Zemmour : Franceinfo, boussole perdue

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 80 commentaires

C'est LA différence du service public, par rapport à la galaxie des chaînes bollo-zemmourisées. Éric Zemmour n'y sera pas invité tant qu'il ne sera pas officiellement candidat à la présidentielle. Croix de bois croix de fer. L'éditorialiste Gilles Bornstein de Franceinfo assurait le mois dernier que Zemmour n'avait "pas le droit de venir ici" – précisant ensuite devant le tollé zemmourien que "la direction de l’info de France Télé (qui chapeaute la télé de Franceinfo, ndlr) a décidé de ne pas l’inviter tant qu’il n’est pas candidat". Finalement, il n'est toujours pas candidat, mais il est là, ce matin, à la radio et à la télé Franceinfo. "Je note que le service public ne m'a pas du tout invité pour mon livre" proteste-t-il, parce qu'il faut bien râler pour quelque chose. "Vous êtes allé chez Ruquier !" "Oui, devant le tribunal Ruquier..." – tribunal qu'il connaît bien pour y avoir siégé cinq ans, soit dit en passant.  Escarmouche avec sabres de bois. Peu importe : il est là.

Pourquoi Franceinfo revient-elle sur sa ligne, alors qu'elle n'y est nullement obligée ? Responsabilité citoyenne, ou sirènes du buzz ? Elle ne sait plus où elle en est, par rapport au cas Zemmour.  La veille, à la même heure, c'est le centriste Jean-Christophe Lagarde, maire UDI de Drancy, qui était invité de la même émission, et réagissait à la déclaration d'amour de Zemmour aux gaullistes. "Si M. Pasqua était là, il te filerait une balle dans la tête". Pan pan ! Le joli buzz en vue.  "Une balle dans la tête" : pour le community manager de Franceinfo, qui poste l'extrait sur Twitter, ce n'est qu'un "tacle". Après tout, Zemmour n'a-t-il pas récemment mis en joue des journalistes avec une arme de précision ?  On est dans la continuité. Depuis le temps qu'on joue à la guéguerre, une blague de plus ou de moins, qu'est-ce que ça change ? Et hop, tweetons donc la phrase, et l'extrait.

Il faut que les pro-Zemmour crient aussitôt à l'appel au meurtre, que Lagarde fasse son mea culpa, pour que Franceinfo supprime à la fois son tweet, l'extrait de l'émission, et explique vertueusement que le "tacle" de Lagarde est "contraire à ses valeurs". Mais quelles sont ses valeurs, ainsi retrouvées avec un léger temps de retard ? Avis aux auditeurs : le service public a perdu sa boussole. Prière de la rapporter à la Maison de la radio, 75116 Paris.


Lire sur arretsurimages.net.