Déficit : toi aussi, joue à Attali
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 46 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Et Guetta, maintenant, après Thomas Legrand.
Guetta qui pousse un coup de gueule matinal contre la commission européenne, et assure qu'elle est en train de tuer l'Europe. Qu'est-ce qui leur prend, aux éditorialistes d'Inter ? C'est l'interminable printemps automnal, qui leur ouvre les yeux et leur débouche les oreilles ? C'est donc le 30 mai 2013, aux alentours de 8 heures 16, messieurs les commissaires, que ledit Guetta, Bernard, inébranlable eurolâtre de France Inter, accusa la Commission européenne d'avoir commis une faute impardonnable, en dictant à la France sa liste de courses de réformes libérales urgentes.
Il est vrai qu'elle a fait fort, la commission. Elève France, prends donc sous la dictée. Tu augmenteras encore l'âge légal de départ en retraite, mais surtout pas le SMIC, déjà trop élevé. Tu diminueras les allocations chômage (mais en évitant d'augmenter les cotisation retraites des employeurs). Tu accéléreras l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, et de la distribution d'énergie, et tu en profiteras pour en finir avec les tarifs réglementés (sauf pour les ménages). Etc etc. Elle a fait si fort que l'élève s'est rebellé, Hollande répliquant : "la commission n'a pas à nous dicter ce que nous avons à faire" (wouuch ! Tous aux abris !)
Il faut certes comprendre cet échange théâtral comme un jeu de rôles. Guetta lui-même expliquait que le principe de cette dictée avait été...dicté à la commission par l'Allemagne, inquiète d'avoir vu la même commission, la semaine dernière, octroyer un délai supplémentaire à la France pour se conformer au critère des 3% de déficit. Et dans Libé, Jean Quatremer raconte que l'entourage présidentiel, off the record, assure que c'est Hollande lui-même, qui a soufflé à la commission qu'il comptait re-réformer les retraites avant la fin 2013. Bref, on joue une fois de plus des doubles et des triples discours, on chuchote à la corbeille en espérant que les balcons n'entendront pas, et l'inverse. Mais les citoyens, eux, entendent. Après la Cour des comptes, qui reprochait au gouvernement, sans lui reprocher, mais en lui reprochant tout de même, l'embauche de 60 000 profs, après le Conseil constitutionnel qui décide souverainement quel est le taux, en France, d'une fiscalité non confiscatoire, une réforme s'impose. Tiens, je vais jouer à Attali, qui exposait son dernier catalogue juste après Guetta : le plus simple serait tout de même de réunir tous ces vautours hypocrites qui font des ronds autour du suffrage universel (Commission machin, Cour bidule, Conseil chose) et de les charger de désigner le gouvernement français. Ca, ce serait une vraie réforme libérale. On économisera les frais d'élections, ce qui ne peut pas être mauvais pour le déficit.