Sondages frelatés : la loi attendra

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 17 commentaires

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La chose est entendue: on va réglementer les sondages politiques.

Un jour. Demain, ou après-demain. Ou bien, de préférence, après 2012. Il n'est pas question de les interdire. Simplement, comme pour les médicaments à effets secondaires ou les paquets de cigarettes, d'indiquer sur l'emballage quelques renseignements élémentaires. Qui les a commandés et payés ? Et quels sont les chiffres bruts, les fameux chiffres bruts que les sondeurs, ces artistes méconnus, redressent, polissent au doigt mouillé, pour livrer au client un produit fini acceptable et cohérent ? Telles sont les principales dispositions du projet de loi que le Sénat vient de voter à l'unanimité. Une unanimité remarquable, mais qui n'a pourtant pas impressionné les députés: ils n'ont pas encore fixé de date pour débattre de ce projet de loi. Pensez donc, l'ordre du jour est chargé. On verra bien, entre trois projets sur la burqa, et un débat sur les kidnappeurs de joggeuses, si on trouve un petit créneau.

Les sondeurs sont contre. Pas officiellement, notez bien. On n'a pas vu fleurir dans la presse de réfutation argumentée de l'un ou l'autre parrain du sondage français. Mais ils ont lobbysé. Avec des arguments choc,s répercutés par le gouvernement (qui est aussi très opposé au projet). Attention, accrochez-vous: une telle loi risquerait d'affaiblir les entreprises françaises. Bien trouvé ! L'argument est neuf, et n'a jamais servi. Autre argument: s'il faut déposer nos chiffres auprès de la commission des sondages, cela va nous interdire les sondages à chaud. En effet. On imagine le drame existentiel dans lequel la République va se trouver précipitée. Le gouvernement, vous disais-je, est aussi au rang des adversaires du projet. Tout aussi discret, le gouvernement, que les sondeurs. On n'a pas encore entendu les ténors défendre, au micro des radios et des télés, les sondages frelatés. On attend avec impatience qu'ils soient interrogés sur le sujet, dès que MAM nous fera des vacances.

Il y a un journal que ce débat n'a pas intéressé, mais alors pas du tout, c'est Le Figaro. Au lendemain du vote de la loi au Sénat, pas une ligne, pas un mot. Ce silence s'explique peut-être par les origines de ce projet de loi: à l'origine, en effet, les fameux sondages de l'Elysée, commandés à l'officine du conseiller de Sarkozy Patrick Buisson, en violation du code des marchés publics, selon la Cour des comptes. L'association Anticor (on recevait cette semaine l'un de ses responsables) vient de se porter partie civile dans cette affaire, après que l'ineffable procureur de Paris a refusé d'ouvrir une information. Mais n'allons surtout pas imaginer que Le Figaro se tait, parce qu'il est mouillé jusqu'au cou dans cette affaire de sondages toxiques (il avait publié les fameux sondages Opinion Way made in Elysée). Ce serait porter une grave atteinte à la célèbre indépendance des journalistes français.

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