Trump-Macron, la terrible photo

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 46 commentaires

C'est terrible, une photo. On a eu beau tout faire, tout prévoir, tout préparer, tout pré-écrire, anticiper tous les pièges, tous les imprévus : une fois dans la cage du grand Orang-outang, rien ne se passe comme prévu. On croyait avoir fait ami-ami. On pensait avoir donné assez de signes. On pensait avoir lu tous les manuels de comportement en présence d'un Orang-outang. On pensait l'Orang-outang domestiqué. Et voilà.

Que dit-elle, exactement, cette photo ?  Au-delà des évidences (la différence des masses corporelles, le pardessus contre le veston, la position des pieds qui, exagérant leur présence, donne au Français une allure de clown, ou de pantin, etc), chacun décidera. Elle est clairement un test de Rorschach. Il y a une lecture générationnelle (papa traine au défilé son gamin réticent). Il y a une lecture propriétaire-animal de compagnie, et voilà le remake du "caniche de Bush". J'ai entendu sur une radio parler de Macron comme le nouveau bichon maltais de Trump. Et il y a, bien sûr, une lecture sexuée, sinon sexuelle, dans laquelle s'est précipité, à pieds joints, le prédécesseur de Macron ("dans le couple, Macron est plutôt passif", a finement analysé un Hollande que travaillent sans doute ses propres pulsions, déduirait un psychanalyste).

Si elle est si marquante, si elle résiste à toutes les autres, si elle compte parmi toutes celles qui ont été moquées par les animateurs des "late shows" US (voir notre montage ici) c'est qu'elle s'insère dans un ensemble, notamment avec la fameuse scène de l'épouillage des pellicules qui, elle aussi, nous ramène aux rites de Orangs-outangs.

On peut tout tenter pour la contenir. On peut tenter, comme ici l'AFP, de la dissoudre dans un visuel d'ensemble de la tactilité générale de la visite. 

On peut rappeler que la visite d'Etat de Macron a été l'occasion, sur l'écologie ou la globalisation, d'un brillant contrepied avec la vision du monde trumpienne, lors de son discours en anglais devant le Congrès (encore qu'il a dû manquer quelques leçons sur le placement de l'accent tonique). On peut tenter, comme la radio en perdition Europe 1, de déguiser en fact-checking ce vrai-faux édito à la gloire de la visiteOn peut tout tenter, la photo s'est incrustée. Sa postérité dépendra évidemment de la suite de l'Histoire. Que Macron s'affranchisse de Trump, et elle restera dans les tiroirs. Qu'il se bichonnise, et elle est disponible pour l'éternité.


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