Lectures complotistes pour le week-end

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Tiens, si on parlait d'autre chose ? D'une information minuscule

, si minuscule que vous ne l'avez sans doute pas vue passer, dans le tsunami économique. Le magazine Causettevient de porter plainte. Dans son numéro de novembre, ce magazine consacre un dossier à des accusations de viols, portées contre des militaires français, lors du génocide au Rwanda. Et tiens, quelle coïncidence, ce même numéro a connu un incident fâcheux: à quelques heures de l'impression, tous les fichiers ont totalement disparu du serveur sur lequel ils étaient stockés. La rédaction a dû les reconstituer en urgence. Par ailleurs, une des journalistes auteurs du dossier a reçu un mail étrange, pouvant éventuellement s'apparenter à une menace voilée.

Et alors ? Alors rien. La France est un état de droit, où l'on ne saurait imaginer qu'un dossier critique sur l'Armée déclenche de sombres manoeuvres de sombres officines. Bien entendu. Sauf que la même semaine, se déroulait à Nanterre un procès dont vous n'avez certainement pas entendu parler non plus, vu que quasiment personne ne l'a couvert, à l'exception de la chroniqueuse judiciaire du Monde, Pascale Robert-Diard. Au banc des accusés, une entreprise honorablement connue, du nom de EDF. Elle était poursuivie pour avoir commis une intrusion dans les ordinateurs d'une association subversive, du nom de Greenpeace. EDF, c'est normal, souhaitait se documenter sur les actions prévues par l'association écologiste. Le procureur a requis contre EDF une peine d'amende d'un million et demi d'euros, au terme d'un réquisitoire dont je vous recommande la lecture.

Et (re) alors ? Quel lien avec ce qui précède ? Pour comprendre, il faut lire aussi cet ébouriffant compte-rendu d'audience, dans lequel on entend parler, avec leurs mots à eux, des membres obscurs de ces obscures officines, habituellement si peu prodigues en confidences. Parmi d'autres citations, je vous recommande celle-ci, de l'un de ces intrus informatiques, ancien militaire, s'adressant à la présidente du tribunal: "Je pense que c’est assez difficile pour vous d’appréhender notre univers. Dans mon ancienne activité [agent de la DGSE], la loi ne rentre pas. C’est un monde qui n’a pas de règles. Un monde où quand on se lève le matin, on n’est pas sûr de voir le soir. Alors, quand on en sort, on n’a pas ce sas, ce réflexe qui nous permet de dire: ce que tu faisais avant, tu ne dois plus le faire après".

Comme on est vendredi, et que vous aurez certainement du temps pour lire, ne manquez pas non plus cet article de bas de page du Canard Enchaîné, signalant qu'une cinquantaine de militaires français, spécialistes des opérations spéciales, se trouvaient dans la région de Syrte lors de la capture et de la mort de Kadhafi, certains d'entre eux apparemment aux environs immédiats du lieu de cette capture (lecture spécialement recommandée à BHL). Surtout, n'en concluez rien. Sans doute ces militaires se livraient-ils à quelques missions topographiques, dans le but d'aider la jeune révolution libyenne. C'était notre rubrique: si la théorie du complot se glisse même au Canard, au Monde, et sur @si, on n'est plus tranquille nulle part.

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