Le Pen : la "première fois" de France Inter

Daniel Schneidermann - - Nouveaux medias - Coups de com' - Le matinaute - 173 commentaires

Le décor est rose bonbon. C'est une interview "première fois". Avec des questions "première fois". "Première personne que vous appelez si vous êtes élue". "Première pensée si vous êtes élue." "Première mesure que vous allez prendre". "Premier déplacement à l'étranger". "Première fois que vous avez réalisé que vous aviez une famille un peu… à part". "Premier chat". "Première manif". "Première réaction quand Zemmour s'est déclaré candidat". Dans ses réponses, sur cette pastille vidéo girly postée sur les réseaux sociaux de France Inter, Marine Le Pen est alternativement grave et hilare, une personne humaine en somme, tellement humaine, plongée dans une situation préoccupante, mais pas désespérée. D'autant plus humaine qu'elle a reçu les questions à l'avance, comme elle l'a révélé dans son interview par Demorand et Salamé, un peu plus tôt dans la matinée (voir ici, à la toute fin de la vidéo).

Puisque de "première fois" il y a, ce n'est pas la "première fois" qu'un média banalise Marine Le Pen. Ni qu'il la peoplise. On se souvient de l'interview tout aussi miaou de Karine Le Marchand, sur M6. Et dernièrement encore, notre Sherlock Com' n'a pas raté cette émission de TF1 La bataille de l'Élysée, où on découvrait à chaque plan une Marine Le Pen hilare, entre Pécresse et Mélenchon.

Mais c'est la première fois qu'un média public banalise et peoplise seule la candidate d'extrême droite. Qu'on se rassure : il y aura aussi une première fois Zemmour, une première fois Mélenchon. Mais l'effet est d'autant plus saisissant que c'est Le Pen qui inaugure la formule, France Inter semblant ainsi conforter une sorte de comparaison latente ces jours-ci, qui semble bénéficier à une Le Pen humaine, par opposition à la brutalité de Zemmour.

Ce n'est pas la forme, qui est en cause. Pourquoi pas ? Tout est bon pour intéresser à la politique le public des réseaux sociaux, présumé ne pas s'y intéresser. Mais justement, si le concept consiste à mêler la question chat et la question manif, le sucré et l'acide, pourquoi ne pas aller au bout du concept, et aborder aussi les premières fois qui fâchent  ? "Première fois que votre père a été condamné pour banalisation de crime contre l'humanité". "Première fois que vous avez dû rembourser le Parlement européen pour avoir fait travailler vos assistants parlementaires européens pour le parti." "Première fois que vous avez exclu des militants du RN pour racisme" : ça aurait tout de même de l'allure, non ?


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