La vengeance de l'argent magique
Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 86 commentaires
Les beautés de la finance dans la pandémie, suite. Finalement, la banque Natixis obéit aux consignes de la Banque Centrale Européenne (BCE), et ne versera pas à ses actionnaires de dividende sur l'exercice 2019. Sanction immédiate : le titre plonge de 8% (à l'inverse de l'action Vivendi, dont je vous parlais hier, qui elle a bondi de 7% après une annonce en sens inverse). Comment en tirer une conclusion autre que : fermez la Bourse ! Nationalisez les banques ! Dès maintenant ! comme dit Serge Halimi dans Le Monde Diplo
. Comment donc, on ne peut pas ? Mais si, on peut tout ! C'est justement en ce moment, qu'on peut tout. Jamais l'essence magique de l'argent, et de la création monétaire, n'a été plus clairement exposée aux yeux de tous. Le confinement ouvre les yeux.
Créez donc des euros, pour aller surenchérir avec les dollars des Américains, sur le tarmac des aéroports chinois, où, selon deux présidents français de régions, ils raflent nos cargaisons de masques, pourtant dûment commandées (il est vrai que la France fait de même, avec des masques suédois à destination de l'Italie et de l'Espagne, mais dans ce cas, cela s'appelle une réquisition).
Y a-t-il un rapport ? Hier, la même Natixis rendait public un rapport sur l'après-pandémie. Un rapport court et implacable, qui annonce rien moins que "la fin du capitalisme néo-libéral, qui avait choisi la globalisation, la réduction du rôle de l'Etat et de la pression fiscale, les privatisations, et dans certains pays la faiblesse de la protection sociale"
. Oui, Natixis !
"Il n'y a pas d'argent magique"
, répondait Macron en 2018, à des soignants de Rouen. Il faut prendre le temps de revoir cette scène, alors que depuis quelques semaines, l'argent magique coule à flots, des deux côtés de l'Atlantique, pour soutenir l'économie, et (ici) les bataillons de travailleurs en chômage technique. Mais, du fait que les Etats ne peuvent se financer directement auprès de la BCE, une part importante de cet argent va surtout gonfler les flux et les stocks de la finance folle.
"Il n'y pas d'argent magique" répond-on inlassablement aux inlassables avocats de la transition énergétique. Il en est un qui observe attentivement ce qui se passe, c'est Stéphane Foucart, du Monde
. "Face à l’étendue du désastre provoqué par seulement quelques semaines de circulation du SARS-CoV-2,
analyse-t-il, il devient possible que le carcan monétaire finisse par exploser tout à fait. Que les banques centrales puissent redevenir des institutions politiques à même d’interagir directement avec la société pour répondre à une urgence à laquelle les mécanismes de marché sont incapables de répondre"
.
Fermer les bourses ? Elles ne fermeront pas. Mais pourquoi ne pas ruser avec les marchés ? Prenons Natixis au mot, et supposons que sa prise de conscience, pour l'instant minoritaire dans la pensée bancaire, s'étende, jusqu'à devenir une nouvelle conviction collective irrésistible, ralliant à elle l'ensemble des peuples confinés de l'Occident néo-libéral, soudain conscientisés. Que feront les marchés ? Ils joueront les Etats, ou les groupes d'Etat, qui se rallieront les premiers, officiellement, à la nouvelle doxa Natixis. Les gagnants de l'après-crise seront les premiers qui ont auront franchement, et pas du bout des lèvres, décrété la fin du néo-libéralisme. Analyse transmise gracieusement aux dirigeants de la zone Euro. Ne me remerciez pas, c'est ma contribution.
"On pouvait pas prévoir" pic.twitter.com/lS7DfT5Upc
— Ruz (@GwennAnRuz) April 1, 2020
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