Une bouteille d'eau, deux verres, et le Mercosur

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 15 commentaires

Il y a des images qui se balancent. Elles balancent entre le vrai et le faux : je dis vrai, je dis faux, bien malin qui tranchera. Trop belle pour être vraie, trop belle pour être fausse. Par exemple, cette photo de Macron servant de l'eau à Bolsonaro, au G 20 d'Osaka (et qui vient après la terrible photo de Macron à la Maison Blanche). Elle dit vrai, elle dit faux.  Faux : allons donc, ce n'est rien d'autre qu'un geste courtois entre chefs d'Etat participant au même sommet. Il vaut mieux se verser de l'eau, que de se faire la guerre.  Résistons à la tentation de lui faire dire ce qu'elle ne dit pas : froide raison d'Etat, connivence, complicité, et même servilité.  Si Bolsonaro s'était emparé le premier de la bouteille, c'est lui qui servait de l'eau à Macron. Qu'aurait-on fait dire à l'image ?

Sauf que. Sauf qu'elle coïncide avec la signature triomphale du traité de libre-échange entre l'UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Traité salué à grands sons de trompe par les dirigeants de l'UE, et critiqué par les agriculteurs français, et par le revenant Nicolas Hulot, lequel explique qu'il est à l'origine, comme tous les autres traités de libre-échange, de la catastrophe écologique. Mais que l'on se rassure : l'accord UE-Mercosur ne s'appliquera que si le Brésil "respecte l'Accord de Paris". Prière de faire semblant d'y croire. Et voici que cette image devient l'image de l'accord Mercosur. Et en tant que telle, promise à un bel avenir.

Le même week-end,  se répand une vidéo, filmée à Paris par le journaliste indépendant français Clément Lanot, de policiers expérimentant sur des militants écolos non-violents, bloquant un pont assis par terre, le brumisateur à lacrymo. Celle-là dit vrai. Elle ne dit que vrai.  Instantanément (on vous le raconte ici), elle se retrouve sur tous les compte Twitter de la planète écolo, à commencer par celui de Greta Thunberg : la France, ce pays où on gaze les écolos.  Alerte verte ! Ne pas se fâcher avec Greta Thunberg. Sans être dans le secret des Dieux, j'imagine que Telegram a dû chauffer entre Macron et Castaner. Mais enfin, Christophe, Greta Thunberg ! Et tu as pensé à mon ami Elton John ? Greta qui ?  Bref, voilà notre Castaner national qui -défense de rire- "demande des explications au préfet". Celui qui a l'air malin, une fois de plus, c'est ce pauvre Rugy qui, avant d'être mis au courant de la nouvelle ligne, avait justifié les brumisateurs, au motif que "le temps n'est plus aux manifestations". Mais c'est Rugy qui exprime la politique de la France. Pas les pudeurs tardives de Macron.

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