"Arrêt sur images" et le pass sanitaire

Loris Guémart - - Silences & censures - Le médiateur - 178 commentaires

Pas assez couvert ? Mal couvert ?


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Avons-nous minimisé ou ignoré les travers médiatiques liés à la couverture du pass sanitaire ? Nombre d'abonné·es ont fait part de leur désarroi dans les espaces de commentaires ou par courriel, estimant notre travail insuffisant. Nous explorons la question ici comme nous l'avons fait dans le cadre du "Club indé" du 24 novembre dernier.

Quand notre chroniqueur Thibault Prévost s'interroge à propos du pass sanitaire, le 18 juillet 2021, il le perçoit comme utile sur le plan de la santé publique, et dangereux sur celui des libertés publiques – une dangerosité que Thibault traite une seconde fois avec un texte dystopique, imaginant un pass toujours pas supprimé en 2025. Sa chronique du 18 juillet reçoit plus de 500 commentaires, engendrant un billet du médiateur (soit l'auteur de ces lignes) qui à son tour donne lieu à plus de 250 remarques dans le forum. 

Nous pensions donc la question épuisée… mais les remarques n'ont pas cessé.  "Le danger ne me paraît pas venir des quelques manifestants de Belfort, mais bien du système de pass sanitaire déjà mis en place, et dont on ne sait pas s'il sera retiré un jour", nous explique ainsi "Brehelin" par courriel à propos d'un Matinaute de Daniel Schneidermann plutôt critique envers les manifestants anti-pass ayant essayé de forcer la porte de la rédaction de l'Est Républicain. "Pourquoi ASI a toujours été ouvert à des vues alternatives en ce qui concerne le politique, l'économique, le social mais pas DU TOUT en ce qui concerne le domaine de la santé ?", demande de son côté Christophe. Tous deux sont des abonnés historiques.

Concernant le pass sanitaire, ASI a-t-il failli ? Sur le fond du sujet, "son dilemme est le nôtre", a exposé, en évoquant Thibault Prévost, notre rédactrice en chef Emmanuelle Walter dans notre dernier Club Indé, mis en ligne le 24 novembre (extrait ci-dessus). Les premières semaines ayant suivi la mise en place du pass sanitaire en juillet, nous avons traité de la floraison de hashtags tels que "#dictature" ou "#apartheid" ayant surgi sur Twitter après l'allocution d'Emmanuel Macron le 12 juillet ; des difficultés médiatiques à nommer une mobilisation protéiforme ; des raisons ayant mené à ce qu'une équipe de BFMTV soit expulsée d'une manifestation anti-pass parisienne ; du relais alors systématique des décomptes du nombre de manifestants par le ministère de l'Intérieur au détriment de décomptes alternatifs plus importants ; ainsi que de l'empressement médiatique à rapporter l'hospitalisation en réanimation du rappeur Akhenaton malgré des incertitudes. 

Mais notre observation attentive des médias n'a plus donné lieu à de nouveaux articles depuis la rentrée. "Nous n'avons pas observé de dysfonctionnement médiatique à propos du pass sanitaire", analyse Emmanuelle, du moins qui soit suffisamment majeur, dans le contexte d'une rentrée médiatique politiquement très chargée, pour que nous le traitions. Dans l'extrait ci-dessus, le journaliste d'Off Investigation Yanis Mahmdi signale à raison que les médias n'ont pas montré beaucoup d'indignation lorsque la classe politique a exonéré ses meetings de campagne de la présentation du pass sanitaire, obligatoire partout ailleurs. C'est un sujet pertinent, les médias ayant longtemps fait peu de cas du sujet (jusqu'à la récente dégradation épidémique). Cela aurait pu donner lieu à un article d'ASI… si la période n'était pas aussi agitée au plan politico-médiatique. Par ailleurs, nous remarquons que nous ne sommes pas le seul média indépendant à faire face à la colère de certains de ses abonnés estimant la couverture du pass trop favorable aux pouvoirs. Mediaparta dû s'expliquer suite au dépôt de plus de mille commentaires sous son enquête révélant que"les équipes de Didier Raoult dénoncent les falsifications de leur patron sur l'hydroxychloroquine".

Matinaute : "la moins mauvaise" des solutions

Et Daniel Schneidermann dans tout ça, qui est souvent codestinataire des courriels adressés à la rédaction, autant que nommé dans les espaces de commentaire au sujet du pass sanitaire ? L'un de nos lecteurs l'a même interpellé sur Twitter, relevant qu'entre juin et le 19 novembre, douze de ses 81 Matinautes avaient été consacrés à Éric Zemmour, contre trois à la pandémie, "au moment où ce pass sanitaire et les polémiques sociologiques, institutionnelles, politiques, de santé, médiatiques qu'il suscite est un des évènements majeurs de notre époque". Alors, "pourquoi ce choix (ou ce refus) de l'évoquer réellement ?", demande-t-il

La position de Daniel sur le pass n'a pas changé depuis le Matinaute du 31 août. "Je ne pense pas qu'il constitue une solution parfaite. Je pense simplement que pour éviter un nouveau confinement, c'est la moins mauvaise", écrivait-il alors, assez proche de la position de Thibault. Tout en refusant obstinément d'accepter une récupération politique du succès de ce pass, malvenue au regard des échecs précédents :  "Votre impréparation sur les masques et les tests, dit-il à Emmanuel Macron et à son gouvernement, votre catastrophique politique hospitalière, à vous et à vos prédécesseurs, votre inaction criminelle d'aujourd'hui en matière de refus de capteurs de CO2 et de purificateurs d'air dans les classes, toute cette misère dissimulée par ces mensonges en chaîne depuis près d'un an et demi, qui ont sapé toute confiance en la «parole d'en haut»." On ne saurait mieux dire.

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