Mélenchon, son divan, et ses éruptions

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 153 commentaires

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Le principal effet des éruptions mélenchoniennes périodiques contre

Le Monde, c'est qu'elles amènent à s'intéresser au phénomène déclencheur. Pour que le volcan se déchaîne ainsi, quel nerf le journal a-t-il donc touché ? L'éruption de dimanche n'échappe pas à la règle. Particulièrement violente, avec jets de lave habituels contre Plantu (qui l'a d'ailleurs bien cherché), mais aussi contre un jeune journaliste, rappelant la légendaire éruption contre les "petites cervelles", elle doit avoir été provoquée par une agression particulièrement pertinente. On se reporte donc à l'article qui, parfaitement classique, serait passé sans cela totalement inaperçu, et voici donc la citation fautive, “Quand Tsipras parle, il a l’air sympathique. Quand c’est Mélenchon, on a l’impression de se faire engueuler”. Cette citation est placée dans la bouche d'un élu communiste (anonyme). Pour le démentir, Mélenchon s'en prend donc au signataire, Olivier Faye, dont il connait apparemment le statut (même si dans le CV du journaliste, rien n'indique qu'il soit en CDD), affirmant "qu'il ne passera pas en CDI sans montrer patte blanche à la chefferie". Pour dissiper l'impression qu'il engueule au lieu de parler, c'est finement joué.

L'éruption oblige donc les vulcanopolitologues à examiner l'hypothèse. S'il piétine en France, alors que Tsipras a été élu en Grèce, et que Iglesias s'envole en Espagne, ce serait donc en raison de son détestable caractère. Pourquoi pas ? Mais un autre caractériel, Sarkozy, a bien été élu. Et pour remonter plus loin, un De Gaulle, même si la chose était mieux dissimulée à une époque où Twitter n'existait pas, était aussi un caractériel légendaire. Donc l'hypothèse du piétinement électoral par le caractère mélenchonien ne va pas de soi. Si l'électorat français, à la différence des Grecs et des Espagnols, va chercher les anti-systèmes à droite plutôt qu'à gauche, cela tient sans doute davantage à l'Histoire différente des trois pays, et notamment aux souvenirs des dictatures d'extrême-droite dans les deux pays du Sud, bien plus présents qu'en France. Cela tient aussi au fait que l'austérité à la française, si douloureusement ressentie qu'elle soit, n'est pas au niveau des austérités espagnole et grecque. Bref, à un tas de facteurs qui n'ont rien à voir avec le caractère de Mélenchon.

Non pas que le caractère de l'élu compte pour rien dans le vote des électeurs. Mais il n'y a pas de règle. Selon les moments, on élit des calmes ou des tempétueux. Ça dépend d'un tas de facteurs, des circonstances historiques, de l'humeur du moment, toutes choses difficiles à mettre en statistiques. L'hypothèse est tout aussi absurde, que d'expliquer, par exemple, la crise de l'eurogroupe de la semaine dernière par...le caractère de Varoufakis, voire son style vestimentaire, comme le fait aussi , dans un autre article, Le Monde, décidément très à cheval sur les bonnes manières. Pourquoi absurde ? Parce que si on casse les règles, on casse les codes. Si quelqu'un connaît le moyen de tordre le bras des Allemands sans casser les codes, qu'il révèle la recette d'urgence. Pour l'instant, cela dit, la Grèce a cassé les codes sans casser les règles.

La seule chose que nous apprend cette éruption, c'est que Mélenchon croit lui-même à cette hypothèse. Ou au moins, qu'il l'examine. Les journalistes, ou ses partenaires communistes, lui renvoient son caractère de cochon avec tant d'insistance qu'il ne peut s'empêcher de l'examiner sous tous les angles, comme lors de cette interminable séance, la semaine dernière, sur le divan de Fogiel, son émission la plus stupéfiante depuis qu'il s'était posé (assis, cette fois) sur le canapé de Drucker. Cela donne sans doute d'intéressantes séances divan pour ceux qui s’intéressent à l'exercice, mais maintient le débat sur le terrain choisi par l'adversaire.

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