Zemmour et l'humour : jour de colère à BFM
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 281 commentaires
Émotion de Philippe Corbé, chef du service politique de BFMTV. Il ne voulait pas parler de la dernière de Zemmour, braquant des journalistes avec une arme de précision (à blanc) au salon de l'armement Milipol. Il ne voulait pas montrer cette image, pour ne pas servir la soupe à Zemmour. Voici l'édito de Philippe Corbé.
"On ne va pas faire la campagne comme ça, ça ne va pas être possible"
— BFMTV (@BFMTV) October 20, 2021
La mise au point de @PhilippeCorbe, chef du service politique de BFMTV après la passe d'armes entre Éric Zemmour et Marlène Schiappa pic.twitter.com/obbJbr55xQ
Je ne vous remontre pas dans la longueur cette séquence "ah, ça rigole plus"
. Elle a tourné hier sur les réseaux sociaux sous tous les angles. Vous la retrouverez facilement. Zemmour s'est défendu sur le thème "c'était de l'humour"
. Il se croit encore entre confrères. Ils sont si gentils avec lui ! Ils ne se quittent plus. Le reporter Paul Larrouturou, de LCI, lui a même demandé si l'innocente plaisanterie était "sa manière d'entrer en campagne"
. Mais il n'est plus un confrère. Il est autre chose. Une garantie de bonnes audiences. Un bon client. Un concurrent. Un quasi-candidat ultranationaliste, xénophobe, autoritaire, avec un groupe de presse à son service (à ce jour, aucune réaction politique au licenciement par Bolloré du directeur de Match
et du JDD
). Tout cela en même temps.
La colère perceptible de Philippe Corbé n'est pourtant pas dirigée contre Zemmour, mais contre la ministre Marlène Schiappa, qui a qualifié sur Twitter le geste d' "horrifiant"
(Zemmour lui a répondu qu'elle était une "imbécile",
puisqu'elle ne comprend pas l'humour). Le chef du service politique de BFMTV aimerait que le gouvernement lui indique une ligne claire : Zemmour, on en parle, ou on n'en parle pas. Il est dangereux, ou il ne l'est pas (sous-entendu, s'il est dangereux, on réagit, on lui répond, on lui accorde de la place. S'il ne l'est pas, ce n'est pas la peine, on écrase, on a le droit de parler du prix des carburants). Il ne parvient pas à le savoir tout seul. Il ne parvient pas à métaboliser
seul la dimension allégorique terrifiante de cette innocente saynète de campagne. Il est à fond dans le syndrôme des confrères de Berlin 1933 : l'impossibilité de nommer ce que l'on voit.
De fait, on comprend que Philippe Corbé soit perdu. Comment, tout seul, verrait-il la guerre civile dont Zemmour est porteur, alors que sa propre chaîne baigne dans les thèmes zemmouriens, et vient par exemple de recruter Natacha Polony, pour faire chaque soir, face à CNews, du Zemmour light ?