Liste HSBC : Le Monde balance des noms

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

Gros coup pour Le Monde : le journal révèle l’identité de personnalités présentes dans le fichier dit Falciani, du nom de l’ancien cadre informatique de la banque HSBC qui a fourni au fisc français, fin 2008, une liste de détenteurs de comptes suisses. Seuls les noms des contribuables qui ont accepté de parler au Monde sont cités. Les autres demeurent – pour l’instant – anonymes.

Des noms, des noms ! Brandie fièrement par le ministre du budget Eric Woerth fin août 2009, la liste – dont on sait aujourd’hui qu’elle est constituée sur la base des données dérobées par Hervé Falciani, ancien cadre informatique de la banque HSBC Private Bank de Genève – devait permettre au fisc de recouvrer les sommes évadées sur les comptes suisses. A l’époque, seuls quelques noms avaient circulé : Paul Bocuse, le cuisinier, Jean-Charles Marchiani, le préfet, ou encore Patrice de Maistre, le gestionnaire de fonds devenu célèbre dans l'affaire Bettencourt.

Aujourd’hui Le Monde, qui a eu accès à la version du fameux fichier Falciani sur laquelle travaillent les autorités françaises, évoque une liste d’une soixantaine de personnalités françaises détenant ou ayant détenu un compte HSBC en 2005 et 2006, des "commerçants, chirurgiens, avocats, comédiens, chanteurs, antiquaires, sportifs…"

Les journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet, auteurs de l’enquête, révèlent exclusivement l’identité de ceux qui ont accepté de répondre à leurs sollicitations. Selon eux, "dans la plupart des cas, les contribuables pris en faute ont déjà régularisé leur situation."

Certaines personnalités figurant sur la liste ont – ou ont eu – des comptes légaux : c’est le cas des résidents suisses comme Alain Afflelou, le footballeur Christian Karembeu ou encore les frères Christian et François Picart, fondateurs de la chaîne de restauration Buffalo Grill. Mais d’autres ont – ou ont détenu – des comptes illégaux. Parmi eux, certains plaident l’ignorance : Jean Lévy, diplomate nommé en octobre 2013 ambassadeur pour le sport par Laurent Fabius, le cinéaste Cédric Klapisch ou encore l’ancien directeur adjoint du Monde, Laurent Greilsamer. Ce dernier assure à ses confrères n’avoir "jamais eu de compte bancaire HSBC, ni en France ni en Suisse" avant de préciser : "j'ai été entendu il y a deux ou trois mois. Au terme de l'interrogatoire, la gendarmerie m'a indiqué que mon nom figurait, comme ayant droit, sur un compte en Suisse que mon frère, expatrié à l'étranger depuis 1978, avait utilisé en 1992."

Les journalistes citent aussi les cas de Gérard Miller, l'avocat Michel Tubiana et l'ex-président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) Richard Prasquier dont les parents ont ouvert après-guerre des comptes en Suisse. Selon les journalistes, "à l'évidence, un nombre considérable de personnes figurant sur les listings sont dans le même cas. Avec l'arrivée au pouvoir des nazis et les persécutions et spoliations qui s'ensuivirent, de nombreux pères de famille juifs placèrent leur argent en Suisse, pays neutre. Craignant pour leur vie, ils désignèrent souvent leurs enfants ou petits-enfants comme ayants droit, parfois sans les en informer. Plusieurs d'entre eux ignoraient ainsi totalement que leurs parents ou grands-parents leur avaient légué un compte à Genève…"

"C'est gravissime que l'on puisse m'attribuer un compte"

Il y a ceux qui plaident l’ignorance, et ceux qui ne comprennent pas pourquoi ils figurent sur la liste : Le Monde cite Henri Leconte qui a eu "un compte HSBC, mais en France", tout comme l’écrivain Marc Levy, qui a un compte mais à Londres cette fois-ci, ou encore Gilles Kaehlin, ex-patron de la sécurité de Canal+, très en colère, et qui souhaite qu’"on rende publics tous les noms. Cela permettra sans doute de démasquer d'authentiques fraudeurs, mais aussi de découvrir que ces listes ont été trafiquées, sans doute par les services de renseignement. C'est gravissime que l'on puisse m'attribuer un compte. J'ai d'ailleurs déposé plainte pour faux et usage de faux."

Les listes ont-elles été trafiquées ? Ou expurgées ? Lhomme et Davet n’y croient pas et donnent la parole au procureur de Paris François Molins qui assure qu’"aucun élément ne permet de penser que les fichiers auraient été manipulés pour être falsifiés". C’est également la conclusion du rapport sur l’affaire établi par le rapporteur de la commission des finances Christian Eckert en juillet dernier et épluché par Mediapart. Pourtant, les mêmes Lhomme et Davet ont enquêté sur ce sujet en juillet 2012 – une info relayée aussi sur @si – et s’étonnaient, tout comme les enquêteurs suisses, de la disparition de près de 3 000 noms. Quoi qu’il en soit, certains contribuables peuvent continuer à trembler car à ce jour "les enquêteurs s'interrogent sur un ancien coéquipier de M. Karembeu en équipe de France, lui aussi champion du monde en 1998, qui avait placé 1,6 million d'euros chez HSBC, et sur deux monstres sacrés du cinéma français, un humoriste star, une vedette de la chanson, une ancienne Miss France. Et un sénateur (UDI)."

 Balancer des noms de célébrités ? C’était un des sujets de débat lors de notre émission consacrée à l’évasion fiscale et à l’enquête menée par le journaliste Antoine Peillon sur les pratiques de la banque UBS.

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