Juppé : chrétien, méritocrate, antilibéral, écolo, etc (Guetta)

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Un quasi homme de gauche, doublé d'un écolo "passionné": tel est le portrait sans nuances que brosse Bernard Guetta, chroniqueur à France Inter, du nouveau ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, dans sa chronique du 28 février.

"Un gaulliste ? Oui, bien sûr. Mais qui est et que pense de la France, de l’Europe et du monde, l’homme qui reprend un ministère des Affaires étrangères en pleine crise et apparaît aujourd’hui comme l’homme fort de ce énième gouvernement Sarkozy ?

Dans le livre qu'Alain Juppé vient de publier avec Michel Rocart, ses premiers mots sont pour dire que ce qu'il a d'abord façonné est une enfance imprégnée d'éducation chrétienne dont il a retenu, dit-il, qu'il sera plus difficile à un riche d'entrer au royaume des cieux qu'à un chameau de passer par le chas d'une aiguille".

"Venu d'un milieu modeste, pur produit de la méritocratie républicaine, cet homme de droite professe une vibrante hostilité à l'égard de la foi des néo-libéraux en la sagesse des marchés. C'est un régulateur, un homme qui considère que l'Etat a un rôle a jouer dans l'économie (...) Son retour au gouvernement et la place qu'il y prend marque, autrement dit, l'évolution d'un Président qui s'est fait le champion de nouvelles régulations internationales en rompant avec son libéralisme initial mais qui ne s'est toujours pas trouvé de nouveau positionnement intérieur et continue de flotter".

"Désormais très écouté de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé apparaît ainsi comme l'homme qui lui propose un retour à la dimension sociale du gaullisme, cela ne signifie pas qu'il sera entendu: d'autres poids lourds pèsent en sens contraire. (...) Comme la gauche, le nouveau patron de la diplomatie française estime que le libre-échangisme est déséquilibré par l'extrême inégalité des coûts de production entre pays émergents et pays développés et que l'Europe doit se défendre, notamment par l'instauration d'une fiscalité verte. Comme les écologistes, il considère que la défense de la planète est une priorité absolue et a des accents militants et passionnés pour le dire" (...)

"Avant même le printemps arabe, cet homme, qui ne croit plus guère au maintien dans le nouveau siècle d'une relation privilégiée entre l'Europe et les Etats-Unis, estimait que l'enjeu essentiel de la diplomatie française était l'émergence de l'«Eurafrique», d'une organisation des deux continents de la Méditerranée passant par celle du continent Europe autour d'un partenariat entre l'Union Européenne et la Fédération de Russie. Contrairement à tant de ses prédécesseurs, Alain Juppé a
une vision du monde mais sauf à lui voir jouer un encore plus grand rôle à l'avenir, il n'a qu'un an pour la développer".

Pas un mot dans cette chronique sur les déboires judiciaires de Juppé, sur le bilan précis de son premier passage au Ministère des Affaires Etrangères (1993-1995), ou sur l'échec du projet de réforme des retraites qu'il portait en 1995. Enfin, le livre de conversations avec Michel Rocard auquel fait allusion Guetta ("La politique telle qu'elle meurt de ne pas être", Lattès, 2010) est bien connu du chroniqueur de France Inter: c'est lui-même qui a conduit le débat entre les deux anciens Premiers ministres.

Guetta joint ainsi sa voix au grand cri d'enthousiasme entendu dans les pays arabes à la nouvelle de la nomination d'Alain Juppé, comme le signalait ce matin Daniel Schneidermann.

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