Gameblog joue à cache-cache avec la pub
Daniel Schneidermann - - Publicité - Le matinaute - 24 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Ne mythifions pas le passé.
La vieille presse du siècle dernier, celle d'avant les oligarques, celle d'avant le Web, n'était pas exempte du péché de publirédactionnels. La créativité et, disons, le dynamisme des régies publicitaires étant ce qu'ils sont, il arrivait parfois qu'un supplément consacré à l'industrie horlogère, ou à un pays d'Afrique, soit entièrement rédigé par les communicants d'une agence, et financé par le syndicat de l'industrie en question, ou les caisses profondes du chef d'Etat de ce pays. Théoriquement, ce devait être signalé aux lecteurs de la manière la plus claire possible. La manière la plus claire, c'était "publirédactionnel". Ou encore : "la rédaction du journal n'a pas participé à ce numéro". Parfois, après de longues épreuves de force, la régie finissait par arracher une mention plus sybilline, comme "publicommuniqué". Parfois, ce n'était pas signalé du tout. Alors -par exemple au Monde, où officia jadis le matinaute- réunie dans ses instances, la rédaction tançait la direction, laquelle grondait la régie, laquelle, contrite, promettait que ça ne recommencerait pas. Jusqu'à la prochaine.
Au moins, la chose était prise au sérieux. Mais on a changé de siècle. Hier en fin d'après-midi, dans notre vaillante petite rédaction, Robin Andraca remarque un "article sponsorisé" sur le site de jeux video Gameblog. Comment le remarque-t-il ? Je vous laisse lire. Nos appels au rédacteur en chef de Gameblog, Julien Chieze, restent sans réponse. Nous publions l'article à 18 heures 10. Et quelques minutes plus tard, sur le site de Gameblog, la mention "article sponsorisé" apparait miraculeusement. Hop ! Ni vu ni connu. Sans aucune mention de la mise à jour. Ils sont joueurs, à Gameblog (normal). Ils aiment surtout le cache-cache.
Ni vu ni connu. Les bandeaux, et pubs intrusives ayant démontré leur inefficacité, la pub ne cesse de ruser pour passer inaperçue sur le Web, et déjouer la vigilance des bloqueurs de pub. Et ses plus grosses ruses, ce sont les pubs qui n'ont pas l'air de pubs, les pubs savamment déguisées en vidéos rigolotes, en tweets délicieusement spontanés (voir cette chronique de Didier Porte), en articles anodins. Pour lutter contre cette pratique, pas de gendarme, pas de CSA. C'est la rançon de la liberté. Vouloir un Web libre, c'est aussi autoriser la liberté des annonceurs de prendre les internautes pour des imbéciles. Pour seule digue, donc, la vigilance des internautes les plus vigilants, que notre site, garanti 0% de pub, relaie à chaque fois qu'il le peut (le catalogue complet est ici).