Valls / NY Times : Bataille autour des musulmanes de France
Juliette Gramaglia - - 0 commentairesControverse par articles interposés entre Manuel Valls et le
New York Times. En cause, un article du quotidien américain publié le 2 septembre qui fait témoigner des musulmanes européennes. Des femmes qui vivent pour la plupart en France, mais aussi en Belgique, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. Elles racontent leur sentiment d'exclusion, leur attachement au voile. L'une d'elles avoue par exemple se sentir "mal, au point de devenir paranoïaque", une autre explique qu'"être musulmane en France, c'est vivre dans un système d'apartheid dont le bannissement des plages n'est que la dernières des incarnations". Beaucoup parlent de leurs difficultés pour trouver du travail : "Je savais qu'en tant que femme voilée, je n'avais aucun futur dans le monde professionnel", raconte notamment une trentenaire belge.
"«La manière dont les gens nous regardent a changé» : les femmes musulmanes sur leur vie en Europe"
New York Times, 2 septembre 2016
D'où vient cet article ? Après les arrêtés interdisant les burkinis sur des plages française, dont @si vous parlait ici, et la proposition de loi visant à limiter le port du voile évoquée à la même période en Allemagne, le New York Times avait publié le 22 août un appel à témoignages. Cet appel était destinée aux "femmes musulmanes en Europe" et leur demandait de "partager leurs pensées sur les restrictions concernant le voile".
Des témoignages qui n'ont pas plu au Premier ministre français. Valls a donc publié le 5 septembre une tribune sur le site de l'édition française du Huffington Post intitulée "Les femmes sont libres". Il y dénonce une "journaliste [qui] donne la parole à des femmes de confession musulmane en prétendant que leur voix serait étouffée, et ce, pour dresser le portrait d'une France qui les oppresserait". Pour Valls, l'article du New York Times est biaisé : "La réalité, écrit-il, c'est qu'il ne s'agit pas d'un enquête de terrain, qui permet les différents éclairages ou la nuance dans l'analyse. Ces témoignages ont été pour la plupart obtenus à la suite d'un événement scandaleux organisé en France : un «camp d'été décolonial»". Un camp interdit "aux personnes à la peau blanche".
Tribune de Manuel Valls, site du Huffington Post (5 septembre 2016)
Ce camp décolonial qu'attaque Valls s'est tenu à Reims du 25 au 28 août dernier, et était réservé aux personnes racisées, c'est-à-dire "subissant à titre personnel le racisme d’État". Une condition qui n'avait pas manqué de faire réagir (@si vous en parlait ici), tout comme la présence lors du camp de deux journalistes, choisies parce qu'elles étaient elles-mêmes racisées (le récit d'@si est ici). Sur Twitter, l'une des organisatrices, Sihame Assbague, a vivement réagi à la tribune de Manuel Valls :
Alors, dans le "contexte du camp décolonial", l'article du New York Times ? Pas du tout, a aussitôt répondu la porte- parole du quotidien, Danielle Rhodaes Ha : "Notre papier se base et se rapporte rigoureusement sur les réponses de plus de 1200 lecteurs après un appel en ligne en anglais, français et arabe". D'autant que dans le fameux article, le camp décolonial n'est jamais cité.