Pourquoi on va être champions du déconfinement
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 183 commentaires
A peine commence-t-on à trouver ses marques dans le confinement, à se dire que cette situation est somme toute meilleure que si elle était pire, qu'il faut commencer à penser déconfinement. A ce propos, cette phrase, que je retourne dans tous les sens. Après le déconfinement, "il faudrait entre 50 et 66% de personnes infectées puis immunisées pour éteindre la pandémie." C'est le docteur Antoine Flahault qui le dit. Une sommité de l'épidémiologie (nous l'avions reçu, lors d'une précédente épidémie). Et "la France est encore loin de ce pourcentage"
, déplore France Info, qui précise "seuls 3% des Français ont, pour l'heure, été infectés"
. Donc, on est nuls. Zéro pointé en infectio-immunité, au contrôle continu. (Tiens, je croyais que cette stratégie de la contamination générale était, à l'origine, celle du Premier ministre britannique Boris Johnson, qui y a rapidement renoncé, cédant à la pression de sa presse.)
Mais si nous n'avons pas été assez immunisés, c'est parce qu'on nous a confinés. Il ne fallait donc pas ? Pour avoir posé hier cette question sur Twitter, je me suis attiré une avalanche de condescendance. Mais non. T'as rien compris. Le confinement, c'était pour sauver l'hôpital. Bien entendu, amis, j'avais compris, merci. Le docteur Salachas nous l'avait bien expliqué, dans une de nos dernières émissions avant-confinement. Mais la question demeure. Si nous n'avons pas été assez contaminés, comment allons-nous rattraper notre retard ? "Tout l'enjeu est de lâcher du lest"
précise discrètement cette même enquête de France Info, que je vous recommande de lire ligne à ligne, dûssiez-vous y passer le week-end. "Lâcher du lest"
: comprenez, assouplir les contrôles de police, mais évidemment sans le dire aux contrôlés. Chut !
Une chose est sûre : il faudrait des tests. On n'en a pas. On en trouvera peut-être d'ici juin, si les Américains nous en laissent. D'ici juin, car l'objectif du gouvernement, apprends-je toujours dans la même enquête, serait d'être capables de tester les infectés symptomatiques...en juin. Pour les a-symptomatiques (tout aussi potentiellement contaminants, je le rappelle), on verra plus tard. Il faudra aussi tester les immunisés (c'est un test différent). Encore que ces tests-là ne sont pas encore au point, et qu'on n'est pas certain qu'un apparemment immunisé le soit réellement.
En l'absence de tests, la France produira donc ce qu'elle sait produire, sa spécialité nationale : des attestations, des dérogations, et des attestations dérogatoires. Au crayon, à la plume, au smartphone. En croisant, si je comprends bien, quatre critères : l'âge, la situation géographique, l'immunité, et le caractère "essentiel" de la profession pratiquée. Il y aura une attestation de jeune essentiel immunisé. De vieux immunisé mais pas essentiel. Sans parler des critères géographiques. Le jeune néo-aquitain essentiel immunisé sera le roi du monde. Trafic d'attestations dérogatoires à prévoir. Vite, Emmanuel Macron, Christophe Castaner, brévetez, brévetez, et on rentre facile sous les 3% de déficit. Marché mondial à conquérir. On a même tout le temps, d'ici 2021, de créer une discipline olympique pour les JO 2020.
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