrés, de franceinfo, directement inspirés par le New York Times, qui s'est adapté à son audience sur Facebook (où 85% des internautes consultent les vidéos qui se lancent automatiquement sans le son, comme on vous le racontait ici). "Il y a des techniques un peu modernes mais qui sont mises au service d'un reportage qui sert à rien", juge Salingue.

Il n'y a pas que le service public, il y a aussi Canal+ version Bolloré, l'obsession des Garriberts, qui ont, eux, choisi une séquence du Petit Journal : le détournement parodique, pour commenter l'affaire du burkini, d'une chanson d'Isabelle Adjani, "Pull Marine". Le tout interprété par l'acteur Michel Fau. "Un moment de gêne extrême", estime Roberts. "Malaise", le mot est lâché à plusieurs reprises quand on parle du successeur de Yann Barthès à la tête du Petit Journal, Cyrille Eldin.

[Acte 4] Bolloré, quand il a pris la main sur Canal+, avait-il des objectifs politiques ? "C'est une question qu'on s'est posée dès le départ. Pour l'instant, il n'y a pas de preuve de censure politique, juste des preuves de censure économique", répondent les Garriberts, rappellant l'affaire du documentaire sur le Crédit Mutuel. "La censure politique, elle va peut-être venir. L'année présidentielle, ça va être très intéressant". Pour Salingue, Bolloré fait des "caprices individuels qu'on n'a pas forcément à lire comme de la censure politique".

Quel bilan tirer de la première année de Bolloré à Canal ? Tout le monde est d'accord sur le plateau : c'est un échec. Pour Garrigos, "c'est la première fois que Bolloré se retrouve face à des clients particuliers. D'habitude, il vend des Autolib à des villes, il vend des porte-conteneurs à des ports africains. Et là il se retrouve confronté à du business direct, face à des clients qui existent vraiment. Et visiblement, il ne sait pas faire".

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