Obs/Lancelin : licenciement politique confirmé...par Perdriel

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Après Jean Daniel, c'est une autre figure historique de L'Obs qui fournit des explications au licenciement de la numéro deux du journal, Aude Lancelin. Officiellement, Claude Perdriel, co-fondateur et actionnaire de L'Obs, réfute toute manœuvre politique. Mais la publication par Le Figaro et Mediapart d'un SMS qu'il a adressé à la journaliste tend à prouver l'inverse.

Pour une quarantaine d'intellectuels, c'est "un licenciement très politique", visant à se débarrasser d'une journaliste jugée trop à gauche du PS. Pour la direction de L'Obs (soutenue par une figure historique du journal : son co-fondateur Jean Daniel), c'est une simple "réorganisation interne" pour "des raisons d'efficacité". Alors que l'on continue de débattre par tribunes interposées du sens à donner au licenciement de la directrice adjointe de la rédaction L'Obs d'Aude Lancelin, deux nouveaux éléments viennent accréditer la thèse d'un licenciement politique.

Un SMS, d'abord. Envoyé par le cofondateur et actionnaire de L'Obs Claude Perdriel à la journaliste, il a été publié ce 1er juin par le site du Figaro et par Mediapart. "Chère Aude. Vous avez toute ma sympathie mais la décision du dernier conseil [de surveillance] est évidemment irrévocable. Votre talent est indiscutable. Vous êtes jeune, vous n'aurez pas de problème pour trouver du travail, nombreux sont ceux qui vous soutiennent. Moralement, c'est important. Je respecte vos opinions mais je pense qu'elles ont influencé votre travail. Cela n'empêche pas le talent. Amicalement". Selon sa charte, en effet, "le Nouvel Observateur est un hebdomadaire culturel et politique dont l’orientation s’inscrit dans la mouvance sociale-démocrate" ?

Interrogé par Le Figaro, Perdriel s'en défend... en théorie. "Claude Perdriel persiste: s'il répète à l'envi que les motivations sont managériales, il ne donne que des exemples d'ordre politique", relève la journaliste Anne Jouan. Premier exemple : "Aude est une bonne journaliste, mais quand elle fait accompagner une interview de Manuel Valls de cinq contradicteurs, ce n'est pas éthique". Il s'agissait en fait d'une tribune du Premier ministre défendant, sur une double page, la déchéance de nationalité, suivie de cinq pages de réactions d'intellectuels opposés à cette mesure.

La tribune de Valls dans L'Obs du 7 janvier 2016

Deux des cinq pages de réactions d'intellectuels opposés à la déchéance de nationalité,
dans le même numéro de L'Obs

Trop anti-déchéance de nationalité (voire trop anti-Valls), Lancelin ? À l'époque pourtant, elle était sur la même ligne que le directeur de la rédaction Matthieu Croissandeau, qui signait dans ce même numéro du 7 janvier un édito titré "Le poison de la déchéance", et commençait ainsi : "Commencée dans l'horreur des attentats, l'année 2015 s'est achevée dans le déshonneur d'une mesure qui, si le Parlement la confirmait, marquerait de façon indélébile la chronique du quinquennat".

Autre exemple, étonnant, avancé par Perdriel au Figaro pour justifier la mise à l'écart de Lancelin : celui du mouvement Nuit debout. "Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas une idée. Aude Lancelin donne la parole à Nuit debout ! Cela la regarde mais ce n'est pas la ligne du journal". Manière de viser le compagnon de Lancelin, l'économiste Frédéric Lordon, très actif dans le mouvement qui a investi les places de nombreuses villes françaises depuis mars - et qui estime, assure-t-il au Figaro, "très perturbante personnellement et politiquement" l'hypothèse qu'il ait pu indirectement causer le limogeage de sa compagne ?

Si ces interventions de Perdriel tendent à (re)placer ce licenciement sur un terrain politique, reste à déterminer si l'Elysée a joué un rôle dans le processus. Les signataires de la tribune de soutien à Lancelin dans Libéen sont convaincus. (Légèrement) moins affirmatif, Laurent Mauduit, de Mediapart, estime toutefois que "la question vient à l'esprit" d'autant plus que "Matthieu Croissandeau se vante auprès de ses actionnaires d'échanger des SMS avec le chef de l'État, parfois plusieurs fois par jour".

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