La planète, sauf trois jokers

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 78 commentaires

C'est donc dans le parc de l'Élysée que Macron a reçu les 150 citoyens tirés au sort de la convention pour le climat. Dans le parc. Vous avez saisi l'allusion ? Dans le parc. Parc. Gazon. Vert. Cuicui. Écolos. Municipales. Vous saisissez mieux ? Il faut vous le dessiner ? Ceux qui ont bien saisi, en tous cas, ce sont les chroniqueurs de LCI, qui rivalisent de louanges sur le signe gazonné. Ah, c'est habile. Malin. Rusé. Bien joué. Le parc. Quelle riposte foudroyante au résultat des municipales ! Trop fort vraiment, ce Macron.

Reste la réponse, sans filtre, comme promis, aux propositions des 150 citoyens tirés au sort. Là, on n'a pas bien compris. Ah si tout de même, il est d'accord sur tout, sauf qu'il s'est réservé trois "jokers" (surtout, ne pas parler de veto. Le "joker", c'est fun, c'est ludique, quelle habileté, trop fort vraiment, etc etc !) Outre la fameuse proposition sur la limitation à 110 km / heure sur l'autoroute (retoquée, donc), le préambule de la Constitution pourra bien être verdi, mais de manière moins catégorique que proposé par les 150. Dans les vert pomme. Pas question non plus de taxe de 4% sur les dividendes supérieurs à dix millions d'euros ("il faut au contraire tirer les talents, les entreprises, les investisseurs")

Pour le reste, oui, d'accord sur tout, sans filtre comme promisLe Monde résume : interdire les passoires thermiques ? "Nous le souhaitons tous". Mettre fin à l’artificialisation des sols ? "Vous avez raison." Un moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes ? "J’y suis favorable." (et hop, un bandeau sur LCI). Interdire les vols intérieurs en avion quand un trajet en train est possible ? « "Oui ! " Préférer les réhabilitations de bâtiments plutôt que les nouvelles constructions ? "Engageons-nous dans cette voie !"

Dans un article distinct (retitré après mise en ligne pour insister sur les "zones de flou"), le Monde souligne tout de même que le joueur du parc n'a livré aucun détail, sur aucun point. Sur la rénovation des bâtiments, pas d'allusion à l’obligation de rénovation globale introduite par les tirés au sort. Silence sur les contraintes voulues par les 150 pour rendre le parc automobile plus propre, ou sur les propositions d’interdiction dès 2025 de la commercialisation de véhicules neufs très polluants, ou de renforcement des malus des voitures qui polluent. "La seule obligation évoquée, l’interdiction des véhicules polluants dans les centres-villes, l’est pour rappeler que cette disposition dépend des collectivités locales"

Reste le référendum. Ou plutôt, tant qu'à faire, deux référendums. Le premier "d’ici à 2021", portera sur l’introduction (vert pomme) des notions de "biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique" dans l’article 1 de la Constitution. Et un deuxième, l'année prochaine, pourra se tenir sur des sujets encore indéterminés. Avec un peu de talent, on va donc réussir à faire durer le feuilleton jusqu'en 2022. Le second vote ne risque-t-il pas de se transformer en référendum pour ou contre Macron ? Oui, mais le président, souligne Le Monde, "aime prendre son risque". Tant qu'à jouer...
 

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