Rapport du HCE : faut-il interdire le porno ?

La rédaction - - (In)visibilités - Scandales à retardement - 87 commentaires


Ce sont deux rapports, l'un du Sénat, l'autre du Haut Conseil à l'Égalité, le HCE, qui ont mis le feu aux poudres en arrivant sensiblement à la même conclusion : il faudrait interdire la pornographie ou du moins la surveiller drastiquement. Le HCE parle de "pornocriminalité", quand le Sénat entend révéler "l'enfer du décor". Si les médias reprennent dans leur grande majorité les résultats du HCE et du Sénat, d'autres voix se font entendre. La pornographie n'est-elle vraiment qu'une entreprise criminelle ? Certaines mettent en avant un porno éthique, respectueux du consentement des actrices et des acteurs, et qui donne à voir d'autres sexualités. Mais est-ce une goutte d'eau dans un océan de pratiques criminelles ? La récente affaire dite "French Bukkake" a jeté une lumière crue sur le porno amateur français et ses liens avec les grands studios. L'une des plaignantes témoigne dans cette émission de l'horreur qu'elle a vécue. Face à de tels crimes, quelle place pour la réflexion sur la pornographie, son imagerie, son accessibilité auprès des plus jeunes, son avenir ? Comme vous allez le voir, le débat n'est pas toujours facile, parfois tendu, mais il s'est tenu sur notre plateau. 

Nous recevons cette semaine Laurence Cohen, ex-sénatrice PC du Val-de-Marne, rapportrice du rapport du Sénat sur la pornographie ; Ludi Demol Defe, chercheuse en sciences de l'information, autrice d'une thèse sur le rapport des adolescentes à la pornographie ; Marjolaine Vignola, avocate spécialiste des droits des femmes qui défend des parties civiles dans l'affaire "French Bukkake". 

Making of

Nous savions que le sujet était sensible, mais sans doute pas à ce point. En une semaine de préparation d'émission, les refus se sont enchaînés des deux côtés de la controverse. Refus de débattre avec le camp d'en face, refus d'écouter les arguments, refus de se retrouver sur le même plateau. Et puis une fois trouvées les quatre invitées de l'émission, les annulations se sont aussi enchaînées, cette fois pour des raisons purement pratiques. C'est notamment pour cette raison que Liza del Sierra, productrice et réalisatrice de films pornographiques, a dû se décommander au dernier moment. Un regret pour nous qui souhaitions que la parole d'une professionnelle du secteur s'exprime. 

Le porno est-il plus violent que le reste de la société ? 

Alors que les rapports du HCE et du Sénat se concentrent sur les violences exercées dans l'industrie pornographique, Ludi Demol Defe rappelle que ces violences s'exercent aussi dans le reste de la société, affaires PPDA ou Polanski à l'appui. Marjolaine Vignola refuse ce qu'elle estime être un procès d'intention, et juge que la pornographie représente la "quintessence" des violences sexistes présentes dans la société française.

Deux féminismes qui s'opposent ? 

Laurence Cohen l'assure : le rapport du Sénat sur la pornographie était transpartisan, incluant une rapportrice communiste, une socialiste, une issue des Républicains et une centriste. Une vision qui, pour Ludivine Demol Defe, oublie un élément essentiel, le féminisme que partagent les quatre rapporteuses : "Un féminisme abolitionniste, anti-travail du sexe, que ce soit la prostitution ou la pornographie."

La possibilité d'un "porno éthique" ?

Pour défendre leur métier, nombre d'actrices et productrices mettent en avant la possibilité d'un porno éthique, respectueux du consentement des acteurs et des actrices, dans lequel on s'assure à chaque étape d'un tournage du consentement de chacun·e. Marjolaine Vignola "demande à voir" : "Si déjà, il pouvait y avoir, comme le demande le HCE, le respect de la loi..." Pour Ludivine Demol Defe, un "porno éthique" serait l'un des moyens de faire respecter la loi sur le consentement et le droit du travail. Autre intérêt : montrer des sexualités différentes et non hétéro-normées.

Pour aller plus loin

- Le rapport du Sénat sur la pornographie, et celui du HCE
- L'enquête deCash Investigation sur le business des grandes plateformes. 
- La tribune de plus de 80 professionnels de la pornographie en réponse au rapport du HCE.
- Les enquêtes du Monde sur l'affaire "French Bukkake".

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