Chemin, Miller, Mélenchon : de la haine et du démontage

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 194 commentaires

Une règle d'or : quoiqu'on fasse, quoiqu'il arrive, quelles que soient les vicissitudes et les péripéties, un journaliste devrait faire l'impossible pour ne jamais avoir Gérard Miller contre lui. Nous relations ce week-end le reportage d'Ariane Chemin, du Monde, sur les deux nouveaux départs du Media des Insoumis, des journalistes Catherine Kirpach et Léa Ducré, reportage qui a mobilisé tout le week-end la mélenchosphère.

Quelques heures d'attente, et dimanche soir, le co-fondateur du Media, Gérard Miller (invité ici sur notre plateau) reprenait de volée l'article du Monde. Que dis-je, le reprenait ? Le démontait, mot à mot, phrase par phrase, en entomologiste. Pour savourer l'exercice, chacun.e peut se reporter aux deux textes.

Miller entame son démontage par l'incipit du texte de Chemin : "Montreuil, métro Robespierre, lundi 19 février, 9 heures du matin". Miller : "l’avantage avec la station Robespierre, c’est qu’on peut imaginer par exemple la guillotine et ça tombe bien". Et ainsi de suite. Toute la scène de "l'exécution" de Aude Rossigneux par le "comité de pilotage", telle que racontée par Chemin du point de vue de "l'exécutée", est ainsi démontée par Miller. Les signifiants du "dos au frigo", de la tasse de café, du bout de la table, sont savoureusement analysés, comme autant d'instruments de la "dissimulation des présupposés et des partis pris des journalistes sous le masque trompeur d’une objectivité proclamée".

Bien  entendu, ce texte est aussi une petite vengeance personnelle, Ariane Chemin ayant signalé incidemment que l'Insoumis Miller avait passé la semaine de la crise à Val d'Isère, mais ça ne lui retire rien.

Soit dit en passant, on pourrait d'ailleurs se livrer au même exercice "millerien" sur le texte de Miller lui-même, et démonter (c'est sans fin) son propre incipit : "Ariane Chemin est une journaliste que je connais bien. Nous ne sommes pas des amis, mais on discute de temps en temps, il nous est arrivé de déjeuner ensemble et quand l’un appelle l’autre sur son portable, l’autre répond aussitôt" : ainsi est habilement posé le décor crédibilisant d'un rapport paisible, sympathique, détendu, convivial, aux antipodes de la "haine juste et saine", réservée aux médias par Mélenchon. C'est d'ailleurs beaucoup plus efficace.  Mélenchon devrait davantage lire Miller.


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