RIC, pourquoi pas ? Chouard, non merci.

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 187 commentaires

Surviennent ces jours palpitants où tout le monde, emporté par le mouvement, dit et fait n'importe quoi. Ça s'appelle une période révolutionnaire : on y dit et on y fait des choses qu'on n'aurait pas imaginé de dire et de faire quinze jours plus tôt. Donc le pouvoir à la dérive annule des mesures compensatoires à la hausse des taxes écologiques (comme l'extension du chèque énergie), et deux heures plus tard, annule cette annulation, ce qui donne lieu à de savoureux moments de radio.  Le trust des autoroutes Vinci, après avoir envisagé de faire acquitter le montant des péages aux automobilistes ayant profité des passages gratuits, y renonce quelques heures plus tard, après l'incendie opportun d'un péage à Bandol. Les Gilets jaunes demanderaient la re-nationalisation des autoroutes, ça passerait dans les 24 Heures. 

Mais ils demandent autre chose : le référendum d'initiative citoyenne (RIC). Ici, resurgit une vieille connaissance, Etienne Chouard. Les plus anciens téléspectateurs d'Arrêt sur images, version France 5, connaissent Etienne Chouard. Nous fûmes, en 2005, la toute première émission de télévision à inviter ce prof de gestion et parapentiste de génie, qui jour après jour, sur son blog,  désossait le projet de traité constitutionnel soumis à référendum -et nous allons offrir cette émission au débat public dans la journée. Le "non" au référendum fut incontestablement la première victoire du Net souterrain sur les medias mainstream de surface, dont tous les éditocrates avaient fait campagne pour le Oui et qui, comme aujourd'hui, n'avaient rien vu venir. On mesure le chemin parcouru.

Entretemps, Etienne Chouard, poursuivant sa route, s'est embourbé dans un compagnonnage intellectuel avec le pamphlétaire-homme d'affaires antisémite forcené Alain Soral (notre dossier ici). Ceux qu'intéresse cette affligeante affaire, qui a provoqué des remous jusque sur notre site, peuvent se rafraichir la mémoire ici et ici. Quelles que soient ses raisons -angélisme, provocation, sincère conviction qu'il faut "parler avec tout le monde", partage secret de certaines convictions de Soral- elles disqualifient intellectuellement, à mes yeux, le parapentiste, trop enclin à planer trop haut au-dessus du triste monde tel qu'il est. Je ne dirais pas que c'est une boussole qui montre le Sud. C'est juste une boussole en folie, à qui j'ai décidé de retirer ma confiance de voyageur dans le brouillard. C'est ma décision, et je ne l'impose à personne.

Il n'était pas illogique que Chouard rencontre Maxime "retenez-moi ou je déclenche une guerre mondiale" Nicolle.  C'est de cette rencontre, qu'est apparemment née l'idée de faire du RIC la revendication désormais exclusive -et revendiquée comme telle- du mouvement, revendication que le gouvernement a entendue, ou feint d'entendre, puisque le RIC, jusqu'à contrordre, figurera parmi les thèmes du "grand débat" qui devrait débuter à la mi-janvier (c'était initialement mi-décembre). 

Et la gauche, dans cette tourmente ? Elle flirte aussi joyeusement avec le n'importe quoi. Alexis Corbière ne refuse pas l'idée d'un référendum d'initiative citoyenne sur le mariage pour tous. Et surtout François Ruffin, sous les yeux de ses compagnons insoumis légèrement ébahis, rend hommage à Chouard pour avoir greffé le RIC sur les Gilets jaunes. En toute connaissancede cause : Ruffin connait parfaitement le personnage, comme l'indique ce passionnant article de Fakir en 2013, sur le thème "faut-il parler à tout le monde ?", dont je recommande la lecture intégrale. C'est évidemment du gâteau pour Aphatie, qui n'a pas manqué de se précipiter sur le gâteau. Seule Clémentine Autain a eu le courage d'exprimer sa réprobation. Qu'en pensent les autres ?

Quant au RIC, ce n'est pas parce que Chouard et Nicolle en ont fait leur mantra (sans l'avoir évidemment inventé) que l'idée est forcément mauvaise. Même si personnellement, au point où sont les choses, un changement radical de constitution me semble une solution paradoxalement plus réaliste, avec introduction de la proportionnelle et d'un efficace contrôle des élus, le RIC mérite d'être creusé, comme une solution possible à cet effondrement démocratique, que nous explorions cet été dans une émission. L'une n'est d'ailleurs pas exclusive de l'autre. Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que notre émission de la semaine sera consacrée à creuser le RIC.

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