Protectionnisme : la voie argentine

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

Pendant que se développe en Europe un débat sur le protectionnisme, l'Argentine multiplie les mesures. La présidente Cristina Kirchner vient d’imposer une nouvelle taxe sur les biens d’équipements importés, taxe applicable dès le mois de juillet.

Ce ne sont plus des barrières de protection que construit l’Argentine mais de gros murs épais. Parmi les mesures destinées à protéger l’économie du pays qui se remet lentement mais sûrement de sa faillite en 2001, on note tout un tas de taxes et de restrictions visant les produits importés. On se souvient, dans le reportage réalisé par Hervé Chabalier (et invité sur un plateau d’@si), du rayon de ce supermarché sur lequel on trouvait des pots de moutarde français à des prix délirants en raison des taxes infligées.

En tout, selon un rapport publié hier par la Commission de l’Union européenne, l’Argentine a mis en place, depuis la crise de 2008, 119 mesures défensives face à la concurrence commerciale extérieure (suivie de la Russie - 86 mesures - et l'Indonésie - 59 mesures). Pourquoi ce rapport ? Parce que l’UE s’inquiète "d’une montée considérable du protectionnisme à l’échelle mondiale, qui s’est traduite par l’introduction de 123 nouvelles restrictions des échanges au cours des huit derniers mois, soit une hausse légèrement supérieure à 25 %." Dans une zone économique et commerciale qui prône le libre-échange le plus total, on peut en effet redouter de voir les petits copains ne pas suivre le jeu.

Les relations entre l’Europe et l’Argentine sont plus que tendues depuis le mois d’avril, notamment avec la nationalisation du groupe pétrolier argentin YPF, filiale d’un groupe espagnol, mais pas seulement. Comme raconté fin mai par Anne Bauer, correspondante des Echos à Bruxelles, l’UE a menacé de porter plainte auprès de l’OMC si l’Argentine ne cessait pas ces "tracasseries administratives contre les exportateurs européens." Des tracasseries apparemment lourdingues : parmi les restrictions, les produits qui arrivent sur le sol argentin doivent obtenir une autorisation avant leur mise sur le marché. Bauer raconte qu’à Bruxelles, on constate que "les conteneurs remplis de produits manufacturés en Europe s'empilent dans le port de Buenos Aires. Vous exportez des voitures et on ne vous délivre pas d'autorisations tant que vous n'avez pas acheté l'équivalent en vin ou soja argentin." Ces restrictions d'importation ne concernaient l'an dernier qu'un volume de 500 millions d'euros de biens exportés, mais il sera étendu en 2012, selon Libération, à tous les produits européens exportés vers l'Argentine, soit, si on se base sur les chiffres 2011, un volume de 8,3 milliards d'euros.

Que répond l’Argentine ? Toujours selon la journaliste des Echos, Kirchner conteste ces accusations et affirme que "c'est comme s'il y avait un protectionnisme légal, celui des pays développés, et un protectionnisme populiste, celui des pays émergents." Et de dénoncer les droits de douane européens sur les produits agricoles. Cela dit, l’Argentine a accepté lundi de participer à des consultations avec l’UE, histoire de ne pas se fâcher entièrement. Ce n’est pourtant pas gagné… D’après le site du monde.fr, Kirchner a annoncé hier une 120e mesure de protectionnisme avec la création d’une nouvelle "taxe de 14 % sur les biens d'équipement importés de pays extérieurs au Mercosur (marché commun du Sud: Brésil, Paraguay et Uruguay) qui viennent concurrencer des produits locaux."

protectionnisme: où en est Montebourg ?

En parlant de protectionnisme, où en est Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, sur ce sujet qui lui est cher ? Visiblement au point mort. Très occupé avec les poulets de Doux (un bon résumé vous est proposé par une autre volaille, le Canard enchaîné de cette semaine), il a peu avancé en matière de protectionnisme. Dans un entretien accordé au Monde jeudi dernier, tandis que les journalistes lui rappelent que le communiqué final du G8 "affiche un vibrant plaidoyer pour le libre-échange" et que "François Hollande a participé à sa rédaction", il répond : "Vous connaissez mes positions. Technicolor a annoncé la fermeture de son site d'Angers après que l'Union européenne a décidé de supprimer les 14 % de droits de douane qui frappaient les décodeurs de télé importés. A quoi mène le libre-échange intégral ? A transférer les productions industrielles hors d'Europe !" Histoire de ne pas se sentir seul, il cite Obama et la nouvelle taxe de 32 % sur les panneaux photovoltaïques d'importation chinoise pour protéger les filières américaines : "vous voyez qu'on peut, comme M. Obama, être un protectionniste de pratique et signer des communiqués au G8."

Si vous l’avez manqué, retrouvez le reportage de l’éconaute sur le tour de Gaule de Montebourg pendant la campagne présidentielle.

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