La BNP et son parapluie luxembourgeois (Libé)

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

BNP Paribas franchit-elle les limites de la légalité avec sa Sicav Luxumbrella ? Libérationrevient ce matin sur cet outil de placement financier douteux, mais aussi sur l’audition du président de la banque, Baudouin Prot, devant la Commission d’enquête du Sénat. L’homme y est apparu "à la peine" et "mal à l’aise".

Si vous l’aviez oublié, Nicolas Cori dans Libération se charge de vous le rappeler : non, les paradis fiscaux, le secret bancaire, ce n’est pas fini, comme le clamait Sarkozy en septembre 2009. La preuve : BNP Paribas commercialise toujours une Sicav nommée Luxumbrella, déjà repérée par Marianne en 2010 (et évoquée dans cette brève consacrée à l’audition des banquiers devant la Commission).

Si BNP se défend de toute évasion fiscale en arguant que (prenez votre respiration) "Luxumbrella n'a pas d'autre objet que de mutualiser la gestion sous mandat pour mutualiser le coût des transactions et des arbitrages facturés par ces gestions collectives", la lecture des documents internes ne fait pas de doute pour le journaliste : "Le produit sert à échapper au fisc, en profitant des trous de la législation européenne sur les paradis fiscaux."

Comment est-ce possible ? Cori explique : normalement, ce fonds est réservé à des clients luxembourgeois ou à des investisseurs institutionnels, qui se trouvent de fait protégés par le secret bancaire, qui a toujours cours au Luxembourg. Mais "grâce à un tour de passe-passe, BNP Paribas réussit à refourguer cette Sicav à ses clients européens hors du Luxembourg. Officiellement, la banque propose au client de signer une convention patrimoniale avec mandat de gestion discrétionnaire, «mandat First». Ensuite, les sommes sont placées dans la Sicav Luxumbrella. Et le tour est joué : ce n’est pas le client qui a directement investi, mais son banquier." Seulement, prévient le journaliste, "le jeu n’est pas sans risque. Si le fisc français apprend qu’un contribuable détient une Luxumbrella non déclarée, il peut le poursuivre pour fraude. Mais la banque s’en lave les mains. Son rôle n’est pas de rédiger la déclaration de revenu de son client…"

Défense de l’accusé, qui ne nie pas l’existence de cette Sicav à la limite de la légalité ? Sans rire, la banque répond que ça pourrait être pire, le manque à gagner pour les impôts européens n’étant que de 2,3 millions d’euros. Reste que Baudouin Prot doit être gêné aux entournures. En témoigne son attitude lors de son audition par la Commission d'enquête, le 17 avril. Selon une sénatrice présente, "sur la forme, [Baudouin Prot] était à la peine. Sur le fond, il a botté en touche. Quand on lui parlait de Luxumbrella ou des trusts, sa réponse, c’était de minimiser, en rapportant les montants en jeu au chiffre d’affaires global de la banque. Mais c’est justement l’addition de ces petites choses qui montre l’étendue du problème !"

Et à ce propos, où en sont les travaux de la Commission ? Selon Cori, "les sénateurs ont maintenant prévu de faire un voyage en Suisse, ainsi que de s’intéresser au monde du football, qui adore la défiscalisation. Michel Platini et Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, ont ainsi été conviés."

L’évasion fiscale n’aura plus de secret pour vous après la plongée dans l’émission consacrée au sujet avec, comme invité, le journaliste Antoine Peillon et auteur du livre Ces 600 milliards qui manquent à la France. Et pour savoir ce que pense Nicolas Cori des conflits d’intérêts des économistes, lisez l’enquête de l’éconaute à la poursuite d’un code de déontologie.

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