Charlie "crapules" : mutation d'office pour le prof de Poitiers

Justine Brabant - - 0 commentaires

Pas de poursuites judiciaires, mais une sanction disciplinaire. Après l'abandon des poursuites contre lui pour "apologie du terrorisme", le professeur de philosophie de Poitiers Jean-François Chazerans a appris, vendredi 27, qu'il serait en revanche sanctionné par sa hiérarchie. Il est muté d'office, et rattaché à un lycée des Deux-Sèvres. Ce qu'on lui reproche : d'avoir qualifié de "crapules" les membres de l'équipe de Charlie Hebdo.

Pour avoir avoir "tenu des propos inadéquats" en classe, et "porté atteinte non seulement à l'image de la fonction enseignante mais [aussi] à celle du service public de l'Éducation nationale", Jean-François Chazerans n'enseignera plus à Poitiers. Le conseil de discipline de la commission paritaire d'académie, qui l'a entendu le 19 mars, a décidé qu'il serait muté d'office dans le département des Deux-Sèvres, à une heure de route de son domicile.

Le doute a longtemps plané sur ce qui était reproché précisément à l'enseignant, ainsi qu'@si le relevait. Aujourd'hui, il admet avoir parlé de "crapules" pour désigner des membres de l'équipe de Charlie Hebdo, lors d'un débat avec l'une de ses classes, au lendemain de l'attentat au siège du journal. "Mais c'était en référence aux débats sur la montée du racisme et l'islamophobie, par rapport à ce qu'était devenu Charlie Hebdo, en aucun cas pour justifier l'attentat", explique-t-il à @si. "J'ai arrêté depuis, mais j'étais lecteur de Charlie toute mon adolescence. Parler de petite crapules pour eux... Vous savez, "crapule", étymologiquement, ça veut dire "poivrot"...", rappelle-t-il.

La lettre lui notifiant la décision lui reproche notamment d'avoir organisé un débat avec ses élèves "sans la moindre préparation", alors que vu le "contexte national et international particulièrement tendu", il aurait fallu "un travail préalable de la préparation de la réflexion, mais aussi une organisation méticuleuse de l'argumentation et de la synthèse de la réflexion menée en concertation avec les élèves". Un grief étonnant : le jour même de l'attentat, la ministre de l'Education adressait une lettre aux enseignants dans laquelle elle les invitait "à répondre favorablement aux besoins ou demandes d'expression qui pourraient avoir lieu dans les classes".

Il y a un mois, le parquet avait abandonné les poursuites contre le professeur de philosophie, estimant qu'il avait tenu des propos "déplacés et choquants", mais qu'il ne s'était pas rendu coupable "d'apologie d'actes de terrorisme".

La lettre de Najat Vallaud-Belkacem invitant les enseignants à répondre aux "demandes d'expression" des élèves suite à l'attentat au siège de Charlie

Mise à jour, 31 mars, 10h30 : ajour d'un extrait de la lettre adressée à l'enseignant par le recteur de l'Académie de Poitiers.

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