L'adresse de Moix à Macron : "il fallait attaquer la tête, et pas les jambes"

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Migrants : comment vaincre l'indifférence ? Notre plateau.


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Comment crever le mur de l'indifférence à propos du sort réservé aux migrants par la police et l'administration françaises, à Paris, à Calais et ailleurs ? L'écrivain et chroniqueur de télévision Yann Moix a, le dernier, balancé un grand coup de poing avec un montage d'images, et une adresse solennelle à Emmanuel Macron. Comment réagissent les reporters, humanitaires qui depuis des années s'efforcent d'alerter sur le sort des migrants? Pour répondre : Yann Moix, écrivain et réalisateur, auteur de la tribune à Emmanuel Macron ; Gaspard Glantz, journaliste indépendant Taranis News ; Haydée Sabéran, correspondante à Lille pour Ebdo (ex-Libération) et Gaël Manzi, membre de l'association Utopia 56.

On avait beau parler d'eux, cela ne suscitait presque plus l'émoi. Mais l'adresse de l'écrivain et réalisateur Yann Moix, le 21 janvier, dans Libération, prenant directement à partie Emmanuel Macron, a secoué et réveillé les consciences sur le sort réservé aux migrants, en particulier à Calais. Moix n'est pourtant que le dernier d'une ligne d'opposants d'un nouveau genre à la politique du président de la République sur l'asile : des soutiens, ou proches de Macron, de Raphaël Pitti à Jean Pisani-Ferry en passant par la couverture de l'Obs. Sur notre plateau, Moix explique sa sortie, à ONPC face au porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, et son choix d'écrire sa tribune. "Il fallait franchir le mur du son, ne serait-ce que pour rendre hommage au travail fait sur le terrain [par les associations] ; et il fallait attaquer la tête et non les jambes."

ce que disent les images : la réponse du préfet de calais

Le préfet de Calais, Fabien Sudry, a répondu à Yann Moix, l'accusant d'avoir manipulé les images dans son montage. Moix récuse vivement. "Ma carte mémoire donne à la seconde prêt la date de mes images tournées. Le préfet vient de faire une très grave erreur." Mais le préfet dément aussi l'utilisation de gaz lacrymogènes sur des points d'eau, ou au moment de la distribution de repas. Jamais il n'y aurait eu d'instructions en ce sens. Sauf que plusieurs de nos invités, Gaël Manzi, d'Utopia 56 en premier lieu, ont assisté personnellement à ce type de pratiques. "On a retrouvé des bidons donnés aux migrants qui avaient été gazés." Haydée Sabéran aussi a pu entendre ce type de témoignages, concordants. "C'est impossible que les gens inventent." Sabéran a assisté elle-même au réveil brutal des migrants à 6 heures du matin par des CRS, dans les cris. Comment expliquer que des années après, cela continue, sans indigner personne ? "Je crois que les gens s'en fichent", tranche Sabéran. Même le témoignage d'un CRS de Calais, qu'elle a recueilli dans Ebdo du 19 janvier, n'a ému personne.

qui peut sonner l'alerte?

 Gaspard Glanz documente Calais depuis plusieurs années. Sa première réaction au battage médiatique qu'a reçu la tribune de Moix : un tweet blasé. Mais sur le plateau, il récuse toute réaction d'agacement. "J'ai beaucoup de respect pour ce que vous avez fait.Vous avez parlé à une audience que ni moi ni les associations ne peuvent atteindre." Pour Moix, il s'agit de prendre appui sur sa légitimité médiatique, pour se faire le porte-voix des associations. "Vous, on ne peut pas vous attaquer", estime Glanz. Avec Taranis News, Glanz essaye d'alerter sur la situation de détresse des migrants, notamment à Paris. Mais, dit-il, "quand on fait une vidéo sur ça, on perd des followers." Des gens se désabonnent, parce que ça les fatigue. Et de toute façon, des vidéos qui documentent des violences policières ou d'abus, il en existerait déjà plusieurs. Notamment une, tournée par une bénévole à Paris, et diffusée sur le Huffington Post, qui montre les tentes prêtées aux migrants lacérées après une évacuation.

Violences policières : que dire, que montrer ?

Glanz est habitué de la confrontation avec la police, qui refuse d'être filmée. Dans sa dernière vidéo, on le voit opposer à un CRS un décret indiquant que les policiers n'ont pas le droit d'interdire d'être filmés dans l'espace public. A la différence de Moix, qui filme les policiers plutôt comme victimes des instructions officielles. "Je pars du principe que les fonctionnaires de police obéissent à des ordres." Que pensent Sabéran et Manzi ? Ce dernier dit avoir été personnellement témoin de violences policières, et pas seulement du gazage. Pour Sabéran, l'ordre n'est pas d'aller gazer des couvertures, mais de "faire de l'éviction". Les CRS, à partir de là, réagissent de diverses manières. "Il y a des réputations de compagnies qui sont plus violentes que d'autres." Certains policiers sont dans un état de "délabrement moral" après leur service à Calais.

La vie à calais : distributions entravées, tuberculose

A Calais, les associations bataillent avec la police pour réussir à distribuer de la nourriture et de l'eau aux migrants. Faute de pouvoir interdire ces distributions, la police use de stratagèmes, comme bloquer les camions de distribution. Le documentariste Arthur Levivier le montre dans son film, Regarde ailleurs, visible sur Vimeo. Les difficultés d'accès à des douches ont mené à la prolifération de la gale. Mais Gaspard Glanz assure que les douches pour les migrants n'ont été installées qu'"à partir du moment où les enfants des écoles primaires autour se sont mis à attraper la tuberculose." Des jeunes meurent aussi en essayant de monter dans un camion, sur l'autoroute. "Au bout de combien de preuves va-t-on être reçus, ou entendus ?", se demande Moix. Sa tribune serait-elle un geste dans la lignée des interventions de Bernard-Henri Lévy, au Kurdistan ou  ailleurs ? Il en récuse en tout cas l'héritage. Et pour finir, Gaspard Glanz fait une surprise à l'équipe d'Asi.

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