Revue BHL : étrange appel pro-guerre à l'Allemagne

Dan Israel - - 0 commentaires

Très étrange lettre ouverte sur le site de la Règle du jeu, la revue de Bernard-Henri Lévy.

Laurent Dispot, écrivain et proche de BHL, se fend d'un plaidoyer pour que l'Allemagne s'engage dans la coalition internationale. Mais le fait sous une forme étonnante : il s'adresse directement à Karl-Theodor zu Guttenberg, homme politique allemand, de droite, qui a démissionné de son poste de ministre de la Défense début mars, parce que la presse avait démontré qu'il avait plagié l'essentiel de sa thèse de droit. Un ex-ministre, dont la réputation a été écornée : choix surprenant pour lancer un appel à la moralité et à la probité allemandes…

La forme de la lettre n'est pas moins étrange. Dispot s'en prend avec véhémence à l'actuel ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle et à l'"opiniâtreté perfide" avec laquelle il a refusé que l'Allemagne soutienne la résolution de l'ONU autorisant une action militaire contre Kadhafi.

Dispot n'appelle pas vraiment l'Allemagne à prendre part à la coalition, il ne dit d'ailleurs pas un mot des opérations militaires en cours, mais se concentre sur Westerwelle, dont le nom sera retenu, assure Dispot, "pour évoquer la répulsion et le dégoût, fusionnant toute une carrière de carriériste en une seule horreur : un abysse de trahison de l’Europe en tant que telle". Le texte est truffé de références à la Seconde Guerre mondiale, l'auteur n'hésitant par exemple pas à affirmer, sans rire, qu'être"anti-nazi aujourd’hui, en 2011, signifie de façon incontournable détruire les missiles et les radars de la clique de Kadhafi", dont "l'ultime morsure de mort" contre son peuple serait "un retour de l’ultime morsure de mort de Hitler en 1945 contre le peuple allemand".

En dehors de ses envolées, l'auteur n'hésite pas à encenser le directeur de la Revue qui l'accueille, jurant, toujours sans rire, que le nom de BHL restera dans l'histoire "synonyme d’efficacité pour l’honneur et la morale" puisqu'"on ne peut que s’étonner, voire s’ébahir, en considérant la disproportion entre la grandeur des résultats obtenus en termes de mobilisation de tant de forces militaires, politiques, diplomatiques, qui furent d’abord médiatiques, et le point d’appui moteur au départ de ce vecteur inouï de puissance : un seul individu". Excusez du peu.

Ceci n'est que la plus récente initiative du réseau de BHL, depuis que l'intellectuel a fait de la lutte contre Kadhafi un combat tout personnel : depuis la fin février, BHL s'est rendu en Egypte et en Libye, a pris fait et cause pour les révolutionnaires, et l'a fait savoir… à peu près partout. D'un reportage en Egypte pour Libération le 26 février à son invitation sur France Inter le 17 mars pour appeler à l'action militaire en Libye, il s'est exprimé une bonne douzaine de fois, en télé, radio ou presse écrite…

Dans son édition du 16 mars, Le Monde donnait un des derniers exemples, significatif, de la façon dont fonctionne ce réseau BHL : l'écrivain, accompagné de 16 signataires, proches pour la plupart (André Glucksmann, Pascal Bruckner, Raphaël Enthoven, mais aussi Jane Birkin ou Bernard Kouchner) lançait dans le quotidien dont il est membre du conseil de surveillance un appel en faveur de l'intervention en Libye : "Les Occidentaux sont unanimes pour condamner le dictateur fou. Mais (…)ils tergiversent, multiplient les conditions diplomatiques qui seraient nécessaires à une intervention, trouvent des prétextes pour justifier leur inaction. Les plus cyniques brandissent même l'argument hypocrite du néocolonialisme que pourraient nous opposer les peuples arabes", s'indignait le texte. Il a été clairement entendu.

La campagne pour une action militaire en Libye est la dernière manifestation de l'étendue et de la puissance du réseau BHL. Mais qui le compose, et comment fonctionne-t-il ? Nous avons enquêté sur les méandres de ce cercle du pouvoir. Notre premier article est ici.

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