Israël-Hamas : "Une guerre du contrôle de l'accès à l'information"
La rédaction - - Nouveaux medias - Médias traditionnels - 60 commentaires
Jamais, nous n'avons eu autant de moyens pour nous informer. Et pourtant, le brouillard informationnel au-dessus de l'actualité Gaza et en Israël n'a jamais été aussi épais, comme le rappelle notre chroniqueur Thibault Prévost. D'un côté, il y a les images prises par les combattants du Hamas, matériel obligé des journalistes pour raconter l'horreur des attaques, de l'autre, Gaza, toujours fermée aux reporters étrangers, victime d'une sous-médiatisation criante. Et au milieu de tout cela, une donnée nouvelle : X (ex-Twitter), autrefois espace d'information à haute valeur ajoutée, est désormais pollué par les fake news et le nouveau modèle algorithmique qui met en avant en priorité les contenus des comptes Twitter Blue payants. Ainsi, selon une étude de NewsGuard, ces comptes certifiés ont promu 74 % des fausses affirmations les plus virales de la plateforme liées à la guerre en cours. De quelle manière tous ces récits se construisent-ils ? Quels sont les ressorts des propagandes que nous voyons à l'oeuvre ? Comment les journalistes tentent-ils de sortir de ce brouillard de l'information ? Avec quels moyens ? Et comment faire exister médiatiquement ce qui se passe à Gaza malgré tout ? Pour répondre à ces questions, trois invités ont accepté de nous éclairer : l'historien David Colon, enseignant à Sciences Po Paris ; Clothilde Mraffko, journaliste correspondante du Monde à Jérusalem ; Jacques Pezet, journaliste vérificateur pour le service CheckNews de Libération.
RECTIFICATIF
Dans l'émission, nous abordons le sujet des vidéos publicitaires financées par le ministère des affaires étrangères israélien sur Youtube dans sa stratégie communicationnelle pour gagner l'opinion publique. Nous avons diffusé cette vidéo publiée sur la page Facebook du ministère. Celle-ci ne fait pas partie des vidéos de la campagne publicitaire sur Youtube. Nous l'avons confondue avec celle-ci. Nos excuses pour cette confusion.
"Un négationnisme en temps réel sur les réseaux sociaux"
Lundi 23 octobre 2023, l'armée israélienne organisait dans une base militaire près de Tel Aviv un visionnage de 45 minutes à destination de près de 150 journalistes étrangers. Objectif : montrer à la presse internationale l'ampleur de l'horreur des crimes commis par le Hamas le 7 octobre 2023, en projetant un montage d'images de des caméras go pros et téléphones portables des combattants, des caméras embarquées dans les voitures ou de la vidéo-surveillance. Avec quel objectif ? "Des récits désinformateurs niant la réalité des crimes ont commencé à circuler sur le réseaux sociaux, explique David Colon. Le négationnisme de la Shoah est apparu dans les années 50, là, c'est un négationnisme en temps réel intervenu sur les réseaux sociaux manifestement avec des acteurs malveillants."
"Les chaînes panarabes sont en boucle sur les images de Gaza bombardée"
Quelle existence de toutes ces images des attaques du Hamas sur les écrans des Palestiniens ? "Je suis branchée depuis le 7 octobre 2023 sur Al Jazeera mais aussi sur la chaîne Al-Mayadeen liée au Hezbollah, raconte Clothilde Mraffko. Sur ces chaînes, on a vu les images des combattants du Hamas qui franchissent le mur, sur des pickups victorieux, des combattants qui violentent les soldats, qui prennent en otage des civils. Mais, on n'a pas vu les images de décapitations, de massacres. Ces vidéos-là, elles circulent sur Telegram mais elles ne sont pas diffusées sur les médias mainstream."
"Il y a des voix qu'on n'entend pas à Gaza"
Si les autorités israéliennes font tout pour garder le contrôle du récit, il y a de l'autre côté de la frontière, une bande de Gaza administrée par le Hamas, soumise à un blocus, massivement bombardée sans interruption par l'armée israélienne et quasi sous cloche médiatique. Aucun journaliste étranger ne peut y entrer. Alors ils tentent de raconter depuis la Cisjordanie ou Jérusalem les conséquences humaines dramatiques des bombardements israéliens. Clothilde Mraffko en fait partie. "C'est extrêmement frustrant, dit-elle. Je suis la situation à travers les coups de téléphone. Au départ, il y avait internet, c'était plus facile pour joindre les gens. Aujourd'hui, c'est très compliqué, à part pour les gens qui sont dans les hôpitaux ou les gens proches des humanitaires ou des ONG des droits de l'home qui ont accès à internet, les autres n'y ont pas accès. Il y a des voix qu'on n'entend pas à Gaza."
Pour aller plus loin
- Les reportages de Clothilde Mraffko pour le Monde en Palestine.
- Les articles de vérification de CheckNews liés à a guerre en cours dans Libération.
-Israël-Hamas : la bataille des sources dans la guerre de l'info, Les matins de France Culture.
- Le livre de David Colon, La Guerre de l'information. Les États à la conquête de nos esprits, publié chez Tallandier.