Camp contre camp, le retour

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 117 commentaires

On finit toujours par se trahir. Par lacher le mot de trop. "Nous ne sommes pas dans le même camp, Madame" lance le préfet Didier Lallement, visitant la Place d'Italie, à Paris, au lendemain de la bataille, à une femme qui se présente comme Gilet jaune. 

Le préfet est filmé par BFM. Il le sait. C'est même sans doute à la caméra de BFM, que s'adresse, sûre de son impunité, la martiale apostrophe. Quel est donc le "camp" du préfet de police ? En quoi est-il opposé au "camp" de citoyens français qui manifestent pour davantage d'égalité ? Ainsi vole en éclats la fiction des "manifestants de bonne foi", que le même préfet assurait la veille distinguer des casseurs. C'est énorme. Mais ce n'est pas la seule énormité, proférée ces derniers jours. Du général "Ferme-ta-gueule- Georgelin, à la PDG de Radio France Sibyle Veil refusant de diffuser les spots de parlementaires soutenant le référendum anti-privatisation d'ADP, se multiplient les signes visibles d'accaparement de l'Etat au bénéfice du "camp" au pouvoir. Mais quelle est la nouveauté ? La multiplication de ces signes, ou bien leur visibilité ?

Les généraux, cependant, ne seraient rien sans leurs sous-officiers. Voici le Gilet jaune François Boulo sur France Info.  Passe d'armes avec la journaliste Alexandra Uzan, sur l'hyper-médiatisation d'Emmanuel Macron, dans les années qui précèdent sa déclaration de candidature. 

A François Boulo qui lui objecte les dizaines de couvertures de presse consacrées à Emmanuel Macron, avant même qu'il soit candidat à la présidentielle, la journaliste répond : "oui, mais nous traitons aussi l'actualité Gilets jaunes, alors que ça représente 30 000 manifestants dans la rue". Elle renvoie ainsi dos à dos deux surmédiatisations, qui n'ont pourtant rien de commun. Avant de déclarer sa candidature, Macron n'est personne, ne représente aucune force politique (même si Le Monde révélait récemment que c'est un cénacle secret de grands patrons qui a lobbyisé en 2012 afin qu'il soit nommé secrétaire général adjoint de l'Elysée). Les Gilets jaunes, même ultra-minoritaires dans la population, constituent un phénomène politique sans précédent. Et s'ils sont surmédiatisés, c'est toujours dans un cadre d'hostilité persistante du camp du pouvoir, comme le démontre paradoxalement cette séquence de France Info.



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