Le Pen et Messiha : selfiegate chez Baba

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 172 commentaires

Tout arrive : on parle nucléaire chez Hanouna. Et gaz. Et charbon. Et éoliennes. Et isolation thermique. On entend même le mot "mix énergétique". "C'est important, surtout avec ce qui se passe" reconnaît l'animateur. Ce qui se passe ? L'Ukraine, bien entendu. Et Poutine. Et le gaz russe. Toute cette malencontreuse actualité, qui a grossièrement chassé les sujets hanounesques habituels (voiles, cantines, couloirs réservés dans les piscines, tiktokeuses patriotes, etc). Poutine, donc. "Votre ami Poutine" accuse Yannick Jadot, face à Marine Le Pen. 

Car oui, c'est Jadot qui introduit, en contrebande, quelques minutes de climat chez Hanouna. C'est sa première venue, chez Baba, dans le Face à Baba de Le Pen. "C'est la première fois que vous venez." "C'est la première fois que vous m'invitez". "Ah non, je vous ai déjà invité, on n'a pas dû vous transmettre". En tout cas, un téléspectateur qui ne s'informerait que chez Hanouna serait dans une ignorance à peu près totale d'un phénomène nommé dérèglement climatique, comme l'a établi la chercheuse du CNRS Claire Sécail.

Tout de même, avant que Jadot s'installe sur le plateau, les sujets hanounesques ont dévoré leur part de temps d'antenne. Avec Marlène Schiappa d'abord, face à Le Pen, sur le mode "vous n'avez rien fait contre l'immigration", "Mais si, regardez bien !" Et surtout, ensuite, avec Jean Messiha, habitué des deux maisons, en sa double qualité de chroniqueur habituel de Hanouna (actuellement suspendu pour cause de campagne) et d'ex-ponte du Rassemblement national (dont il est parti en 2020, et maintenant soutien de Zemmour). "Face à Marine Le Pen, il est tout mignon" note Hanouna, ravi. Et à Le Pen : "C'est comme de revoir un ex ?" Elle rit. Vif, l'échange se polarise autour d'un selfie de Marine Le Pen avec une adolescente voilée, pièce-maîtresse de l'accusation en faiblesse des zemmouriens contre Le Pen. Messiha : "On n'est jamais obligé de faire un selfie. Si tu n'as pas le courage d'affronter une personne, t'auras pas le courage d'affronter la masse". La candidate : "Avant d'être une musulmane, c'est une adolescente de quinze ans". Le dispositif est efficace, si l'efficacité consiste à opposer clairement les segments marketing des deux candidats nationalistes et xénophobes, le "brutal" contre la "modérée".

Modérée ? Davantage que ses mots, c'est son rire qui parle pour Le Pen. Elle rit toujours. Mais ce n'est plus le rire hystérique de l'entre-deux-tours 2017. C'est le rire apaisant, rassurant, d'une femme qui a souffert,  qui entrerait à l'Élysée sans "premier homme" (Hanouna) mais avec ses chats. Une revenante du désert, modèle Mitterrand 81, ou Chirac 95, comme les Français, paraît-il, les aiment tant.

A PROPOS DU MATINAUTE D'HIER   

Le montage de l'émission Quotidien, sur lequel s'appuyait une partie de ma chronique d'hier, était trompeur. Dans son interview à la presse étrangère, Emmanuel Macron ne s'y affirmait pas vraiment "optimistic". Lire le rectificatif rajouté à la fin du texte. Toutes mes excuses à nos abonnés, et au président de la République.


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