Macé-Scaron / plagiat : et Assouline découvrit "l'innutrition"

Sébastien Rochat - - 0 commentaires

"Il n'y a pas d'affaire Macé-Scaron". Voilà c'est dit. Dans une chronique publiée dans Le Monde des Livres, Pierre Assouline rejoint la liste des défenseurs de Joseph Macé-Scaron, directeur adjoint de Marianne, accusé d'avoir plagié un livre de Bryson dans son dernier roman Ticket d'entrée. Après la "connerie", les "emprunts" et "l'intertextualité", Assouline offre l'occasion à Macé-Scaron de donner un nouvel élément de langage : "l'innutrition" (synonyme de "y a-pas-de-plagiat"). Et quand Assouline évoque le non-plagiat, défense de rire : c'est un spécialiste qui parle. Dans une période pas si lointaine, Assouline n'hésitait pas à brocarder les plagiaires, notamment dans le magazine Lire ou sur RTL. Alors comment expliquer ce revirement ? De lui-même, Assouline fournit une partie de la réponse dans sa chronique puisqu'il précise qu'il "collabore" au Magazine littéraire, dirigé par un certain Macé-Scaron Joseph.

Dans le groupe des pro-Scaron, Pierre Assouline vient de faire une entrée fracassante grâce à sa chronique publiée dans Le Monde des livres et dans laquelle il prend fait et cause pour l'écrivain-plagiaire.

Selon Assouline, Macé-Scaron s'est "fait piéger en admettant "des emprunts " aussitôt traduits "un plagiat" (une mauvaise traduction signée @si). Car pour Assouline, la cause est entendue : il n'y a pas de plagiat ! "Cette affaire témoigne de ce que la littérature ne peut plus se permettre de clins d'œil, d'échos, d'hommages", explique-t-il avant de donner la parole à Macé-Scaron. Lequel délivre un cours de littérature en accéléré : "Au XXe siècle, les travaux de Kristeva, de Compagnon (sur Montaigne d'ailleurs), de Barthes et de Genette (Palimpsestes) ont montré que l'innutrition était la principale source de littérature, qu'elle soit ancienne ou moderne. On ne reprend pas des morceaux de la réalité : on reprend des morceaux des autres livres. C'est ce qu'on appelle désormais l'intertextualité, que tout étudiant en lettres connaît très bien".

 

Et pour finir de convaincre ceux qui n'ont pas fait d'études de lettres, Assouline reprend la plume : pas de plagiat puisque Macé-Scaron "rend hommage à Bill Bryson et ses chroniques américaines dans le corps même de son texte" (cent pages avant les textes recopiés, oublie-t-il de préciser). Mais quoi qu'il arrive, "le mal est fait", poursuit Assouline qui termine sa chronique par un conseil : "Quand les événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs ", suggère un fameux aphorisme attribué à Clemenceau ou à Cocteau selon les sources, l'un ayant plagié l'autre. Nous ne serions donc pas surpris d'apprendre que Joseph Macé-Scaron consacrera un prochain numéro spécial du Magazine littéraire au plagiat".

 

Dans le cadre de ce prochain numéro spécial, nul doute que Pierre Assouline y figurera en bonne place... puisque c'est un spécialiste du sujet. En janvier 1992, il avait consacré une longue enquête au plagiat dans le magazine Lire. Une enquête qui lançait de "nouvelles accusations" et dix ans après, faisait toujours référence puisqu'elle avait alimenté une réédition du dictionnaire des plagiaires de Roland Chaudenay en 2001.

pictoMagazine Lire de janvier 1992

Après ce numéro de Lire, Assouline avait accroché à son tableau de chasse une autre plagiaire en 1996 : Calixthe Beyala. C'est Assouline qui avait accusé l'auteur de plagiat au cours de l'émission RTL-Lire diffusée le 24 novembre 1996. Il avait "affirmé en direct sur l'antenne que Calixthe Beyala, déjà condamnée en mai pour contrefaçon partielle (...) avait récidivé en faisant « des emprunts flagrants à deux reprises à l'écrivain nigérian Ben Okri »", relate un article du Monde de l'époque. Assouline n'avait alors pas eu beaucoup d'hésitations à dénoncer Beyala, qui venait de recevoir le Grand Prix du roman de l'Académie française : la condamnation de Calixthe Beyala "aurait dû inciter les académiciens français à être plus circonspects. Ils ont plongé comme un seul homme. Quelque chose me dit qu'ils vont bientôt le regretter", ironisait Assouline (à l'époque où il n'avait pas découvert les bienfaits de l'innutrition).

Heureusement pour Macé-Scaron, Assouline s'est assagi. Parce qu'il "collabore" au Magazine littéraire dirigé par Macé-Scaron comme il le reconnaît lui-même dans sa chronique ? Peut-être. Toujours est-il que ce soutien inattendu intervient au moment où L'Expresslance une nouvelle accusation de plagiat contre Joseph Macé-Scaron. Selon Jérôme Dupuis, le journaliste de L'Express qui avait révélé le plagiat de PPDA pour sa biographie d'Hemingway, Macé-Scaron "n'en est pas à son coup d'essai. Dans Trébizonde avant l'oubli, publié en 1990, [il] s'est clairement inspiré du Premier Journal Parisien d'Ernst Jünger". Le journaliste cite plusieurs extraits relativement proches et ne constate que d'"infimes changements". "Et le fait que l'exergue de Trébizonde avant l'oubli soit tiré du Coeur aventureux d'Ernst Jünger n'y change pas grand-chose", selon Jérôme Dupuis. Alors nouveau plagiat ou "intertextualité" ? Quelle que soit la ligne de défense, il y a visiblement eu "emprunt". Et ce n'est pas l'un de ses défenseurs, le chroniqueur Bruno Roger-Petit, qui dira le contraire. Dans sa chronique pro-Scaron, il avait tenté de démontrer la différence entre l'intertextualité et le plagiat... en indiquant que dans le livre Ticket d'entrée, Macé-Scaron avait recopié un paragraphe du roman de Jay McInerney, La Belle vie (2007), sans le citer. Mais si vous avez bien suivi malgré vos carences en littérature, ce n'est pas du plagiat, c'est, au choix, un "hommage", un "clin d'œil", de "l'intertextualité" ou de "l'innutrition" (Liste à compléter).

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