Gargamel contre Joséphine, le match

Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Le matinaute - 95 commentaires

Qu'on le veuille ou non, c'est jour de match. On peut maudire ou bénir le tirage au sort, mais la collision Joséphine-Gargamel promet des étincelles. Gargamel au service. Il est midi, l'heure de se jeter dans l'eau froide. Même si l'ambiance est à la lose, les chaînes d'info sont au garde à vous, priorité au direct. Stupeur : il ne nous regarde pas. Hey, grand sorcier : on est là, nous les Schtroumpfs ! Et puis on comprend. Ce regard sur ses feuilles, ce micro déniché aux Puces, ce trois quarts en contre-plongée, bon sang mais c'est bien sûr ! C'est De Gaulle lisant l'appel du 18-Juin. Manque l'uniforme, tout de même (de général, hein, pas confondre avec maréchal). Ils n'avaient pas sa taille ?

À l'image, le clip a réquisitionné Barbara (Barbara !) à la fureur  de ses ayants-droits, le château d'Ussé (Indre-et-Loire)  faisant rager le propriétaire, des extraits de films de Gaumont qui menace aussitôt d'un procès. Et Eric Fassin, et Yann Barthès, et Valérie Trierweiler, pardon si j'en oublie. Jusque là, petite rapine ordinaire. Le sens de l'affaire se complique avec la bande-son, la 7e de Beethoven, qui est également celle du Discours d'un Roi, film retraçant le combat de George VI contre son propre bégaiement (happy end, le king finit par prononcer sans bégayer son discours d'entrée en guerre contre l'Allemagne, en 1939). Là, c'est chargé en symboles. Trop. Je sais bien que c'est pour faire jaser les chaînes d'info, mais pitié pour les sémiologues, qui ne demandent qu'à vivre en paix !

Au soir, le revoilà, devant Gilles Bouleau, déguisé cette fois en candidat-qui-regarde-la-France-dans-les-yeux-au-20-heures-de-TF1, panoplie qui suppose componction, bonhommie, solennité. Mais il n'a pas retrouvé son regard entretemps. Là encore, il flotte. Il engueule Bouleau, qui lui ressort des extraits de ses livres (sur les femmes, moins intelligentes que les hommes). Figurez-vous que ses livres, c'est fini. On n'en parle plus.  Je suis apprenti général, maintenant !  J'ai changé de catégorie. Z'avez pas vu ma mue ?  

Entre les branches de la tenaille, heureusement, a soufflé sur le Panthéon comme un vent de légèreté, un pied de nez aux défaitistes et aux solennels. Cette insouciance, cette gaité, qui sourd des chansons, des images et des discours, comme elles font du bien. J'ai deux amours, chante Joséphine Baker, slalomant entre régime de bananes et croix de Lorraine offerte des mains du grand Charles, décidément arbitre du match. Bien sûr on n'est pas dupes. On sait bien que Macron, lui aussi, a réquisitionné une Joséphine "ridiculisant les préjugés colonialistes", comme Zemmour Barbara, en qualité de porteuse d'un message posthume à trois bandes, sur l'éternelle tradition d'accueil française. On distingue bien, derrière l'éclatant sourire du Panthéon, les tentes de migrants lacérées au petit matin. Mais n'empêche. Comme l'autre, tout d'un coup, semble en comparaison racorni, avec ses serres de charognard, refermées sur des trésors qui ne lui appartiennent pas. Jeu et set. Pour le match, attendons de voir. Oui, Zemmour est fou, mais un pays entier peut tourner maboule, ça s'est vu, ici et ailleurs.

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