Compte présumé de Fabius en Suisse : classement sans suite
Sébastien Rochat - - 0 commentairesAffaire classée. Alors que Le Pointse demandait fin mars si la justice avait enterré l'enquête sur l'existence supposée d'un compte suisse, non déclaré, détenu par Laurent Fabius, le parquet de Paris a fait savoir que l'enquête préliminaire n'avait rien donné. Selon Le Canard enchaîné, elle a été classée sans suite en décembre 2014.
Le compte suisse de Fabius ? Souvenez-vous : l'affaire a éclaté une semaine après les aveux de Jérôme Cahuzac. Le 8 avril 2013, Libérationannonce en Une... que Mediapart enquête sur Laurent Fabius. Le journaliste de Mediapart, Fabrice Arfi, aurait rencontré le ministre des Affaires étrangères pour vérifier la rumeur du moment : Fabius aurait un compte suisse non déclaré comme Cahuzac.
Un article pour signifier qu'un média enquête ? A l'époque, la société des personnels de Libérationavait estimé que cette une constituait une "faute déontologique grave", commise par la direction. Quelques jours plus tard, Nicolas Demorand, patron du journal, avait présenté ses excuses. Et le compte suisse de Fabius ? Mediapart n'a jamais publié l'enquête.
Faux compte de Fabius : Le Canard dézingue le lanceur d'alerte de Mediapart
Revenant sur cette affaire cette semaine, Le Canard enchaîné met en cause celui qui est présenté comme la principale source de cette dénonciation sans fondement : Pierre Condamin-Gerbier.
Condamin-Gerbier ? Ce gestionnaire de fortune, bien connu des @sinautes avait affirmé en 2013 que de nombreux responsables politiques français détenaient des comptes en Suisse non déclarés comme Jérôme Cahuzac. S'en était suivie une chasse aux noms (la fameuse "liste" qui n'a jamais existé). Condamin-Gerbier avait même été auditionné par la commission d'enquête au Sénat. Finalement, en juillet 2013, seuls les noms de Renaud Donnedieu de Vabres et la famille Fabius avaient été cités par Condamin-Gerbier lors de son audition auprès des juges Van Ruymbeke et Le Loire, en charge d'une enquête sur les pratiques de la banque Reyl & Cie (impliquée dans l'affaire Cahuzac).
Quelques jours après cette audition, Condamin-Gerbier avait été arrêté en Suisse et incarcéré pour avoir violé le secret bancaire suisse. Rapidement, Condamin-Gerbier s'était montré moins affirmatif sur ses accusations. Et en décembre 2014, il a été condamné à quatre ans de prison avec sursis et 240 000 francs suisse d'amende pour "violation de secret commercial".
Pour Le Canard enchaîné, qui a eu accès au PV de son "audition finale" par les juges suisses en juillet 2014, Condamin-Gerbier est un "mythomane". Face aux juges, il a raconté qu'il avait menti à propos des politiques français censés avoir détenu des comptes en Suisse. "J'avais une volonté de briller [et] j'étais frustré de mon licenciement. L'affaire Cahuzac m'a donné un forum expiatoire que, très vite, je n'ai pas pu contrôler", a-t-il déclaré. Condamin-Gerbier a donc été condamné, et l'affaire Fabius a été classée.
Mediapart conteste l'article du Canard
Fin de l'histoire ? Non. Car l'article du Canard a déplu à Mediapart, qui a toujours présenté Condamin-Gerbier comme un lanceur d'alerte essentiel dans l'affaire Cahuzac et dans l'affaire UBS. Quand Le Canard sous-entend que les accusations contre Fabius provenaient de Condamin-Gerier, le journaliste Fabrice Arfi, joint par @si, dément catégoriquement : "Le Canard enchaîné, qui ne nous a pas appelé, se trompe. Notre enquête sur Fabius n'a rien à voir avec les déclarations de Condamin-Gerbier". La preuve ? Condamin-Gerbier avait mouillé Fabius en expliquant que des avoirs auraient pu transiter via la banque Pictet. Or, les informations de Mediapart, comme l'avait indiqué Le Monde, portaient sur une autre banque, le Crédit suisse. Conclusion : la source de Mediapart n'était pas Condamin-Gerbier.
Une version que met en doute le journaliste du Canard enchaîné, Hervé Martin (qui avait participé à notre émission avec Fabrice Arfi sur l'affaire Cahuzac) : "Arfi prend Condamin-Gerbier par la main. C'est lui qui le met en contact avec la police [comme @si l'a expliqué]. Condamin est entendu par Van Ruymbeke, c'est là qu'il fait ses premières déclarations sur Fabius. Arfi a des sources sur le Crédit Suisse, Condamin parle de la banque Pictet, et Arfi ne tiendrait pas compte de Condamin ?", s'interroge le journaliste du Canard, joint par @si. "De toute façon, le débat sur les sources, je m'en fiche. Ce qui compte, c'est Condamin-Gerbier. Ce type est un mythomane dangereux, qui s'est répandu dans Paris", explique Martin, qui s'étonne que "Mediapart n'ait pas arrêté de le défendre", même après sa condamnation. Ce que Fabrice Arfi continue de faire : "Pour ne pas retourner en prison, Condamin-Gerbier a dit ce que la justice helvétique voulait entendre".
Et l'affaire Fabius ? "Nous n'avions pas assez d'infos pour publier cette enquête sur Fabius et l'affaire de Libé ne nous a pas aidé pour poursuivre l'enquête", conclut le journaliste de Mediapart.