Tout est pardonné, Patrick

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 311 commentaires

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Vous connaissez la meilleure ? En tendant bien l'oreille, on entendrait

, dans certains quartiers reculés, dans certaines salles de classe tapies dans l'ombre, de sourds murmures "Je ne suis pas Charlie". Toute la bande de mes confrères de la radiotélé, mes nouveaux amis de la manif, n'en croit pas ses dites oreilles. Yann Barthès envoie un reporter constater que des lycéens "croient dans les théories du complot". Nathalie Saint Cricq, grande prêtresse de la politique sur France 2, découvre elle aussi le phénomène. Mais, pragmatique, elle a une solution. Il faudrait les repérer, et les intégrer, ou les réintégrer. Les repérer ? Facile. Quelques drones devraient faire l'affaire. Et les intégrer, ou les réintégrer ? Encore plus facile. A se demander pourquoi personne n'y a pensé avant elle.

Patrick Cohen ne partage pas l'optimisme de Nathalie. L'accablement l'accable. Il fallait le voir, l'autre soir, sur son plateau de France 5. "Il y a même des sites de presse qui publient des articles, "Je ne suis pas Charlie". Même si, par pudeur, mon copain Patrick n'a pas prononcé le nom de ce site, je vous le dévoile : vous le tenez entre les mains, comme on dirait si on était un journal. C'est ici. C'est nous. Et l'article incriminé, c'est celui-ci, titré exactement "Je ne suis pas Charlie, et croyez-moi, je suis aussi triste que vous". Ce n'est d'ailleurs pas précisément un article. C'est une contribution d'abonné, que nous avons transformée en article, dans la rubrique "dans les forums" (la page a été vue plus de 400 000 fois, record absolu depuis la création du site). C'est subtil, Internet. Mais je comprends que Patrick ne s'arrête pas à ces détails.Comme il y a les invités que Patrick n'a pas envie d'entendre, il y a les textes qu'il n'a pas envie de lire.

Bref, je ne sais pas ce qu'ils se disent, à France Inter, qu'il faudrait tout de même aller disséquer les cerveaux malades des "Je ne suis pas Charlie", toujours est-il que l'autre jour, une journaliste de la radio m'appelle. Elle prépare une enquête sur les "Je ne suis pas Charlie". Le ton est neutre. Mais dans sa voix, j'entends comme le cliquetis des pinces de dissection. Avant tout, rester professionnelle. Ne pas trembler, même si elle semble encore un peu paumée dans le Noncharliestan. Elle voudrait entrer en contact avec notre abonné, auteur de ce texte. Je lui explique que l'abonné, lui, ne le souhaite pas. Qu'à celà ne tienne : je n'ai qu'à prendre sa place, après tout. J'objecte que je ne pense pas la même chose que cet abonné. Personnellement, depuis le 7 janvier, je suis résolument, totalement, Charlie, à fond les manettes, comme elle, et peut-être même encore davantage, même si pendant la période Val, c'était plus compliqué. Qu'importe. Faute de cerveau franchement malade, elle veut bien se contenter d'un patient au diagnostic incertain. Donc je lui redis ce que j'écrivais la semaine dernière. Et c'est diffusé avant-hier matin, avec une taquinerie sur l'ami Val, et agrémenté évidemment d'un petit commentaire de Cohen, que je vous laisse écouter. Des fois que des amis auditeurs prendraient mes blagues au pied de la lettre. Pas grave, Patrick. Tout est pardonné.

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