Louis Sarkozy, Rachida Dati : de quoi sont-ils le nom ?
Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Obsessions - 47 commentaires
Rachida vide les poubelles en gilet fluo d'éboueur ; Rachida fait la police sur les pistes cyclables ; Rachida explore les campements sauvages du tunnel sous les Halles ; Rachida dialogue avec les SDF : tout est improbable et grotesque dans les vignettes de la campagne municipale de Rachida Dati à Paris, avec ses déguisements et ses sketches plus ou moins indécents. Et pourtant, concède dans sa newsletter la journaliste politique Rachel Garat-Valcarcel, c'est "bien produit et diablement efficace"
.
"Rachida Dati, c'est l'école Sarkozy"
résume la journaliste. Encore Dati est-elle une élue, riche d'un parcours politique. Dans la postérité de "l'école Sarkozy"
, en effet, il y a pire : Louis Sarkozy, fils de l'ex-président multi condamné.
Ce jeune homme de 28 ans, candidat à Menton (06) aux mêmes municipales, a fait cette semaine l'objet d'un titre du Parisien
." Louis Sarkozy veut supprimer les feux rouges, les lignes blanches, et les panneaux de signalisation"
. Ce titre est une reprise d'une émission de RMC, lors de laquelle Sarko junior a proposé de "
rendre au citoyen la pleine responsabilité de sa conduite, au lieu qu’il la délègue intégralement au Code de la route".
Argument : "Quand il n’y a ni trottoir, ni feu rouge, ni ligne blanche, tout le monde fait davantage attention"
.
La proposition a été reprise un peu partout, bénéficiant apparemment du cocktail irrésistible : loufoquerie + patronyme Sarkozy + "assistanat".
Louis Sarkozy, rappelle Le Parisien
, a avancé ces derniers jours une autre proposition choc : envoyer des immigrés légaux et des petits délinquants à l’armée via une « loterie ». De quoi dissuader les migrants de rejoindre la France et, surtout, espère-t-il, de favoriser la cohésion nationale. "La leçon est simple : que la caserne serve à fabriquer des Français"
, résume Junior.
De quoi Sarkozy est-il le nom ?
s'interrogeait en 2007, dans un livre, le philosophe Alain Badiou. Question prémonitoire. Depuis, l'irruption de Trump ou de Milei, ont fourni quelques éléments de réponse supplémentaires. Les deux dernières décennies n'ont fait que la nourrir, jusqu'au récent procès de l'ex-président dans l'affaire des financements libyens, et à la sanctification par les télévisions privées du condamné-prisonnier.
Tout est apparemment dysfonctionnel dans le phénomène Louis Sarkozy, cette propulsion au cœur de la basse-cour des plateaux, du seul fait du réseau de papa (son parrain s'appelle Martin Bouygues, PDG du groupe TF1), d'une proposition absurde proférée par une personnalité sans aucune légitimité, ni politique, ni scientifique, ni culturelle.
Tout est anomalie, et pourtant cette anomalie "advient", sans incident. Elle se glisse dans la télé de flux, sans y constituer grumeau. Au début de cette année, le considérable événement de son "retour en France"
(il vivait aux Etats-Unis) lui vaut un long portrait dans Le Monde
. Après qu'il ait, en février dernier, préconisé de "brûler l'ambassade d'Algérie"
(suscitant un petit scandale à retardement), sa "proposition"
d'aujourd'hui est discutée, comme la proposition véritable
d'une véritable
formation politique. Elle est moquée sur France Inter
, comme si elle était jugée assez importante pour être moquée. BFM envoie sa correspondante à Londres faire le point sur une ancienne expérience similaire. Surprise : "on s'est rendu compte que ça posait des problèmes...
De quoi Louis Sarkozy et Rachida Dati sont-ils le nom ? De ceci : le devenir-règle de l'anomalie. Le dysfonctionnel fonctionnant. Des responsables réels
, adultes, recueillent ces images, ces paroles, et les transmettent dans l'espace public où elles se révèlent auto-bankable. La monstrueuse bulle du trumpisme a pris corps au coeur de notre espace. Le micro-cauchemar Loulou et Rachida n'est pas une simple bulle. C'est elle qui devient réalité, et nous enferme à notre tour dans une bulle.