Non aux volailles sans papiers !
Alain Korkos - - 0 commentaires
Si par chance vous êtes l'heureux possesseur d'un récepteur de télévision, peut-être avez-vous eu l'occasion d'admirer ce merveilleux petit film à caractère promotionnel vantant les mérites de la volaille française :
Cette campagne, initiée par l'Association de Promotion de la Volaille Française (APVF), se compose de trois courts films de huit secondes mettant en scène un héros baptisé Aviman. Inspiré par le mouvement des Femen, Aviman défend la volaille française…
… du 13 au 30 mars 2014, avec un premier spot intitulé Non aux volailles sans papiers ! Deux autres films, diffusés sur France2, France5, M6, Téva, W9 et 6ter viendront en juin et en octobre, ils seront intitulés Oui aux poulets bien élevés ! et Oui aux dindes bien élevées !
Et dans les trois spots, cet homme au torse nu avec un slogan sur sa poitrine rappelant au moins autant les Femen que les Homen, groupe né lors de la Manif pour tous qui lutta contre le mariage homosexuel avant de militer contre la fumeuse "théorie du genre" (dont il fut question dans ma précédente chronique, voir par là).
Homen lors de la Manif pour tous du 2 février 2014 à Lyon
Photo Wikimedia Commons
L'Humanité.fr, dans un article du 20 février dernier, n'est pas tendre pour l'APVF qu'elle accuse de «surfer sur la vague réactionnaire de la Manif pour tous et de ses slogans sexistes ou racistes ». « Il y a sans doute d’autres façons de défendre la volaille française, notamment en combattant le traité de marché unique transatlantique qui risque de laisser entrer des tonnes de poulets américains traités au chlore sur le marché français », fait remarquer L'Huma.
Ce n'est pas la première fois qu'un organisme ayant en charge de défendre la filière alimentaire commet une campagne aux relents étranges. En juillet 2007, un lot de trois affiches promouvant le marché international de Rungis avait fleuri dans le métro parisien, les voici :
Chacune d'elles était accompagné d'un texte identique intitulé La qualité est un combat d'avenir :
Sauf que le combat en question, mené "sur tous les fronts", avait un arrière-goût des plus douteux. Ces visuels s'inspiraient en effet d'affiches parues pendant la Seconde Guerre mondiale, et pas forcément du bon côté :
Mais cela ne gênait en rien les publicitaires auteurs de cette campagne qui, à l'époque, la présentaient ainsi sur l'une des pages (aujourd'hui disparue) du site du marché de Rungis. La mise en gras de certains passages respecte la mise en page d'origine :
« La stratégie de notre combat.
La campagne de communication vise à inciter les familles, les consommateurs à lutter à nos côtés pour la défense des produits frais et des commerces de proximité qui ont fait le choix de la qualité.
Parce que chacun d'entre nous a un rôle à jouer dans ce combat, parce que les professionnels qui défendent la qualité et la diversité doivent être soutenus.
Cette campagne milite en faveur d'une mobilisation générale pour ceux qui fournissent autant d'efforts au quotidien et ceux qui les fournissent en produits de qualité.
Notre campagne de mobilisation.
La campagne de publicité fait référence aux campagnes de mobilisation de la seconde guerre mondiale. Elle fait un clin d'oeil aux campagnes chocs incitant la population à "l'effort de guerre". Les armes, divisions blindées et autres escadrilles sont aujourd'hui remplacées par des côtelettes, des casseroles ou des couverts.
Le traité réaliste de l'illustrateur Jacques Parnel retrouve la force de ces grands affichistes des années 30-40, pour nous pousser tous à nous engager pour la qualité.
Alors, n'attendez pas pour vous engager, battez le rappel autour de vous ! »
Hier on faisait l'apologie du marché de Rungis sur l'air de Maréchal nous voilà, aujourd'hui on nous vend les poulets français en s'écriant Non aux volailles sans papiers ! Douce France…
L'occasion de lire ma chronique intitulée La réforme des enfants saignés à blancoù il est question d'une affiche à tonalité bouchère réalisée par le PCF.